titre original | "Stan & Ollie" |
année de production | 2018 |
réalisation | Jon S. Baird |
scénario | Jeff Pope |
photographie | Laurie Rose |
musique | Rolfe Kent |
interprétation | Steve Coogan, John C. Reilly |
Le titre du film
Stan et Ollie sont les prénoms de Laurel et Hardy (Ollie pour Oliver). Le choix du prénom seul pour intituler un biopic est une pratique répandue : "Lenny", "Judy", "Bugsy", "Moi, Tonya", "Jackie", "Ray", "Frances", "Whitney", "Alexandre". Le nom de famille est cependant plus utilisé, souvent non accompagné du prénom : "Seberg", "Lincoln", "Hoffa", "Hitchcock", "Chaplin", "Nixon", "Valentino", "Dillinger", "Kafka", "Serpico". S'agissant de biographies de musiciens, on notera une tendance à opter pour une référence à une chanson culte : "Get on Up", "Bohemian Rhapsody", "Rocketman", "Great Balls of Fire!", "Walk the Line"). On notera également, en matière de films biographiques, l'utilisation des surnoms officiels : "Bird", "Raging Bull", "Evita", etc.
La critique de Didier Koch pour Plans Américains
Selon beaucoup, le biopic est un mal qui gagne, symptôme du manque d'imagination des studios qui, à intervalles réguliers, en sont réduits à revisiter la biographie des célébrités du monde du spectacle, le plus souvent à travers le prisme réducteur du scandale. L'univers du rock constitue de ce point de vue une cible de choix. Dernièrement, ce sont Freddy Mercury et Elton John qui ont eu "la chance" de revoir leur nom en haut de l'affiche. Les stars du cinéma comique d'Avant Guerre sont plus rarement à l'honneur. Toutefois, Charlie Chaplin et W. C. Fields ont été, il y a quelques années, la vedette de deux biopics tout à fait honorables ("W.C. Fields et moi" d'Arthur Hiller en 1976 et "Chaplin" de Richard Attenborough en 1992).
Laurel et Hardy, le plus célèbre duo comique de toute l'histoire du cinéma mondial, est aujourd'hui largement tombé dans l'oubli. Stan Laurel étant citoyen britannique, il n'est pas vraiment étonnant que l'on retrouve la BBC à la manœuvre pour produire ce film qui s'intéresse à la partie la plus obscure de la biographie des deux artistes. Nous sommes en effet en 1953, et les quelques cent films qu'ils ont tournés ensemble de 1926 à 1943 ne les ont pas enrichis à la hauteur de leur popularité qui étaient immense. Ceci pour deux raisons essentielles. Tout d'abord, les différents contrats signés avec Hal Roach ou la Twenty Century Fox les ont privés des droits sur les rediffusions télévisées de leurs films. Ensuite, le caractère impécunieux des deux hommes, Stan Laurel essoré par les pensions alimentaires et Olivier Hardy flambant ses revenus sur les champs de course, les a souvent conduits à parapher des contrats iniques. Les deux artistes ont été en quelque sorte tout le long de leur carrière pris dans un cercle infernal.
Ayant dépassé la soixantaine et la santé d'Oliver Hardy déclinant, ils se lancent dans une tournée en Angleterre en attendant le tournage d'une parodie des aventures de Robin des Bois qui ne verra jamais le jour. Ce parti pris, s'il peut paraitre curieux, s'avère au final une excellente surprise. Une occasion, comme l'avait fait de manière beaucoup plus radicale et grandiose Billy Wilder dans "Sunset Boulevard" (1950), de se pencher sur le déclin des icônes du septième art, jetées aux orties par une industrie qui n'a jamais fait des ressources humaines son exercice favori.
Dirigés par Jon S. Baird, un réalisateur de télévision formé à la BBC, John C. Reilly (Oliver Hardy) et Steve Coogan (Stan Laurel) parfaitement maquillés donnent vie aux deux acteurs sans jamais tomber dans la caricature ou le pathos. Le pari était en effet de parvenir à restituer la magie du duo alors qu'il doit faire face à l'oubli et aux rancœurs qui parfois le fracture quand les deux hommes font le bilan de leur situation artistiques et financières. Le scénario écrit par Jeff Pope situe parfaitement la place de chacun au sein de l'association. Stan Laurel étant la tête pensante et celui qui imagine les gags, alors qu'Oliver Hardy, dilettante et jouisseur, a un regard plus distancié sur la qualité artistique et la postérité de leur travail.
La reconstitution de l'époque étant de bonne facture, l'ensemble se tient parfaitement, distillant une atmosphère qui fleure bon la nostalgie d'un cinéma révolu dont le souvenir s'estompe petit à petit. On peut donc saluer la démarche qui était commercialement risquée et qui, contre toute attente, s'est révélée être un confortable succès.