20 ans déjà que les États-Unis sont en Irak. Une période suffisamment longue pour qu’Hollywood s’empare du synopsis et décline les souffrances humaines en histoires d’amour, d’humour, de haine et d’amitiés. Petit tour d’horizon d’une production qui n’a rien à envier à un autre théâtre : le Viêtnam.
Article de Gilles Summer du 2 août 2010 pour Le MAG VoD.
Tout au long de leur histoire, les studios d’Hollywood ont été très réactifs à la guerre, n’évitant pas toujours le film de propagande ("Les Bérets verts" de et avec John Wayne, 1968) mais donnant à voir au monde la réalité des conflits, qu’ils touchent l’Europe, l’Asie, le Moyen-Orient ou le Pacifique. La tendance s’est accentuée dans les années 70, en pleine guerre du Viêtnam, peu soutenue par l’opinion publique internationale mais prétexte à quelques cinéastes d’être plus critiques.
Critique ou propagande ?
Ce fut le cas avec "Apocalypse Now", vision infernale et hallucinée du Viêtnam par Francis Ford Coppola (Palme d’or à Cannes en 1979) et aussi avec "Voyage au bout de l'enfer" (1978), dans lequel Michael Cimino importait le drame viêtnamien dans la réalité quotidienne américaine.
Plus tard, Oliver Stone finit d’enfoncer le clou avec deux réquisitoires, "Platoon" (1986) et l’oscarisé "Né un 4 juillet" (1989).
On mettra au sommet "Full Metal Jacket" (1987), chef-d’œuvre de Stanley Kubrick sur la machine à broyer viêtnamienne. Au même moment, la série des "Rambo" fait de Sylvester Stallone le soldat d’élite, traumatisé du Viêtnam, mais toujours prêt à monter au front, notamment en Afghanistan dans l’efficace "Rambo III" (1988) de Peter MacDonald.
Pas d’inhibition, donc, dans le cinéma américain qui, à partir du 11 septembre 2001, va traiter ouvertement du terrorisme et de la situation en Irak, 2 ans plus tard.
S’il n’y a pas eu beaucoup de films sur la guerre du Golfe (1990-1991), à part l’exemplaire "Les Rois du désert" (1999) de David O. Russell, avec George Clooney, en revanche, la guerre en Irak lancée par les faucons de George W. Bush donna naissance à de nombreux films, notamment au pamphlet de Michael Moore, "Fahrenheit 9/11", qui dénonçait - souvent avec des méthodes discutables - les manipulations de la Maison blanche pour déclencher le conflit. En 2004 également, William Karel, dans "Le Monde selon Bush", fait la même chose mais avec plus de subtilité et d’analyse politique.
La guerre en Irak : mise en scène réaliste d'un conflit médiatique
L’année 2007 donne naissance à beaucoup de longs métrages sur l’Irak. En tête : "Dans la vallée d’Elah", film poignant de Paul Haggis où l’on voit un ancien membre de la police militaire enquêter sur la disparition mystérieuse de son fils en Irak. On enchaîne avec "Battle for Haditha" de Nick Broomfield qui se penche sur la village d’Haditha où la mort de marines tombés dans une embuscade donne lieu à d’affreuses représailles. Dans son faux documentaire, "Redacted", Brian De Palma s’attaque, lui, à la politique médiatique des États-Unis en Irak et ouvre sa réflexion sur les deux camps en présence.
De leur côté, dans "Lions et Agneaux", Robert Redford, Tom Cruise et Meryl Streep sont impliqués dans la lutte contre le terrorisme en Afghanistan, tandis que dans "Les Soldats du désert", avec Samuel L. Jackson, Irvin Winkler évoque l’histoire cruelle d’un groupe de soldats américains en poste en Irak est la cible d’une embuscade meurtrière. Enfin, dans le style mélodrame efficace, "Grace Is Gone" dévoile un John Cusack, père veuf de deux petites filles après la mort de sa femme, Grace, tuée au service en Irak.
Autre année riche en bons films de guerre : 2009. Avec "Green Zone", le reporter et cinéaste britannique Paul Greengrass confie au sous-officier Miller (le solide Matt Damon) la mission de trouver (en vain) les armes de destruction massive pour lesquels les États-Unis sont entrés en conflit avec l’Irak. Action, suspense, lutte intestine à la C.I.A., mensonges du Pentagone : tout y est dans ce remarquable thriller guerrier. Avec "Brothers", Jim Sheridan aborde le conflit en Irak sous l’angle du drame familial. Que se passe-t-il lorsqu’une femme, mère de deux petites filles, perd son mari « porté disparu » et que celui-ci finit par revenir à la maison, vivant... Enfin, hors catégorie par la qualité de sa réalisation, de ses interprètes et l’originalité percutante de son histoire, "Démineurs" de Kathryn Bigelow, championne des Oscars 2010, s’impose comme le film qui restitue la poudrière irakienne à travers le quotidien d’un groupe de démineurs de l’armée américaine, shooté aux explosifs et à l’adrénaline.
Pour pouvoir en rire
Dans "Les Chèvres du Pentagone", production anglo-américaine tirée du roman de Jon Ronson, le cinéaste Grant Heslov signe une comédie loufoque. L’histoire d’un journaliste (Ewan McGregor) qui s’ennuie et qui, un beau jour au Koweït, fait la connaissance de Lyn Cassady (George Clooney), un soldat de l’armée américaine qui combat le terrorisme grâce à ses pouvoirs paranormaux. Les voici en Irak où ils rencontrent Bill Django, le fondateur de l’unité (Jeff Bridges, complètement délirant) et Larry Hooper (Kevin Spacey), le directeur d’une prison. Un film bien allumé par un quatuor de choc qui se retrouve en Irak où une unité spéciale combat le terrorisme grâce à des pouvoirs paranormaux testés sur des chèvres...