titre original | "3 Days of the Condor" |
année de production | 1975 |
réalisation | Sydney Pollack |
scénario | David Rayfiel et Lorenzo Semple Jr. |
photographie | Owen Roizman |
musique | Dave Grusin |
interprétation | Robert Redford, Faye Dunaway, Cliff Robertson, Max von Sydow, John Houseman |
récompense | Prix Edgar Allan Poe pour David Rayfiel et Lorenzo Semple Jr. |
Critique extraite du Guide des films de Jean Tulard
Habile suspense qui rencontra un gros succès. C'est assez invraisemblable au niveau du scénario, mais fonctionne avec une redoutable efficacité sur le plan de la mise en scène, sans égaler toutefois les grands Hitchcock.
La critique de Didier Koch pour Plans Américains
Avec l'assassinat de John Kennedy le 22 novembre 1963, suivi de celui de son frère Robert cinq ans plus tard, l'Amérique a vu son éternelle confiance en soi fortement ébranlée et, par ricochet, naître l'étiolement d'un optimisme confinant parfois à la naïveté. L'enlisement du conflit vietnamien, que le président Nixon est incapable de solder, augmente encore la défiance des citoyens envers leurs institutions. Le scandale du Watergate n'arrangera rien à l'affaire.
Les réalisateurs du Nouvel Hollywood trouveront dans ces tourments qui minent tous les pans de la société américaine, l'écrin idéal pour leur vision nouvelle du récit cinématographique caractérisée par l'émergence de l'antihéros. Trois thrillers d'espionnage des années 70 rebaptisés "paranoïaques" restent aujourd'hui emblématiques de cette période. "Les Trois Jours du Condor" est l'un des membres de ce trio aux côtés de "Conversation secrète" de Francis Ford Coppola et de "À cause d'un assassinat" d'Alan J. Pakula. S'il ne fait pas partie explicitement du Nouvel Hollywood, ayant commencé sa carrière au tout début des années 1960, Sydney Pollack a montré très rapidement des aspirations humanistes et sociales qu'il parvient à développer dans tous les genres qu'il aborde.
Il a déjà travaillé trois fois avec Robert Redford quand celui-ci lui soumet un scénario de Lorenzo Semple Jr. (déjà auteur du scénario de "À cause d'un assassinat") tiré du roman à succès de James Grady ("Les Six Jours du Condor") sorti un an plus tôt. Les deux hommes demandent des modifications narratives pour développer l'aspect politique de l'intrigue, Robert Redford étant alors très impliqué dans le domaine. Le résultat est bluffant, et surtout très innovant par rapport aux canons traditionnels du genre que la saga James Bond a poussés jusqu'à la limite de la caricature.
Joseph Turner dit "Le Condor" (Robert Redford) est une sorte de dilettante vivant de petits boulots, qui travaille depuis peu dans une agence de la C.I.A. dont les employés sont en charge de disséquer toutes sortes d'ouvrages pour en extraire les éventuels éléments subversifs. Dans une maison de ville bourgeoise où sévissent des intellectuels fonctionnarisés, l'ambiance semble tout à fait cordiale et bon enfant, rythmée par les blagues potaches de Joseph Turner. Quand après avoir été chercher au snack du coin les sandwiches pour le déjeuner, Turner découvre les corps ensanglantés de tous ses collègues, c'est un homme normal qui bascule violemment dans un univers effrayant où tous ses repères s'effondrent. Par cet incipit efficace au possible, Pollack a déjà réussi l'essentiel : permettre au spectateur une parfaite identification avec le héros du film.
Les personnages secondaires interprétés par Cliff Robertson, Max von Sydow et John Houseman, pour le coup très fidèles au genre avec leur ambiguïté permanente et leur froide détermination, participent avec talent à développer la paranoïa qui s'empare de Turner et à entretenir le suspense que l'on est en droit d'attendre d'un tel film. L'arrivée du personnage féminin (Faye Dunaway), habituellement destiné à divertir tout en renforçant le charisme du héros, est parfaitement dosée par Pollack, qui en fait l'alter ego de Turner le temps d'une rencontre fortuite mais essentielle.
Sans incohérence majeure et porté par un Robert Redford parfait, le film suit son cours avec une remarquable fluidité jusqu'à un dénouement ouvert qui ne fait pas retomber la tension. Preuve de son intemporalité et de son écho dans notre inconscient de citoyen ordinaire, "Les Trois Jours du Condor" se révèle après chaque vision toujours aussi efficace.
Sydney Pollack et Robert Redford sur le tournage des "Trois Jours du Condor"
La critique de Bertrand Mathieux