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"Capricorn One"

Capricorn One - affiche

titre original "Capricorn One"
année de production 1977
réalisation Peter Hyams
scénario Peter Hyams
photographie Bill Butler
musique Jerry Goldsmith
interprétation Elliott Gould, James Brolin, Hal Holbrook, Sam Waterston, O.J. Simpson, Karen Black, Telly Savalas

On n'a pas marché sur la Lune
Extrait de la critique de Jean-Baptiste Thoret sur son ancien blog Parallax View

En 1977, Peter Hyams s’attaque avec "Capricorn One" à une fameuse théorie du complot - l’Homme n’a jamais marché sur la Lune - et signe l’une des derniers fleurons de ces conspiracy movies qui ont fait les beaux jours du cinéma américain des années 60 et 70 : "Seconds", "Un crime dans la tête", "Greetings", "Conversation secrète", "À cause d’un assassinat", "Les Hommes du président", "Winter Kills", "La Théorie des dominos" et autres "Trois jours du Condor", soit autant de fictions paranoïaques produites par Hollywood en écho au scepticisme d’un peuple qui depuis le 22 novembre 1963 et l’assassinat de Kennedy, a perdu confiance en ses institutions et son pouvoir politique. L’affaire des papiers du Pentagone en 1971 et celle, retentissante, du Watergate un an plus tard ont amplifié le sentiment diffus d’une conspiration aux contours imprécis, organisant mais dans l’ombre, les grands événements de ce monde. Parmi eux, le programme Apollo et ses différentes missions ont fourni la matière de l’une des théories du complot les plus délirantes du siècle dernier. Ainsi, aucune capsule de la NASA ne se serait jamais posé sur la Lune, ni le 21 juillet 1969, ni plus tard. Les premiers pas engourdis de Neil Armstrong et de Buzz Aldrin, les images vidéo de la mission retransmises en direct depuis l’espace, les deux astronautes plantant le drapeau américain sur la surface de la Lune, le module insectoïde sur fond opaque, tout cela aurait été mis en scène quelque part aux États-Unis, dans des décors dignes d’une superproduction hollywoodienne, comparable à celle que découvre Sean Connery au détour de son enquête dans "Les diamants sont éternels".

Pour ceux qui croient à cette hypothèse, le mobile est simple : la mise sur orbite du Spoutnik soviétique en octobre 1957 a contraint les Américains et la NASA, alors en pleine paranoïa anti-rouge, à fabriquer l’illusion d’une conquête de la Lune. Évènement hautement symbolique tant l’issue de la guerre froide semblait alors indexée à celle de l’espace. Et, comme dans toute théorie du complot, les preuves qui accréditent la thèse d’une conquête trafiquée font, depuis quarante ans, l’objet d’innombrables exégèses : pourquoi le drapeau américain a-t-il flotté à la surface de la Lune en l’absence d’atmosphère ? Si le module a effectivement atterri sur la Lune, pourquoi aucune trace de cratère ou de soulèvement de poussière dû à la flambée des réacteurs, n’est-elle visible sur les photos et les vidéos transmises par la NASA ? Pour quelles raisons ne discerne-t-on aucune étoile dans l’espace ? Comment expliquer qu’une dizaine d’astronautes soient décédés depuis 1969 dans des conditions jugées étranges ? Etc. Autant d’interrogations mille fois réfutées par des experts et des scientifiques de tous poils mais en vain.

Au moment d’écrire le scénario de "Capricorn One" en 1975, Peter Hyams (futur réalisateur de "Outland") se souvient de son expérience de réalisateur de télévision, lorsque pour la chaîne CBS, il filmait en studio les simulations d’alunissage des missions Apollo. Convaincu qu’aux yeux du monde, l’événement ne tient au fond qu’à une confiance sans failles dans la réalité des images (photos et vidéos) et des témoignages d’une poignée d’astronautes, Hyams transpose la théorie du complot spatial de la Lune à Mars.

Le film s’ouvre quelques minutes avant le lancement de la fusée Capricorn One en direction de la planète rouge. Soudain, les trois astronautes sont contraints de quitter le cockpit et transférés dans une base désaffectée de la Californie tandis que l’Amérique assiste, médusée, au décollage de l’engin. Là, ils découvrent une régie de contrôle parallèle, doublure secrète du centre de Houston dirigé par un certain Dr Kelloway (Hal Holbrook, « Gorge Profonde » dans "Les Hommes du président"), et une réplique grandeur nature d’un bout de la surface de Mars. À l’occasion d’un monologue édifiant, Kelloway expose à ces astronautes éberlués, les motifs de la supercherie (maintenir intacte l’hégémonie américaine) et surtout sa nécessité : lassitude du public à l’égard des missions Apollo, budget pharaonique du programme spatial qui, pour l’aile démocrate du pays, empêche une politique sociale d’envergure - le film enregistre en filigrane le passage de la Nouvelle Frontière prônée par JFK en 1961 à la Frontière des inégalités défendue par Johnson, risque d’échec qui sonnerait le glas du programme spatial et remise en question de la volonté de puissance de l’Amérique, largement décrédibilisée par la débâcle du Viêtnam.

