titre original | "The Parallax View" |
année de production | 1974 |
réalisation | Alan J. Pakula |
scénario | David Giler et Lorenzo Semple Jr. (+ Robert Towne, non crédité), d'après le roman de Loren Singer |
photographie | Gordon Willis |
musique | Michael Small |
production | Alan J. Pakula |
interprétation | Warren Beatty, Paula Prentiss, William Daniels, Walter McGinn, Hume Cronyn |
récompense | Prix de la critique au festival international du film fantastique d'Avoriaz 1975 |
Critique extraite du Guide des films de Jean Tulard
La référence à l'assassinat du président Kennedy est évidente. Le monde du journalisme est également évoqué, en prélude aux "Hommes du président", autre œuvre marquante de Pakula. Remarquablement construit, ce thriller politique est conduit à un rythme haletant et s'achève sur l'absence de toute illusion. Une œuvre importante dans le cinéma américain.
Critique extraite du Dictionnaire des films de Georges Sadoul
Au départ, l'assassinat d'un homme politique qui ressemble fort à John F. Kennedy, un complot bien huilé et un journaliste intrépide pour le démonter : tous les éléments d'un bon film "libéral" sont mis en place. Et puis, par glissements à peine perceptibles à partir de ces situations inscrites dans tout un fonctionnement du cinéma et donc reconnus par le spectateur, Pakula - et plus encore sans doute ses scénaristes - découvre leur propos : non pas dénoncer des "méchants", mais mettre à nu les rouages du système politique qui les produit.
La critique de Didier Koch pour Plans Américains
La théorie du complot surplombe la filmographie restreinte d'Alan J. Pakula, mort d'un accident de voiture à seulement 70 ans en 1998. Initialement producteur d'un réalisateur comme Robert Mulligan, Pakula a lui aussi quelques films intimistes à son actif ("Pookie" en 1969, "Merci d'avoir été ma femme..." en 1979), mais c'est dans le domaine du thriller qu'il aura été régulièrement attendu par les producteurs et les spectateurs. "À cause d'un assassinat", scénarisé par David Giler, Lorenzo Semple Jr. et Robert Towne (non crédité) à partir d'un roman de Loren Singer, reste encore aujourd'hui un modèle de "thriller politique".
En 1974, l'assassinat de John Kennedy ne date que d'une dizaine d'années et celui de son frère Robert est tout récent. La commission Warren créée le 29 novembre 1963 (le président Kennedy avait été assassiné le 22 novembre 1963) par le président Lyndon Johnson, qui s'était empressée de conclure à l'agissement solitaire de Lee Harvey Oswald, n'avait convaincu personne. La polémique rebondissait cinq ans plus tard après la mort de Bobby à Los Angeles en pleine campagne électorale. Il était de notoriété publique que les deux frères avaient entamé une opération mains propres visant à éradiquer la mafia. La thèse qui sourde à l'époque tend à expliquer que la mafia s'était vengée de la famille Kennedy dont elle avait facilité l'élection de John en 1961 sur demande de Joseph le patriarche. Pire encore, la C.I.A. est soupçonnée d'avoir participé à un éventuel complot de plus grande envergure encore. Il faudra attendre le "JFK" d'Oliver Stone en 1991 pour que cette hypothèse soit évoquée frontalement.
"À cause d'un assassinat" était, lui, sorti 17 ans plus tôt, alors que l'heure n'était pas encore venue d'être aussi explicite. L'intrigue est donc déplacée sur l'exécution d'un sénateur démocrate en campagne dans des circonstances étrangement similaires aux faits historiques, que Pakula filme en introduction de son film de manière particulièrement efficace. Comme dans la réalité, une commission ad hoc à l'allure plus que sinistre et sentencieuse clôt les débats sur le thème habituel du tueur isolé au profil psychologique instable. C'est par l'intermédiaire d'un journaliste d'investigation, Joseph Frady, joué par un Warren Beatty alors au sommet de sa popularité, que l'enquête se déclenche après que les témoins de l'attentat se mettent à tomber comme des mouches, dont Lee Carter (Paula Prentiss), collègue de Frady venue le trouver inquiète.
Le scénario nous entraîne alors sur la piste d'une étrange organisation secrète nommée Parallax en charge de recruter parmi la population des candidats potentiels à devenir chair à canon dans des opérations contre les institutions commanditées par des organisations obscures. Les auteurs n'iront pas plus loin dans leurs hypothèses, frustrant sans aucun doute une partie des spectateurs désireux d'en savoir plus. Heureusement, Pakula compense cette attente frustrée en développant le volet action de son film, quitte à recourir à quelques invraisemblances notamment sur l'attitude de Frady qui semble prendre un malin plaisir à tomber dans les embûches jusqu'à un point de non-retour qui conclut le film de manière assez habile. Il fait aussi son affaire de la relative timidité du scénario évoquée plus haut en abordant les rives du fantastique grâce au renforcement de la portée paranoïaque du récit que lui fournit l'absence de commanditaire identifié.
La recette de circonstances concoctée par Pakula et ses scénaristes, très efficace, sera maintes fois reprise et même de manière encore plus brillante par Sydney Pollack un an plus tard avec le somptueux "Les Trois Jours du Condor". Son film, s'il révèle aujourd'hui quelques imperfections, fait toujours son effet malgré un Warren Beatty qui laisse son personnage trop en décalage par rapport à l'énormité de l'affaire qu'il est en train de lever. Mais Pakula voulait sans doute donner une justification plausible à la fin tragique de son héros.
Présentation de "À cause d'un assassinat" par Jean-Baptiste Thoret
au Centre des arts d'Enghien-les-Bains dans le cadre du cycle "Ciné Seventies" en 2012-2013
Bande-annonce modernisée de "À cause d'un assassinat" © Dan McBride