Clear skies. Gentle surf. Warm water. Amity Island welcomes you!
titre original | "Jaws" |
année de production | 1975 |
réalisation | Steven Spielberg |
scénario | Peter Benchley, d'après son propre roman éponyme |
photographie | Bill Butler |
musique | John Williams |
interprétation | Roy Scheider, Robert Shaw, Richard Dreyfuss, Lorraine Gary |
récompenses | • Oscar de la meilleure musique originale |
• Oscar du meilleur mixage | |
suites | • "Les Dents de la mer 2" de Jeannot Szwarc, 1978 |
• "Les Dents de la mer 3" de Joe Alves, 1983 | |
• "Les Dents de la mer 4 : La Revanche" de Joseph Sargent, 1987 |
"Les Dents de la mer" et "L'Exorciste", même combat : la critique de Pierre
J'ai revu "Les Dents de la mer". Bon, ça n'a pas pris une ride, c'est super. Mais ce qui m'a frappé à cette revoyure, c'est la ressemblance entre ce film et "L'Exorciste".
Un trio d'hommes hétéroclite qui se bat contre une présence maléfique
Dans les deux films, le "trio" est composé de personnages très similaires :
1) un flic (Roy Scheider dans "Les Dents de la mer", le lieutenant Kindermann dans "L'Exorciste"),
2) un scientifique (Richard Dreyfuss dans "Les Dents de la mer", le père Karras, qui est aussi psychiatre, dans "L'Exorciste"),
3) un "chasseur professionnel" qui a déjà connu le démon dans le passé (Robert Shaw dans "Les Dents de la mer", Max Von Sydow dans "L'Exorciste").
Des rapports humains au sein du trio très semblables
1) Le flic et le scientifique deviennent amis instantanément, cette amitié ne sera jamais remise en question et devient même la colonne vertébrale du scénario.
2) Le scientifique et le chasseur sont du même monde ; ils ont un langage commun que le 3e ne comprend pas ; ils portent les mêmes vêtements (le noir des soutanes dans "L'Exorciste", le bleu des marins dans "Les Dents de la mer") ; ils se respectent et s'apprécient, mais ne sont pas amis car ils ne voient pas le monde de la même manière.
3) Le flic et le chasseur, soit ne se rencontrent jamais ("L'Exorciste"), soit se croisent sans vraiment communiquer ou chercher à se comprendre ("Les Dents de la mer").
Une présence maléfique qui s'en prend aux enfants
Régine dans "L'Exorciste", le petit garçon qui se fait bouffer dans "Les Dents de la mer".
Des dialogues qui font une référence explicite à l'histoire récente
Les Nazis dans "L'Exorciste", Hiroshima dans "Les Dents de la mer".
Des films qui partent d'une action à grande échelle pour terminer dans un lieu confiné
Dans "L'Exorciste", ça se passe en Irak, puis aux États-Unis, à Chicago, dans des hôpitaux, une maison, et enfin dans une chambre.
Dans "Les Dents de la mer", ça se passe sur la plage, à Amity, puis en mer et enfin, tout se noue sur le bateau.
Des fins comparables
Les deux films se terminent pas une longue scène d'exorcisme d'environ 30 à 40 minutes ; à l'issue de chacune des deux histoires, le "chasseur professionnel" se sacrifie et y laisse sa peau.
Je vais trop loin ?
La critique de Didier Koch pour Plans Américains
Steven Spielberg réalise son deuxième long métrage pour le cinéma avec "Les Dents de la mer". On peut être étonné d’une telle maîtrise pour un quasi-débutant, mais le choc que constitua "Duel" quatre ans auparavant donnait déjà une sérieuse indication sur les possibilités du jeune homme qui, entre temps, avait fourbi ses armes à la télévision, notamment sur le pilote de la série "Columbo".
C’est une riche idée qu’ont eu les producteurs Richard D. Zanuck et David Brown d’acheter les droits d’adaptation du livre éponyme de Peter Benchley sorti en 1974. Le projet ébauché, Steven Spielberg est vite entré dans la partie. Le tournage fut chaotique, notamment à cause d’un conflit avec le syndicat des techniciens de plateaux et des difficultés rencontrées avec le requin géant mécanique peu maniable. Grand admirateur d’Hitchcock, alors encore en activité, Spielberg calque un peu sur "Jaws", les ressorts dramatiques déjà éprouvés avec succès pour "Duel". Si le camion a été remplacé par un requin, et l’automobiliste craintif de la vitesse par un garde côte développant une phobie pour l’eau, le simple mano à mano de "Duel" a été enrichi d’autres personnages qui donnent à "Jaws" une toute autre dimension, notamment au niveau des moyens de production.
