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"Les Huit Salopards"

The Bounty hunter. The Hangman. The Confederate. The Sheriff.
The Mexican. The Little man. The Cow puncher. The Prisoner.

Les huit salopards - affiche

titre original "The Hateful Eight"
année de production 2015
réalisation Quentin Tarantino
scénario Quentin Tarantino
photographie Robert Richardson
musique Ennio Morricone
interprétation Samuel L. Jackson, Kurt Russell, Jennifer Jason Leigh, Walton Goggins, Tim Roth, Michael Madsen, Bruce Dern, Channing Tatum, Zoë Bell
 
récompense Oscar de la meilleure musique de film

La critique de Sébastien Miguel pour Plans Américains

Univers sans âme et sans foi illustré par ce Christ inaugural, esseulé et gelé, qui ouvre lentement le film.

Déviant ludique, Tarantino impose le 70 mm (format à grand spectacle abandonné par Hollywood depuis le médiocre "Khartoum" de Dearden, 1966) sans que (presque) rien ne justifie son emploi - excepté, peut-être, les extérieurs grandioses de Telluride dans le Colorado. Splendide photo de Robert Richardson évoquant les compositions des grandes productions en CinemaScope des années 50.

On retrouve bien quelques ruines de "La Maison des otages" (version Wyler), du "Dix petits Indiens" de René Clair et quelques réminiscences visuelles du baroque Corbucci, mais pour le reste, on chevauche en territoire inconnu.

Dilatation du temps, maîtrise de la narration (sur presque trois heures) de la part d'un auteur virtuose se réservant toujours le droit de bousculer le spectateur avec des rebondissements toujours plus invraisemblables et insensés - cf. l'apparition délirante du personnage de Channing Tatum ("Magic Mike", "Foxcatcher").

Les coups violents portés au visage, les chairs ensanglantées qui explosent sous les balles perforantes, les corps qui se vident de leurs fluides : tout concourt à faire des "Huit salopards" un opéra-bouffe hypertrophié, provocant et monstrueux.

Tarantino magnifie la violence (qu'il voit comme un élément comique...) et ne peut s’empêcher d'exalter les meurtres atroces de ses tueurs - cf. la contre-plongée spectaculaire sur Michael Madsen ("Reservoir Dogs", "Kill Bill") dégustant un sucre d'orge avant d'achever une jeune femme gisant au sol.

Le cinéaste donne, aussi, la possibilité aux différents comédiens de produire, chacun à leur tour, un flamboyant morceau de bravoure actoral (Jackson, Russell, Dern, Walton Goggins, tous formidables), Jennifer Jason Leigh délivrant, quant à elle, une interprétation stupéfiante en faisant de sa Daisy le personnage féminin le plus visqueux et le plus diabolique du genre !

Tour à tour sarcastique et inquiétante, la partition d'Ennio Morricone (pour son premier western depuis "Un génie, deux associés, une cloche" en 1975) souligne magistralement l’absence totale d'humanité d'un genre passé de l'exaltation patriotique aux meurtres de masse.

La critique de Didier Koch pour Plans Américains

En 1960, les mercenaires de John Sturges étaient sept en référence au film culte d'Akira Kurosawa dont il était le remake westernien, les salopards de Tarantino seront huit, c'est donc un de plus que "Les Sept Mercenaires", mais c'est aussi quatre de moins que "Les Douze Salopards" de Robert Aldrich (1967). Ce petit incipit pour confirmer que le cinéma de Tarantino sera sans doute à vie référentiel, le geek de Knoxville (Tennessee) ayant à coup sûr dévoré trop de K7 de série B à Z quand, adolescent, il tenait un vidéo club à Hermosa Beach en Californie. Certains s'en agacent, lui reprochant, au bout de neuf films, de ne pas avoir su s'affranchir de ses influences pour donner une direction claire à son cinéma, comme avaient pu le faire avant lui des réalisateurs aussi différents que John Ford, Sergio Leone ou Sam Peckinpah pour rester dans le domaine du western qui occupe Tarantino depuis "Django Unchained".

Mais ces critiques n'ont pas fait dévier le réalisateur de sa passion de geek prenant plaisir à composer des films de plus en plus longs où s'entremêlent les allusions aux thèmes et aux moments de bravoure préférés de ses films de chevet. Plus fort encore, Tarantino fait appel à certains des acteurs de ces films quand ceux-ci sont encore vivants à l'instar de Kurt Russell, anciennement R.J. MacReady, le héros du mythique "The Thing" de John Carpenter, qu'il replonge avec délice dans un enfer blanc d'une toute autre nature, puisque la station polaire prise d'assaut par un monstre venu de l'espace est remplacée par une auberge relais perdue au fin fond du Wyoming juste après la guerre de Sécession.

