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"Pookie"

Pookie - affiche

titre original "The Sterile Cuckoo"
année de production 1969
réalisation Alan J. Pakula
scénario Alvin Sargent
musique Fred Karlin
production Alan J. Pakula
interprétation Liza Minnelli, Wendell Burton

La critique de Didier Koch pour Plans Américains

La jeune Pookie quitte son Boston natal pour se rendre à l'université. Elle est accompagnée à l'arrêt du car par son père. C'est dans le même véhicule, cette fois déposée par son ex-petit ami, qu'elle effectuera le chemin à rebours. Ces deux images chargées de symboles ouvrent et concluent le premier long métrage d'Alan J. Pakula réalisé en 1969. Le réalisateur d'une fameuse trilogie paranoïaque ("Klute", "À cause d'un assassinat", "Les hommes du Président"), qui reste son plus haut fait d'armes au sein d'une filmographie assez restreinte (16 films en 27 ans), laisse avec "Pookie" transparaître une sensibilité poétique qui peut éclairer d'un jour nouveau la partie de son travail la moins connue ("Merci d'avoir été ma femme..." en 1979, "À demain mon amour" en 1989).

Pookie, c'est Liza Minnelli, la fille de Judy Garland et de Vincente Minnelli, enfant de la balle qui effectue à 23 ans des débuts fracassants dans un premier rôle tiré d'un scénario original d'Alvin Sargent, dont le titre en langue anglaise, "The sterile cuckoo", est évocateur de la fragilité et du caractère indépendant de Pookie. En effet, le coucou d'Amérique construit des nids très précaires et ne cherche pas, comme ses congénères, à parasiter ceux d'autres espèces.

Liza Minnelli, qui perdra sa célèbre mère d'une overdose de barbituriques l'année du tournage (le 22 juin 1969), n'a eu aucun mal à s'identifier à cette jeune femme élevée par son père, tout à la fois excentrique, gauche et craintive, qui cherche à se tracer un chemin vers le bonheur en se livrant corps et âme à Jerry (Wendell Burton), jeune homme réservé et distingué qu'elle rencontre dans le car qui les mène vers l'université pour la rentrée scolaire.

Malgré leurs tempéraments opposés, Jerry et Pookie, tous deux en recherche d'eux-mêmes et encore dans l'âge de tous les possibles, vont finir par découvrir l'amour grâce à l'énergie de Pookie, qui jette toutes ses forces dans la bataille pour se construire la famille qu'elle n'a pas connue à cause de la disparition précoce de sa mère. Emportée par sa volonté naïve, Pookie ira jusqu'à s'imaginer une grossesse dont elle dira, lors des aveux à Jerry, que « l'enfant qu'elle croyait porter la justifiait ». Signe d'une profonde détresse identitaire.

Cette propension à vivre dans un monde qu'elle se crée ne facilite pas le contact de la jeune fille avec ses camarades d'université, qu'elle nomme au choix "les minables" ou "les tordus". Le caractère fantasque et sauvage de Pookie aura raison de l'amour sincère mais raisonnable de Jerry. La fin du film assez morose laisse entrevoir un avenir incertain pour Pookie qui, malgré sa farouche volonté déjà entamée, a compris à travers cette courte expérience que rien ne lui sera facile.

Liza Minnelli incarne à merveille toutes les facettes du caractère impétueux, parfois mythomane, souvent volcanique, mais aussi terriblement attachant de Pookie. L'Académie des Oscars ne s'y est pas trompée, qui nommera la jeune actrice pour la récompense suprême qui sera remportée par Maggie Smith ("Les belles années de Miss Brodie" de Ronald Neame). Trois ans plus tard, la consécration qui viendra avec la statuette décrochée pour "Cabaret" de Bob Fosse constituera bizarrement l'acmé et l'amorce du déclin d'une carrière cinématographique qui s'annonçait somptueuse.

Reste donc ce film qui s'inscrit dans la lignée de quelques autres de la même veine sensible et romantique comme "Deux enfants qui s'aiment" ("Friends") de Lewis Gilbert, "Harold et Maude" de Hal Ashby ou encore "Un été 42" de Robert Mulligan, tous trois sortis en 1971. Pour être complet, il faut saluer la musique complètement en harmonie avec la tonalité du film de Fred Karlin, elle aussi nommée pour l'Oscar.

"Pookie", dans un genre complètement différent, se place au niveau des trois réussites majeures de Pakula citées plus haut. Personne en effet qui a vu et ressenti le film ne pourra oublier les grands yeux et le sourire de Liza Minnelli exprimant l'envie inquiète de Pookie de dévorer la vie.

Pookie - générique