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"Taxi Driver"

L'ange exterminateur

Taxi Driver - affiche

titre original "Taxi Driver"
année de production 1976
réalisation Martin Scorsese
scénario Paul Schrader
photographie Michael Chapman
musique Bernard Herrmann
maquillage Dick Smith
interprétation Robert De Niro, Harvey Keitel, Jodie Foster, Cybill Shepherd, Albert Brooks, Victor Argo, Peter Boyle, Leonard Harris, Martin Scorsese
 
récompense Palme d'or au festival international du film de Cannes 1976

La critique de Didier Koch pour Plans Américains

Martin Scorsese cinéaste n’est certes pas né avec "Taxi Driver", mais sans conteste, la Palme d’or de 1976 au festival de Cannes et le choc que provoqua le film internationalement l’installèrent définitivement dans la cour des grands, ainsi que Robert De Niro.

Le propre des vrais chefs-d’œuvre est de ne jamais subir les outrages du temps, car la force de leur propos ou la singularité de leur esthétisme s’affranchissent des modes ou des courants. Comme on peut revoir avec la même fascination "Sunset Boulevard" de Billy Wilder soixante ans après sa réalisation, "Taxi Driver" dégagera la même sensation de malaise intense chez les spectateurs d’aujourd’hui.

À travers le destin de Travis Bickle, Scorsese, Schrader et De Niro nous parlent de l’incommunicabilité entre les êtres qui ne fait que se renforcer à mesure que les villes grossissent et que le progrès technique isole les gens. De manière plus contemporaine au film, "Taxi Driver" nous interpelle sur le sort réservé aux GI’s à leur retour du Vietnam. Beaucoup ont vu en "Taxi Driver", bien avant "Le Retour", "Apocalypse Now" ou "Voyage au bout de l’enfer", le vrai premier film sur ce conflit qui, à l’époque, ronge encore l’Amérique.

Le mode de narration de l’épopée du soldat Bickle voulu par Schrader, avec la voix-off omniprésente, prend ses ramifications dans "Le Journal d’un curé de campagne" de Robert Bresson (1951), cinéaste français sur lequel celui-ci a écrit un livre. Comme le curé d’Ambricourt, Bickle se sent exclu et, comme lui, il souffre de terribles maux d’estomac. La référence au film est marquée par la crainte de Bickle d’être atteint d’un cancer, mal qui emportera le curé du film de Bresson.

À travers un journal lu à voix haute, l’ancien GI entend, lui aussi, témoigner de son incapacité à entrer en contact avec ceux qui habitent la patrie qu’il est allé défendre dans les jungles asiatiques. Le New York qu’il parcourt avec son taxi jaune ressemble aussi à une jungle, et le retour tant désiré là-bas n’en est pas vraiment un. De ce fait, Bickle voit peut-être dans la faune bigarrée des rues malfamées les mêmes ennemis que ceux qui se cachaient potentiellement derrière chaque arbre lors des patrouilles de reconnaissance effectuées au Vietnam.

C’est sûr, quelque chose ne va pas, mais Bickle, qui le sent bien, n’arrive pas à mettre des mots sur ce mal-être qui le ronge, et ce n’est pas la conversation absconse avec Wizard (Peter Boyle) son collègue, où il essaie de trouver une réponse chez un plus ancien, qui va lui remettre les idées en place. La volonté de se lier était pourtant bien présente chez le jeune homme qui, maladroitement, tentera une approche avec une jeune femme de bonne éducation (Cybill Shepherd) aperçue lors d’un meeting électoral. L’immense espoir sera assez vite déçu, le choc des cultures brutal ramenant Travis à sa condition de paria.

Désormais, il en est sûr, la source de tous ses maux vient de cette dégénérescence symbolisée par les marginaux qui hantent les rues qu’il arpente à longueur de nuit. La réaction de Bickle sera en droite ligne inspirée du discours militaire qui, pour convaincre le simple troufion d’aller se faire trouer la peau, mise tout sur la haine de celui d’en face. Dans cette deuxième partie du film, Bickle a renoncé à s’adapter, puisque tout le monde le rejette, et c’est dès lors à un véritable entraînement militaire qu’il se livre dans sa minuscule chambre taudis, ne sortant plus que vêtu de sa veste de treillis, dans l’attente du geste sacrificiel qui lui redonnera une identité.

Une toute jeune prostituée (sublime Jodie Foster), à qui il a décidé de redonner son innocence à défaut de sa virginité, servira à Bickle pour exprimer à la face du monde toute sa souffrance. C’est par une scène choc, qui a beaucoup fait débat à l’époque, que Scorsese clôt son film qui, dans toutes ses composantes, aura marqué l’ensemble d’une génération. Du scénario illuminé de Paul Schrader, inspiré de son expérience personnelle, à la musique lancinante de Bernard Herrmann, dont ce sera le dernier travail, en passant par le jeu habité de De Niro et jusqu’aux partis pris esthétiques de Scorsese, rien de tout cela ne fait en 1976 de "Taxi Driver" un film comme les autres.

