titre original | "The Evil Dead" |
année de production | 1981 |
réalisation | Sam Raimi |
scénario | Sam Raimi |
musique | Joseph LoDuca |
interprétation | Bruce Campbell |
suites | • "Evil Dead 2", Sam Raimi, 1987 |
• "L'Armée des ténèbres", Sam Raimi, 1992 | |
remake | "Evil Dead", Fede Alvarez, 2013 |
La critique de Pierre
La ressortie en DVD dans une sublime édition en zone 1 d'"Evil Dead" a été l'occasion pour votre serviteur de se refaire une opinion sur ce petit classique qui a fait les belles après-midi de son adolescence.
D'abord, c'est un film touchant pour moi, parce que c'est vraiment le film de vidéo-club par excellence, toute la notoriété de ce truc a reposé sur les premiers jours du magnétoscope. C'est un peu gloubi, mais c'est comme ça.
Ensuite, c'est toute la passion de ce jeune metteur en scène de 20 balais mais talentueux qui se démerde avec deux brindilles et du ketchup pour essayer de faire un truc bien. C'est forcément touchant.
Il y a aussi une autre chose qui fait beaucoup pour la qualité du film, c'est Bruce Campbell. Ce mec a vraiment l'air sympa et rigolo et il fait pour beaucoup dans la sympathie qu'inspire le film.
Alors, si ce "Evil Dead" est le plus effrayant de la série, force est de constater qu'à mon sens, en tant que film "qui fait peur", ça ne fonctionne pas vraiment. Il y a certes des références à Lovecraft ou à "L'Exorciste", mais ça ne m'a jamais fait peur (contrairement à Eli Roth - interviewé dans le doc du DVD - qui dit que ça lui a foutu une trouille bleue). En ce qui me concerne, c'est l'inventivité de la mise en scène, le côté over the top de certaines scènes (la fille violée par des arbres !) et les effets spéciaux à la pâte à modeler que je retiens et qui me font aimer ce film.
Le doc du DVD est vraiment touchant. Bizarrement, ni Raimi ni Campbell n'y sont présents, mais il y a tous les autres, et notamment les actrices du film, qui sont assez marrantes à entendre (l'interview de la fille violée par les arbres est vraiment drôle : "Une scène de viol dans ce film ? Avec des arbres ? Non, vraiment, je ne vois pas de quoi vous parlez").
En tout cas, "Evil Dead" est clairement le meilleur de la série, largement au-dessus du 2 (que je trouve très surrévalué) ou du 3 (que je trouve très sous-évalué). Voilà !
NB : Joel Coen est assistant monteur sur ce film. L'amitié Raimi/Coen perdurera d'ailleurs avec les années : Raimi apparait dans "Miller's Crossing", il a écrit "Le Grand Saut", et on notera également une vraie analogie entre "Fargo" et "Un plan simple".
Critique extraite du Guide des films de Jean Tulard
Un film culte sur le thème de la maison hantée. Le film vaut surtout pour ses excès impossibles à résumer ici. Le rythme imprimé à l'œuvre, les outrances comme les références aux classiques de l'horreur, tout contribue à créer un certain envoûtement.
La critique de Didier Koch pour Plans Américains
En 1981, le cinéma fantastique et d'épouvante renait de ses cendres (la grande période de gloire du genre à Hollywood remonte aux années 1930 à 1945 avec les productions Universal et RKO) en mutant vers l'horrifique, magistralement introduit par le choc frontal de "L'Exorciste" en 1973, puis de "Massacre à la tronçonneuse" en 1974. Polanski avait déjà soufflé sur les braises en 1968 avec "Rosemary's Baby", qui avait créé un regain d'intérêt pour tout ce qui touchait aux forces démoniaques.
Le slasher movie est venu presque aussitôt surfer sur la vague avec deux films séminaux, "Halloween" (1978) et "Vendredi 13" (1980). Le jackpot ayant été décroché à chaque fois par ces productions peu onéreuses, les producteurs se sont amusés à décliner le concept en saga aux épisodes multiples. Le filon sera exploité jusqu'à la corde, épuisant la source en une petite décennie, et faisant replonger le genre dans un relatif anonymat jusqu'aux années 2000.
Sam Raimi débarque donc au début de la vague slasher avec son premier film fait de bric et de broc. Ce qui frappe encore aujourd'hui dans la démarche du jeune Raimi, c'est son audace qui le pousse à déjà dynamiter les codes d'un genre pourtant en plein essor qu'il aurait été bien aisé de copier pour s'attirer les bonnes grâce d'un public alors en pleine béatitude devant ces bandes de jeunes décérébrés qui se font trucider allègrement par un tueur psychopathe aux forces décuplées. Raimi, lui, fait fi du très long préambule traditionnel qui veut que le spectateur soit mis à rude épreuve, attendant que les jeux amoureux des adolescents en chaleur finissent par déclencher la furie du tueur embusqué. Il n'a pas assez de patience et ne s'embarrasse donc pas de préambules, nous plongeant immédiatement dans un climat d'angoisse avec cette forêt menaçante qui, d'emblée, nous prévient que les cinq jeunes sont malvenus. La mise en place très rapide et efficace indique un Raimi avide d'en découdre.
C'est alors, l'humour en plus, un déchaînement de gore, précurseur des films d'Eli Roth ("Hostel", 2002) ou de James Wan ("Saw", 2004). L'esprit joueur et malicieux de Sam Raimi, mais aussi certainement les trucages rudimentaires à sa disposition, le poussent à la parodie. C'est encore aujourd'hui ce qui permet à son film de ne pas sombrer dans le ridicule. Déchaîné, après le premier sang (cf. Rambo), le jeune réalisateur multiplie les références potaches à tout ce que le cinéphile Raimi a aimé, des films de zombies de Romero à "L'Exorciste" en passant par les films de maisons hantée, sans oublier bien sûr une allusion clin d'œil à "Massacre à la tronçonneuse" quand Bruce Campbell (ami de Raimi et coproducteur du film), se saisissant d'une tronçonneuse pour achever sa petite amie possédée, se ravise comme pour nous dire que vraiment « trop, c'est trop ! ».
Avec trente ans de recul, "Evil Dead" paraît sans aucun doute un peu simpliste et assez mal fichu, mais replacé dans le contexte de l'époque, il jette un sacré pavé dans la mare du conformisme auquel les producteurs, toujours avides de gains faciles, se laissent aller assez facilement.
Six ans après, avec "Evil Dead 2", le jeune prodige montrera qu'avec des moyens appropriés et sans rien perdre de son espièglerie, il pouvait largement gagner en crédibilité. La suite de sa carrière aura montré que tous les espoirs placés en ce jeune geek iconoclaste étaient fondés.
Le Blu-ray est sublime et fourmille de bonus qui vous disent tout sur ce film de potes (la présence de Joel Coen comme assistant) devenu culte.
La chronique de Gilles Penso