Tarantino, qui a écrit lui-même le scénario, met en place un whodunit tout d'abord assez jouissif, qui prend racine dans la diligence affrétée par John Ruth (Kurt Russell) dit "le Bourreau", chasseur de primes qui convoie jusqu'à la ville de Red Rock Daisy Domergue (Jennifer Jason Leigh), une chef de gang renommée, pour le poursuivre plus paresseusement dans l'auberge désertée par sa tenancière habituelle.

L'imbroglio qui repose sur l'identité réelle de chacun (allusion directe à "The Thing") naît de la méfiance extrême de John Ruth que Tarantino tourne très vite en dérision, ce dernier acceptant assez imprudemment dans sa diligence deux passagers à l'identité plus que douteuse. Un à un, les personnages entrent en scène, donnant lieu aux dialogues insolites que le réalisateur de "Pulp Fiction" aime tant, ce qui le pousse à les étirer un peu trop ou à les placer là où il n'ont pas lieu d'être. C'est sans aucun doute ce que l'on peut reprocher à un Tarantino qui, tout à son plaisir, en oublie un peu les règles élémentaires édictées par les grands anciens qu'il vénère. À savoir que le cinéma, notamment le western (les films de Sergio Leone étaient quasiment muets), est avant tout un art visuel qui a besoin de ruptures de rythme pour donner du volume au jeu des acteurs et maintenir l'intérêt du spectateur. Ici, bien trop bavard, il rate un peu sa cible, donnant même à certains moments une vague et désagréable sensation de théâtre filmé comme autrefois certaines adaptations statiques des romans d'Agatha Christie.

Même si l'on sait que rarement un film de Tarantino se termine sans une explosion de violence, on se demande au bout de deux heures quand celle-ci va enfin survenir. Elle finit par arriver comme un soulagement plutôt que comme un aboutissement, ce qui est tout de même ennuyeux.

Dans cet exercice de style qui frôle la boursouflure, Kurt Russell, impayable en chasseur de primes paranoïaque qui ne commet que des bourdes et Jennifer Jason Leigh, sublime en virago aux allures de Calimity Jane qui aime prendre des gnons, transformée parfois en Regan MacNeil (l'héroïne adolescente de "L'Exorciste"), tirent remarquablement leur épingle du jeu. Samuel L. Jackson, le plus fidèle compagnon de Tarantino, finit en revanche essoré, tant il lui est demandé de s'auto-caricaturer (répétition ad nauseam des dialogues pseudo philosophiques entre tueurs à gages avec John Travolta dans "Pulp Fiction"). Quant aux autres comme Tim Roth, Bruce Dern, Michael Madsen ou Channing Tatum, ils sont en mode cabotinage pour tenter de tenir la distance.

Ces "Huit salopards" constituent donc une petite déception, qui s'ajoute à celle déjà ressentie à la vision de "Django Unchained". À l'expérience, comme l'a encore démontré le tout récent "Cowboys et Envahisseurs" de Jon Favreau en 2011, une règle d'airain s'impose : le western est un genre chimiquement pur qui supporte mal les mélanges. S'il veut vraiment réaliser un western, que Tarantino se plie enfin à ses règles plutôt que de continuer à tourner autour du pot. Nommer Marquis Warren le personnage joué par Jackson, en hommage au réalisateur et scénariste de la série télévisée américaine culte "Rawhide" (1959-1965) qui lança Clint Eastwood, ne constitue pas un sésame suffisant. La peur de s'affronter aux maîtres du genre que l'on admire depuis son enfance doit pouvoir se surmonter quand on s'appelle Tarantino.

Telluride

La ville américaine de Telluride, située dans la partie sud-ouest de l'État du Colorado à une altitude de 2667 mètres, est un ancien camp minier d'argent sur les bords de la rivière San Miguel et dans les montagnes de l'ouest de San Juan. Le district historique de Telluride, qui comprend une partie importante de la ville, est inscrit au National Historic Landmark, "Registre national des lieux historiques", et est également l'un des 20 sites classés historiques du Colorado.
Y ont été également tournés pour partie "Le Prestige" et "Butch Cassidy et le Kid".

The Hateful Thing

Affiche alternative des "Huit Salopards" © Phantom City Creative
Les huit salopards
Affiche alternative des "Huit Salopards" © Kevin M Wilson

Le générique des "Huit Salopards" conçu par Jay Johnson

Les huit salopards - générique

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La critique de Bertrand Mathieux