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"Scarface"

Cocaine leading to hemoglobin

titre original "Scarface"
année de production 1983
réalisation Brian De Palma
scénario Oliver Stone
photographie John A. Alonzo
musique Giorgio Moroder
interprétation Al Pacino, Steven Bauer, Michelle Pfeiffer, Mary Elizabeth Mastrantonio, F. Murray Abraham, Robert Loggia, Paul Shenar, Miriam Colon
 
version précédente "Scarface" de Howard Hawks, 1932, États-Unis

Critique extraite du Guide des films de Jean Tulard

Remake avoué du film d'Howard Hawks, sans autre référence que la passion du frère pour la sœur. Mise en scène efficace et belle, au service de scènes choc (l'exécution d'un indic dans un camp de réfugiés cubains insurgés, la fameuse scène de torture amputée - c'est le cas de le dire - de son image la plus insoutenable, la fusillade dans la boîte de nuit, etc.), mais le coup de poing n'est jamais gratuit, purement formel. De Palma crée une morale, film après film, à partir de son propre style, plus conservatrice qu'il n'y paraissait.

La critique de Didier Koch pour Plans Américains

Troubles ont toujours été les rapports entre Cuba et les États-Unis, faits à la fois d’attirance et de répulsion. Difficile pour le « gendarme du monde » de ne pas voir dans ce bout de terre à la pointe de la Floride comme une sorte de dominion. Longtemps, les pontes de la pègre new-yorkaise tels Meyer Lansky ou Lucky Luciano firent de La Havane une plaque tournante de leur empire du jeu. La révolution castriste bouleversa la donne, Cuba migrant alors sous l’influence soviétique. Devenu un enjeu de la guerre froide, l’île passa sous embargo américain après l’épisode de la Baie des cochons. Sa population affamée, Castro décide, entre avril et octobre 1980, d’expulser 125 000 de ses compatriotes dissidents en leur offrant l’exil à partir du port de Mariel. Le Président démocrate Jimmy Carter propose aussitôt l’accueil des migrants.

C’est à Miami que débarquent les bateaux, dont un porte à son bord Tony Montana, le descendant cubain du « Scarface » d’Howards Hawks (1932) revu et corrigé par Oliver Stone sur commande du producteur Martin Bregman. Le projet "Scarface" prend sa source au sein du trio que formaient à l'époque Al Pacino et Sidney Lumet avec le producteur, suite à leur travail commun sur "Serpico" et "Un après-midi de chien". Depuis ce dernier film, Pacino n’est pas en veine, tous ses projets ne recueillant au mieux que des succès d’estime. Lumet, qui doit réaliser le film, trouve l’idée de la transposition à Miami dans le contexte de "l’exode de Mariel", mais le scénario d’Oliver Stone, trop violent à son goût, ne répond pas à la dimension politique qu’il souhaite impulser au récit.

C’est alors Brian De Palma, ami de Bregman lui aussi à la recherche d’un succès public après l’échec de "Blow Out", qui entre en piste. Le scénario d’Oliver Stone, en plein combat avec l’héroïne, va trouver avec le réalisateur de "Carrie" et de "Phantom of the Paradise", matière à prendre toute son ampleur graphique. S'il épouse le parcours du Tony Camonte d'Hawks, Tony Montana (hommage de Stone à Joe Montana, joueur de football américain) a hérité de la démence paranoïaque de Caesar Rico Bandello dit "Little Cesar", le héros du film de Mervyn Leroy (1931) qui, comme les deux autres, mourra sous une rafale de mitraillette.

La trajectoire de Montana n'a donc rien de très originale et puise ses sources dans la pure tradition du film de gangsters des années 30, l'originalité du film résidant davantage dans la représentation de la violence, qui a beaucoup évolué depuis le choc que fut "La horde sauvage" de Sam Peckinpah en 1969. La mise en scène opératique des scènes de violence au rythme lancinant de la musique emphatique de Giorgio Moroder, le pape italien du disco (Donna Summer, "Midnight Express"...), enjolive la psychopathie de Tony Montana, petite frappe sans éducation guidé par des pulsions morbides qui se matérialisent aussitôt ressenties, sans qu'aucune barrière morale ne viennent les freiner.

Si les mafieux du "Parrain" avaient soif de respectabilité pour asseoir leur descendance, Tony Montana n'aspire qu'à une ascension rapide susceptible de lui offrir amour et estime de soi, mais peut-être aussi de l'aider à surmonter un complexe lié à une petite taille que, bizarrement, il partage avec Rico Bandello (Edward G. Robinson) et Tony Camonte (Paul Muni). Complexe auquel se surajoute celui lié au déclassement racial. L'opposition placide offerte par le suave Manolo Ribera (Steven Bauer), sorte de sosie du Tony Manero de "La fièvre du samedi soir", accrédite l'existence d'un complexe jamais surmonté qui constitue peut-être le point aveugle du film, celui par lequel s'expliquerait prosaïquement ce déchaînement de violence inéluctable.