Après des mois de fausse mission au cours desquels les trois hommes ont consenti (un brin forcés) à jouer le jeu du canular, ceux-ci réalisent que le responsable du programme de substitution a décidé de les éliminer, afin de garder intact le secret. Le film quitte alors le terrain de la conspiration pour celui d’une course-poursuite classique entre des agents du gouvernement et les trois astronautes, perdus dans un désert inhospitalier qui, ironiquement, ressemble à la surface de Mars. L’intérêt principal de "Capricorn One" réside dans la façon dont il spécule sur un certain état du rapport des téléspectateurs aux images, un rapport de confiance naturelle, voir c’est croire, vérité et vraisemblable se confondent. Nous sommes dans les années 1970, les images disaient encore vrai. Aujourd’hui, cette question nous semble sans doute un peu caduque, tant la télévision n’est plus là pour produire du réel mais son impression.

La critique de Didier Koch pour Plans Américains

Aujourd’hui, Peter Hyams est un vétéran d’Hollywood qui ne tourne plus guère, son cinéma essentiellement basé sur l’action dans le domaine du policier et de la science-fiction n’étant plus en phase avec les demandes actuelles du public. Pourtant, à la fin des seventies, avec trois films franchement réussis ("Capricorne One", "Outland", "La Nuit des juges"), il avait fait naître de réels espoirs. La suite n’a malheureusement pas été à la hauteur des promesses.

"Capricorne One" s’inscrit dans la lignée prestigieuse des films paranoïaques sortis quelques années auparavant, regroupés autour d’un trio magique : "À cause d’un assassinat", "Conversation secrète", "Les Trois Jours du Condor". La théorie du complot est vieille comme le monde, mais elle a été fortement réactivée aux États-Unis après l’assassinat de Kennedy en 1963. L’alunissage des astronautes de la NASA en 1969 a très vite été sujet à caution pour une certaine frange de la population, certaine qu’il était possible de manipuler les images du direct. Régulièrement, la manipulation des masses par les élites est évoquée à propos d’évènements, le plus souvent dramatiques, défrayant la chronique, le dernier en date le plus frappant étant les attentats du 11 septembre 2001.

Peter Hyams, cinéaste affilié à CBS, couvrait pour le réseau de télévision américain les entraînements des astronautes en vue de la mission Apollo 11. Lui-même adepte des thèses révisionnistes, il a l’idée du scénario qu’il propose aux studios réticents à démythifier l’exploit du héros national Neil Armstrong alors que l’Amérique est encore traumatisée par le scandale du Watergate. Il lui faudra se tourner vers Lew Grade, directeur d’ITC, une société britannique de production spécialisée dans le domaine de la science-fiction, pour que le projet se concrétise. Bizarrement, Hyams aura le concours de la NASA, qui est pourtant rudement mise en cause dans le film où elle est présentée comme capable de sacrifier cyniquement ses astronautes. Le sujet a été transposé sur une mission improbable sur Mars, la NASA pensant sans doute qu'autrement, la charge semblerait trop forte aux spectateurs.

Avec un casting efficace allant d’Elliott Gould à Hal Holbrook, Hyams peut lui aussi livrer son thriller paranoïaque qui, s’il n’a pas la force des trois pièces maîtresses citées plus haut, est tout de même de très bonne facture. La fin optimiste et emphatique avec son ralenti un peu trop démonstratif peut être vue comme un manque de courage de la part du réalisateur, mais il faut lui reconnaître le mérite de s’attaquer à une institution sacrée comme la NASA, chargée de délivrer du rêve, alors que Pakula, Coppola et Pollack s’en prenaient à la politique et aux services de contre-espionnage à la réputation beaucoup plus controversée.

La poursuite finale en plein désert est haletante, entrecoupée par la prestation débonnaire et rafraîchissante de Telly Savalas (Kojack), et l’enquête est menée avec le flegme habituel déployé par Elliott Gould, affublé de la toujours intrigante Karen Black. À noter aussi la présence, dans le trio d’astronautes, de O.J. Simpson, la star du football américain accusé de double meurtre en 1994.

En son temps, le film avait fait un tabac au box-office. Depuis, tout comme son réalisateur, il est un peu oublié. Il mérite assurément d’être redécouvert.

Affiche est-allemande de "Capricorn One" © Erhard Grüttner (1979)
Affiche turque de "Capricorn One"

Capricorn One - générique

FilmsFantastiques.com, L'Encyclopédie du Cinéma Fantastique
La chronique de Julien Cassarino