titre original | "I, Tonya" |
année de production | 2017 |
réalisation | Craig Gillespie |
scénario | Steven Rogers |
interprétation | Margot Robbie, Allison Janney, Caitlin Carver, Paul Walter Hauser |
récompense | Oscar de la meilleure actrice dans un second rôle pour Allison Janney |
La critique de Didier Koch pour Plans Américains
Le biopic étend chaque jour un peu plus son territoire. Le récit du parcours de la très controversée Tonya Harding, championne américaine de patinage artistique dans les années 1990, première Américaine à tenter et à réussir le triple axel en compétition, constituait à coup sûr un sujet tentant. Non pas tant en raison de la carrière de la patineuse de Portland aux origines populaires et tourmentées somme toute assez modeste, mais surtout en raison de l'incident qui mit un terme à celle-ci. En concurrence féroce pour la suprématie nationale avec Nancy Kerrigan, bien plus conforme aux canons esthétiques de la discipline, Tonya Harding se trouve impliquée six semaines avant les Jeux Olympiques de Lillehammer dans une sombre affaire, son mari ayant commandité une agression pour mettre Nancy Kerrigan hors course.
C'est le scénariste, Stevens Rogers, qui est à l'origine du projet. Après avoir rencontré Tonya Harding et son ex-mari Jeff Gillooly, dont les témoignages s'avèrent complètement contradictoires, lui vient l'idée de bâtir son scénario sous la forme d'un faux documentaire, où chacun des quatre principaux acteurs de l'affaire viendrait infirmer les images filmées à partir du seul témoignage de Tonya Harding. Le procédé plutôt innovant permet à Craig Gillespie, le réalisateur, de renouveler assez radicalement le genre, qui hésite trop souvent entre hagiographie pompeuse et déballage d'évènements sulfureux.
Margot Robbie, actrice australienne imposée par Gillespie, en dehors de sa crédibilité sportive remarquablement travaillée et rendue, a su trouver le ton juste pour exprimer le côté frondeur et souvent vulgaire qui se dégageait de la patineuse surdouée, mais manquant de délié dans l'exercice de son sport qu'elle contribua malgré tout à faire un peu évoluer.
À voir le film et notamment le portrait de LaVona Fay Golden (Allison Janney), la mère de Tonya, alcoolique et souvent à la limite de la maltraitance, on peut se dire que la jeune fille était douée d'une volonté hors du commun pour parvenir à surmonter la somme de handicaps qui auraient dû l'empêcher d'accéder au sommet d'un sport encore assez élitiste.
Se plaçant exclusivement du côté de celle qui a été reniée par un pays tout entier après sa huitième place aux Jeux de 1994 et qui en porte encore les stigmates 25 ans plus tard, Craig Gillespie et Stevens Rogers militent ouvertement pour une vision plus nuancée des évènements. Ils ont réussi leur coup, la critique étant quasi unanime à saluer cette présentation tonique, humoristique et plutôt distanciée d'une jeune femme qui rappelle, par son parcours chaotique, que le fameux American dream a parfois un goût amer pour ceux qui partent de tout en bas. L'académie des Oscars n'a pas oublié au passage de récompenser la prestation complètement habitée d'Allison Janney, très solide actrice de second rôle qui se révèle au public européen complètement grimée en marâtre insupportable.
Dans un genre souvent méprisé, "Moi, Tonya" démontre qu'avec un peu d'imagination et malgré un budget relativement modeste, on peut beaucoup.