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"Le Temps de l'innocence"

Raging Bull dans un magasin de porcelaine ?

titre original "The Age of Innocence"
année de production 1993
réalisation Martin Scorsese
scénario Martin Scorsese et Jay Cocks, d'après le roman d'Edith Wharton (1920)
photographie Michael Ballhaus
musique Elmer Bernstein
montage Thelma Schoonmaker
costumes Gabriella Pescucci
production Barbara De Fina
interprétation Daniel Day-Lewis, Michelle Pfeiffer, Winona Ryder, Richard E. Grant, Alec McCowen, Geraldine Chaplin, Stuart Wilson, Miriam Margolyes, Siân Phillips, Michael Gough, Alexis Smith, Norman Lloyd, Jonathan Pryce, Robert Sean Leonard, Joanne Woodward (voix)
 
récompense Oscar de la meilleure création de costumes

La critique de Sébastien Miguel pour Plans Américains

Le cadeau de Hollywood à Martin Scorsese.

La fresque viscontienne fantasmée par le cinéphile italo-américain devient trésor de cinéma.

Générique d'Elaine et Saul Bass splendide, partition romanesque envoûtante du maître Bernstein.

Le cinéaste débute avec un hommage appuyé à "Senso", louvoie vers "L'Innocent", avant d'assombrir peu à peu son film vers les ombres de "Ludwig".

La caméra capte, dans un mélange de virtuosité formelle éblouissante (Powell, Minnelli et Ophüls sont cités), l'opulence d'un monde fermé, hypocrite et anxiogène.

Le film évite soigneusement l'histoire d'amour pour se concentrer sur les complots invisibles, les agissements souterrains... Mais la passion est palpable... Rien d'illustratif, ici.

Le casting, remarquable, brille de mille feu, et si le trio Daniel Day-Lewis-Michelle Pfeiffer-Winona Ryder touche à la perfection, on n'oubliera pas non plus l'avalanche de seconds rôle magnifiquement incarnés.

La diction distanciée de Joanne Woodward, l'hypocrisie malsaine de Richard E. Grant, la froideur glaciale de Geraldine Chaplin, la brutalité de Stuart Wilson, la distinction altière d'Alexis Smith (dans son dernier rôle), les difficultés culinaires d'Alec McCowen (référence directe à "Frenzy") et la grandeur glaçante de Norman Lloyd (acteur monstre vu chez Welles, Mann, Hitchcock...).

Le cinéaste apparaît en photographe de mariage et fixe (symboliquement) l'échec irrémédiable de Newland.

Pire que les tueries sanglantes qui ont fait la gloire de l'auteur de "Taxi Driver", Scorsese filme la plus honteuse des lâchetés, peut-être le plus grand crime de tous : le renoncement à l'amour.

Dans ce tourbillon de couleurs, de costumes et de perfidie, et le temps d'un plan presque subliminal, Scorsese rend aussi hommage aux silhouettes fourbues de deux immigrés marchant péniblement vers leur rêve américain. En fait, les propres parents du cinéaste...

Une monument aux mille richesses.

Critique extraite du Guide des films de Jean Tulard

À première vue, il peut paraître étonnant que Martin Scorsese, le spécialiste du film policier social se déroulant dans le milieu très particulier de la "Petite Italie" d'Amérique, s'aventure sur un terrain qui lui est étranger, où un James Ivory brille tout particulièrement.

Ce brusque virage ne doit pas être considéré comme un simple exercice de style visant à rivaliser avec le subtil "calligraphisme" de James Ivory. Il faut plutôt chercher du côté des films de Luchino Visconti fort admirés par le réalisateur italo-américain : "Senso" et "Le Guépard".

En choisissant la peinture d'un univers suranné, Scorsese n'a pas renoncé pour autant aux thèmes qui lui sont chers et qui jalonnent son œuvre. Ces thèmes sont, selon ses propres termes, "la culpabilité, le désir, l'obsession... et l'impossibilité de satisfaire cette obsession". Le héros de son film doit choisir entre May (Winona Ryder), "symbole du monde qu'il connaît", et Ellen (Michelle Pfeiffer) "qui représente le monde dont il rêve"...

"Le Temps de l'innocence", par la perfection apportée à la mise en scène, l'exacte reconstitution d'une époque avec ses bals, ses réceptions, ses coteries, témoigne d'un véritable travail d'antiquaire et de chroniqueur au service d'une époque révolue où se meuvent des gens élégants mais terriblement étriqués et conventionnels, manquant à la fois de mordant et d'idéal.

L'inconvénient du film est que ces personnages ne nous intéressent guère à l'exception de la séduisante comtesse Olenska, si peu faite pour vivre en leur compagnie et qui a raison de retourner en Europe.

Critique extraite de 50 ans de cinéma américain de Bertrand Tavernier et Jean-Pierre Coursodon

Pour son premier film "historique" (si l'on excepte "La Dernière Tentation du Christ"), Martin Scorsese adapte un roman d'Edith Wharton à peu près dépourvu d'action qui dissèque les rites et comportements de la haute société new-yorkaise (société furieusement victorienne) dans les années 1870.

Il semble fasciné par l'aspect extérieur de ce monde opulent et oppressant dont les décors, costumes et accessoires, examinés avec une attention maniaque, deviennent symboliques de l'emprisonnement des personnages dans les conventions, de leur incapacité à communiquer, à exprimer des sentiments.

On est loin, certes, de la frénésie survoltée des "Affranchis", mais très loin également de l'académisme des reconstitutions d'époque à la Merchant-Ivory. La tension scorsesienne est ici entièrement intériorisée ; elle n'en est pas moins sensible pour cela.

Le logo Columbia détourné pour "Le Temps de l'innocence"

Le logo de la Columbia se déroule de façon tout ce qu'il y a de plus normale, mais à la fin, il s'arrête quelques secondes de plus pour passer dans de très jolies teintes sépia, rappelant les photos datant de l'époque pendant laquelle se déroule le film.

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Blu-ray et DVD The Criterion Collection du "Temps de l'innocence"

Photos du tournage du "Temps de l'innocence"

Daniel Day-Lewis et Martin Scorsese
Martin Scorsese et Michelle Pfeiffer

Le générique du "Temps de l'innocence" conçu par Elaine et Saul Bass