Menu Fermer

"Les Duellistes"

Le premier film de Ridley Scott

Les Duellistes - affiche

titre original "The Duellists"
année de production 1977
réalisation Ridley Scott
scénario Gerald Vaughan-Hughes, d'après "The Duel" de Joseph Conrad
photographie Frank Tidy
musique Howard Blake
production David Puttnam
interprétation Keith Carradine, Harvey Keitel, Albert Finney
récompense Prix de la première œuvre au festival international du film de Cannes 1977

Critique extraite du Guide des films de Jean Tulard

L'un des plus beaux films inspirés par les guerres napoléoniennes : l'image est splendide de bout en bout ; quant à la peinture des officiers de la grande armée, reposant sur des faits réels, elle emporte l'adhésion. Seul Albert Finney ne ressemble guère à Fouché.

La critique de Didier Koch pour Plans Américains

Aujourd’hui âgé de 81 ans, Ridley Scott, réalisateur mondialement reconnu et célébré compte près de trente films à son actif en quarante ans de carrière. "Alien" (1979), "Blade Runner" (1982), "Thelma & Louise" (1991) et "Gladiator" (2000), considérés par beaucoup comme des chefs-d’œuvre, sont indiscutablement les plus hauts faits d’armes de l’ancien réalisateur de publicités qui, avec ses collègues anglais Alan Parker, Adrian Lyne ou encore Hugh Hudson, ont pris d’assaut Hollywood au début des années 1980.

"Les Duellistes", son premier long métrage qu’il réalise à près de quarante ans, est quelque peu oublié, mais on peut sans aucun doute le placer dans le quinté de tête de sa filmographie. Exercice de style visuel somptueux, le film rend parfaitement compte de la totale maîtrise de tous les aspects de la réalisation dont fait preuve d’emblée son auteur, qui réussit le tour de force de parvenir à transcender son sujet malgré un budget limité de 900 000 dollars. Grâce à une parfaite connaissance de la technique apprise dans le monde de la publicité et à une ingéniosité, alliées à l'autorité qui en découle, il parvient à surmonter tous les obstacles pour les transformer en « aubaines artistiques ».

Après l’échec de la mise en chantier d’un scénario sur Guy Fawkes, l’un des inspirateurs du "Complot des foudres" de 1605 qui lui tenait à cœur et pour lequel il avait embauché Gerald Vaughan-Hughes, il se rabat sur l’adaptation d’un roman de 1907 de Joseph Conrad ("Le Duel"). Inspirés par l’approche visuelle brumeuse de Stanley Kubrick pour "Barry Lyndon", sorti deux ans plus tôt, Scott et Vaughan-Hugues s’intéressent aux duels entre officiers de l’armée napoléonienne, notamment ceux restés dans les mémoires qui opposèrent, à trente reprises et sur dix-neuf années, François Fournier-Sarlovèze à Pierre Dupont de l’Etang. C’est au cours de ses repérages en Dordogne que Ridley Scott apprit par le maire de Sarlat que le roman de Conrad était justement inspiré de cette histoire homérique qui se déroula dans la région. Heureuse coïncidence qui renforça encore la conviction de Scott d’être sur la bonne voie.

Pour camper les deux officiers, le choix initial s’était porté sur Michael York et Oliver Reed, tous les deux excellents escrimeurs. Mais la Paramount, qui finançait le projet, enjoignit Scott de choisir parmi une liste de cinq acteurs américains en pleine ascension. Un séjour de trois mois à Hollywood sera nécessaire pour que l’encore jeune réalisateur parvienne à convaincre Harvey Keitel, habitué à travailler avec Martin Scorsese dans des films urbains, de revêtir l’uniforme de l’armée napoléonienne. Le tournage pouvait alors commencer. Tourné presque exclusivement en décors naturels et sans éclairage, le film permet à Ridley Scott, qui tient lui-même la caméra, de profiter à plein de son expérience de réalisateur de films publicitaires pour maximiser les effets de lumière tout en s’adaptant à la topologie des lieux et au climat alors automnal de la région qui lui complique la tâche. On suit la quête insondable des deux hommes dont ceux-ci perdent assez rapidement le sens, s’ils ont su un jour qu’elle en avait un. L’épopée du général Bonaparte devenu Napoléon ponctue ce duel qui, parti de Strasbourg en 1800, traverse l’Europe de l’Est pour s’achever en 1816 à Paris alors que l’empereur déchu est exilé à Sainte-Hélène.

En cinq étapes et autant de duels où les armes varient à plaisir (épée, sabre, pistolet, charge à cheval), Scott relate l’état d’esprit du moment des officiers qui se divisent en fanatiques de l’empereur comme Gabriel Féraud (Harvey Keitel), officier issu du rang, ou pragmatiques qui tel Armand d’Hubert (Keith Carradine), noble de souche, regardent par-delà une aventure expansionniste parvenue dans une impasse. Malgré leur différence, un lien indéfectible tenant tout à la fois de l’orgueil, du dépassement de soi et d’une lutte de classe inavouée, les amène à se rechercher pour l’un et à ne pas se dérober pour l’autre.

Autant de tableaux sublimes où la nature magnifie ces joutes inutiles qui résument assez bien la difficulté de l’homme à dépasser son instinct de mort qui, à travers les siècles, l’a conduit souvent au pire, y compris dans les dommages qu’il a fait subir à Dame Nature avec le résultat que l’on connaît aujourd’hui. La scène finale où Gabriel Féraud contemple la vallée après son dernier duel en dit long sur le doute qui l’assaille, arrivé au terme d’une obsession qui ne l’a mené nulle part. Harvey Keitel, le petit gars du Bronx, en lieu et place métaphorique de l'empereur, il fallait y penser et surtout oser !

Assurément l’un des plus beaux films qui soit. Certains ont reproché à Ridley Scott la joliesse de ses images. Comme si la beauté était vide de sens. On notera la présence furtive Pete Postlethwaite en barbier et la participation amicale d’Albert Finney qui campe le ministre de la Police, Joseph Fouché, toujours prêt aux accommodements.

Les Duellistes - générique

Les critiques de films de Citizen Poulpe
La critique de Bertrand Mathieux