La grande leçon du maître Hitchcock que met immédiatement à l’œuvre Spielberg, est que la peur n’est jamais aussi grande que lorsque le danger est suggéré plutôt qu’exposé crûment. C’est sans doute pour cette raison que les imperfections très visibles de l’animation du requin mécanique nuisent peu à la réussite du suspense. Le trop sous-estimé Jacques Tourneur avait fourni une superbe démonstration de l’efficacité du procédé en 1942 avec "La Féline", où l’on ne voit jamais la panthère autrement que par des jeux d’ombres portées. Fort de toute cette science, Spielberg filme une scène d’ouverture inoubliable où le requin à l’œuvre sur sa première victime est omniprésent, alors que jamais présent à l’écran. L’effet sera tel que tous ceux qui prendront leurs vacances au bord de la mer les années suivantes auront une petite pointe d’angoisse dès que leurs pieds ne toucheront plus le sol.
La première partie du film expose clairement la lenteur des autorités à prendre la mesure du drame qui se joue sous prétexte des fameux enjeux économiques qu’il ne faut surtout jamais mettre en péril au pays de l’argent roi. Il faudra quelques attaques bien sanglantes pour que la raison finisse par l’emporter. L’entêtement du maire joué par un sublimement huileux Murray Hamilton aura des conséquences bien plus néfastes que celles qu’auraient engendré une attitude responsable. Depuis, les mœurs politiques ont un peu évolué sous la pression des médias omniprésents, sombrant parfois dans un recours au principe de précaution à la limite du ridicule.
Spielberg saupoudre cette première partie de tous les ingrédients utiles pour nous faire agréablement patienter avant l’affrontement final, qu’il a su habilement nous mettre en bouche avec les présentations pittoresques de Quint le chasseur de requins (Robert Shaw), sorte de capitaine Achab ayant lui aussi un compte à régler avec une partie de la faune aquatique, et de Matt Hooper, le jeune scientifique (Richard Dreyfuss) chargé d’équilibrer la très forte charge émotionnelle mise par Quint et Brody (Roy Scheider) dans la capture du monstre. Chauffé à blanc, le spectateur peut embarquer à bord de l’Orca pour l’assaut final.
Cette seconde partie un peu plus convenue est sans doute un petit ton en-dessous de la première. Chacun des trois protagonistes a ses propres motivations pour venir à bout du grand blanc. Quint, le plus impliqué, nous explique lors d’un court répit accordé par la bête, comment présent à bord du croiseur Indianapolis pendant la seconde guerre mondiale, il a assisté au massacre de tous ses coéquipiers par des squales affamés après que leur navire a fait naufrage. C’est une lutte à mort qu’il entend livrer, une lutte qu’il aurait aimé mener seul. Contre leur gré, il va donc entraîner les deux autres dans un combat suicidaire que Spielberg teinte d’un léger parfum de fantastique. Sans doute mort vivant depuis le massacre auquel il assista, Quint rejoindra ses frères d’armes dans la gueule du requin, mettant fin à un traumatisme des rescapés qu’il n’a jamais pu dépasser. Plus réjouissant et conforme à l’optimisme de rigueur après une telle frayeur, Brody aura, lui, surmonté sa peur de l’eau. Tout ceci reste quand même cher payé la leçon de natation !
On ne peut pas conclure sans rappeler l’apport essentiel de John Williams, dont la musique précédant l’arrivée du requin est désormais aussi célèbre que celle de Bernard Herrmann pour la mythique scène de douche de "Psychose". C’est la précocité de Spielberg qui frappe le plus concernant "Les Dents de la mer". Hitchcock, qui avait connu des débuts plus laborieux, en éprouva une certaine jalousie, refusant de recevoir son jeune collègue sur le tournage de "Complot de famille". Comme quoi, le monde des réalisateurs est fait aussi de petites bassesses.
Critique extraite du Guide des films de Jean Tulard
Construit comme "Duel" et "Sugarland Express" sur le comportement d'un personnage ou d'un petit groupe de personnages victimes d'une brutale agression aveugle, "Les Dents de la mer" ("mâchoires" selon le titre original) adapte un médiocre premier roman, d'un spécialiste de la plongée sous-marine, dont Spielberg et les co-auteurs, supprimant des chapitres entiers, n'ont quasiment conservé que la situation de base. Élaboré sur deux temps, leur script évolue selon une structure en crescendo bien architecturée qui joue de la connaissance erronée qu'ont les protagonistes (de même que le spectateur) des dimensions réelles du squale, avatar du camion de "Duel", qui se révèle toujours plus monstrueux à chaque apparition. Tout cela est orchestré d'une main de maître par Spielberg qui, avec efficacité et invention, entraîne le spectateur dans un cauchemar aquatique riche en lectures freudiennes.
La chronique de Gilles Penso
La critique de Bertrand Mathieux