Si "Taxi Driver" parle tant aux jeunes gens de sexe masculin, c’est sans doute que sans aller jusqu’au délire paranoïaque de Travis Bickle, beaucoup de jeunes hommes se sont posés un jour avec angoisse, allongés sur leur lit, la question de leurs rapports aux autres et de la place qu’ils allaient occuper dans la société.

La critique de Pierre

Bon, je ne vais pas pitcher le film. C'est juste que je l'ai revu récemment. Ça participe de ma réconciliation avec Scorsese (on était fâchés).

Après lecture d'un splendide bouquin sorti sur lui, j'ai abouti à ce diagnostic : jusqu'aux "Affranchis", il avait du jus. Après, c'est fini. Il devient un bon faiseur et réussit au mieux des exercices de style ("Les Nerfs à vif", "Casino", "Les Infiltrés"). Déjà, dans une interview qu'il a donnée après "Raging Bull", il a expliqué qu'il s'était questionné sur ce qu'il lui restait à faire. Il a tenu le coup le temps de livrer encore quelques films, mais ça fait un moment qu'il a perdu le niveau. Cela n'enlève rien à ses films d'avant, qui restent des chefs-d'œuvre éblouissants.

Ceci dit, on découvre toujours de nouvelles choses en revoyant "Taxi Driver". Exemple : je n'avais JAMAIS remarqué cette apparition de Scorsese, qui REGARDE la caméra très nettement, dans le premier plan, au ralenti, où apparaît Cybill Sheperd. Tout le plan est centré sur Scorsese lui-même ! Je n'arrive pas à croire que je ne l'avais jamais vu !

Taxi driver - caméo Scorsese 1 Taxi driver - caméo Scorsese 2

Sinon, il y a dans le DVD un commentaire audio d'un prof à l'université, plutôt intéressant. Le mec définit Travis Bickle comme "Norman Bates qui se prend pour John Wayne".

Et puis, plus je revois le film, plus je trouve De Niro flippant.

Ma scène préférée du film ? Allez, pour moi, aujourd'hui, c'est la scène où Travis descend un mec dans une épicerie (dont le gérant est Victor Argo, cf. "Dangerous Game"). Une scène vraiment réaliste et épouvantable, où tout le racisme du personnage ressort.

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Critique extraite du Guide des films de Jean Tulard

Un film profondément pessimiste : la vision de New York est déjà déprimante et la solution offerte à Travis pour s'en sortir ne débouche que sur la violence. Seul le visage de Jodie Foster illumine ce monde crépusculaire.

Critique extraite de 50 ans de cinéma américain de Bertrand Tavernier et Jean-Pierre Coursodon

New York filmée comme une Sodome et Gomorrhe nocturne traversée par le taxi de l'Apocalypse. Un film noir métaphysique, ou "Sunrise" revu et corrigé par l'esprit des années 70.

Présentation de "Taxi Driver" par Jean-Baptiste Thoret au Centre des arts d'Enghien-les-Bains
dans le cadre du cycle "Ciné Seventies" en 2012-2013

"Taxi Driver" ou le gore à l'assaut de Hollywood, avec le carnage final, dont les effets sanglants ont été élaborés par Dick Smith, responsable des trucages du "Parrain" et de "Voyage au bout de l'enfer", et surtout connu comme le maquilleur vedette de "L'Exorciste".

L'équipe

"Taxi Driver" marque la troisième collaboration de Martin Scorsese avec l'acteur Victor Argo (cf. "Bertha Boxcar" et "Mean Streets"), sa deuxième collaboration avec les acteurs Robert De Niro et Harvey Keitel (cf. "Mean Streets"), ainsi qu'avec l'actrice Jodie Foster (cf. "Alice n'est plus ici") et sa première collaboration avec le chef-opérateur Michael Chapman (cf. "Raging Bull" + le documentaire "La Dernière Valse" et le clip de "Bad").

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Lieux de tournage de "Taxi Driver" © Jesse Nickell
New York City - 1975 vs 2022

Martin Scorsese et Robert De Niro sur le tournage du film (DGA Quarterly printemps 2007)

Autres photos de tournage

Taxi driver - De Niro & Scorsese 1

Taxi driver - De Niro & Scorsese 2

Taxi driver - De Niro, Shepherd & Scorsese

Taxi driver - Scorsese & De Niro

Taxi driver - Martin Scorsese

Taxi Driver - affiche

Taxi driver T-shirt représentant l'écusson de la manche gauche de la veste de combat américaine M-1965 portée par Travis Bickle/Robert De Niro dans le film, à commander sur lastexittonowhere.com.

Le générique de "Taxi Driver" conçu par Dan Perri

Taxi Driver - générique

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