Le manque d'assurance qui en découle trouve son aboutissement dans la surprotection dont Montana entoure sa jeune sœur Gina (Mary Elizabeth Mastrantonio), dont il découvre ébahi la beauté aussi virginale que ravageuse lors d'une scène clef où, après une absence de plus de sept ans suite à un séjour en prison, il apporte à sa mère (Miriam Colon) les premiers dollars gagnés dans le trafic de drogue. Pour refouler cette pulsion qui va progressivement le miner, Montana séduira et épousera Elvira (Michelle Pfeiffer), la maîtresse de son chef et mentor Frank Lopez (Robert Loggia), mais il se rendra vite compte que cet amour n'était que le fruit de sa soif de pouvoir. La coke qu'il absorbe à plein nez, quand ce n'est pas à pleine face, va décupler de façon exponentielle les délires psychotiques d'un Montana devenu incontrôlable. L'acmé du processus destructeur interviendra quand Manero, le petit frère choyé des débuts va devenir l'ennemi à abattre après lui avoir volé Gina, renvoyant brutalement Montana à son statut de marginal mal-aimé.

Au final, "Scarface" peut se voir comme l'histoire d'un amour interdit purifié dans le sang, thème déjà évoqué dans "L'enfer est à lui" de Raoul Walsh (1949), où James Cagney, petit malfrat psychopathe, ne pouvait se défaire de l'étreinte maternelle (là encore, l'inceste était fortement suggéré). Vu sous cet angle, on comprend mieux pourquoi Sidney Lumet n'a pu adhérer à ce projet assez éloigné de ses thématiques habituelles.

Extrémiste sur bien des aspects, le film a fortement divisé la critique de l'époque, ne réalisant qu'un score moyen au box-office. C'est avec le temps que "Scarface" a atteint son statut de film culte, comme si son décorum s'accordait de mieux en mieux avec une réalité qui ne demandait qu'à se faire jour en 1983. La vacuité du personnage, son absence de morale autre que personnelle, ses pulsions morbides, son langage obscène et sa destinée sacrificielle servent désormais de repères à une certaine jeunesse désœuvrée, qui quelquefois finit tragiquement sa course sous les rafales des fusils d'assaut de la police venue l'attendre à la fin d'une prise d'otages, comme Tony Montana éructant sous les balles avant l'ultime plongeon dans sa piscine où trône sa dérisoire devise « Le monde t'appartient ».

Triste sort pour un film pris par certains pour argent comptant. Sans doute la faute à un metteur en scène trop habile et à un Pacino habité plus convaincant que nature, qui n'avaient certainement pas imaginé faire des émules à plus de vingt ans d'intervalle. Ironie du sort, Pacino avait aussi joué un preneur d'otages survolté dans "Un après-midi de chien". Quelle poisse !

L'édition Blu-ray sortie par Universal est un écrin magnifique pour ce joyau du film de gangsters, truffée de bonus explicatifs de la genèse du projet.

Gangsta's Paradise (Plans Américains)
Couverture du numéro de mars-avril 2024 du magazine La Septième Obsession

Affiches alternatives de "Scarface"

Affiche alternative © Ibraheem Youssef
Affiche alternative © Pete Majarich
Affiche alternative © Ruiz Burgos
© Mathieu Laprie
L'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération.

La piña colada (piña, ananas, et colar, filtré, ananas filtré, en espagnol) est un cocktail officiel de l'IBA (International Bartenders Association), à base de rhum, jus d'ananas et crème de noix de coco, originaire de l’île de Porto Rico des grandes Antilles de la mer des Caraïbes, dont elle est déclarée boisson nationale depuis 1978.

© Jesús Prudencio
© Last Exit to Nowhere

Le coup de gueule de Pierre

Une nouvelle terrible : je suis tombé sur "Scarface" sur RTL 9 il y a quelques jours et j'ai constaté immédiatement que la VF a été REFAITE !!! Incroyable !!!

Ce sont, à peu de choses près, les mêmes textes, avec accent aussi, mais bien sûr en un peu moins forcé. Quel scandale !!!
Et pourquoi pas :
- "Soyez priés s'il vous plait de dire bonjour à mon petit ami ?"
- "Souhaiteriez-vous jouer à la vache ?"

Portenaouak ! Tout ça participe du même révisionnisme que les director's cut, scenarist's cut et autres. La VF peut donner à un film une véritable dimension supplémentaire ! Il suffit de voir (et surtout d'entendre) un film tel que, par exemple, "White fire - Le diamant - Vivre pour survivre" pour s'en convaincre ("Le ouaate phaaa ! Enfin, il est à moaa !").

Photos du tournage de "Scarface"

Scarface - De Palma 2
Scarface - De Palma 1
Scarface Scarface

Scarface

Scarface

Scarface - générique

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