« Sex is not the answer. – I know that Lenny, it's the question. 'Yes' is the answer. »
titre original | "Auto Focus" |
année de production | 2002 |
réalisation | Paul Schrader |
scénario | Michael Gerbosi, d'après le livre "The Murder of Bob Crane" de Robert Graysmith |
photographie | Jeffrey Greeley et Fred Murphy |
musique | Angelo Badalamenti |
interprétation | Greg Kinnear, Willem Dafoe, Rita Wilson, Maria Bello, Ed Begley Jr. |
La critique de Didier Koch pour Plans Américains
Paul Schrader n'aime rien tant que narrer les descentes aux enfers de personnages masculins qui, souvent après avoir tutoyé le succès et la gloire, doivent en payer le prix. "La Dernière Tentation du Christ", "American Gigolo", "Raging Bull", "City Hall" ou encore "Mishima" ressassent tous ce même thème qui fait office de credo pour Paul Schrader, qu'il soit derrière la caméra ou simplement à l'écriture du scénario.
Schrader, profondément croyant, issu d'une famille calviniste, s'est souvent vu reprocher une forme de rigorisme obsessionnel qui le pousse à punir ses personnages après qu'il ont enfreint les règles morales en vigueur. Le cas de Bob Crane (Greg Kinnear), acteur de télévision célèbre aux États-Unis pour avoir été le colonel Hogan dans la série "Hogan's Heroes", plus connue en France sous les nom de "Papa Schulz", ne pouvait que permettre à Paul Schrader de revisiter ses obsessions sur la déchéance provoquée par le succès.
Bob Crane est au départ un bon époux, dont la vie est régie par les préceptes religieux, lui et sa femme étant des pratiquants réguliers. Il faudra l'arrivée du succès et la rencontre avec un mauvais génie (Willem Dafoe), le tout encadré par le progrès technologique qui pervertit tout, pour que notre brave Crane bascule dans le stupre qui va devenir progressivement sa seule raison d'être. Cette addiction au sexe nous fait penser un peu à celle du candidat putatif à la présidentielle française qui, lui aussi, a connu une chute brutale (c'est Abel Ferrara qui se chargera de narrer son triste parcours américain). Quand le pauvre bougre devenu l'ombre de lui-même voudra retrouver un peu de sa dignité, c'est de la main même de celui qui l'a perverti qu'il sera puni pour tous ses péchés.
Le film est habilement mené avec une direction d'acteurs au cordeau, mais le propos est une fois de plus trop manichéen et moraliste pour emporter l'adhésion d'un spectateur qui attend que le réalisateur pose des questions plutôt qu'il n'assène son point de vue. Schrader a tellement modelé la biographie de Bob Crane à son propos que les enfants de celui-ci ont fait valoir leur version de la vie de leur père à la sortie du film. Une fois de plus, Paul Schrader aura provoqué la polémique.
Restent les performances de Greg Kennear et de Willem Dafoe, proprement bluffantes. Willem Dafoe, dont le talent protéiforme lui permet de changer constamment avec ses rôles tout en leur imprimant un style tout à fait identifiable.
On ne refera pas Schrader. Jusqu’au bout, il sera incorrigible, mais aussi très souvent talentueux.
Paul Schrader et Willem Dafoe
"Auto Focus" est la troisième collaboration entre le réalisateur et l'acteur, après "Light Sleeper" (1992) et "Affliction" (1997). Ils travailleront de nouveau ensemble avec "The Walker" (2007) et "Adam Resurrected" (2008). On notera par ailleurs que le rôle principal tenu par Dafoe dans "La Dernière Tentation du Christ" a été écrit par Schrader.
Schrader étant un réalisateur fidèle, un autre acteur ayant déjà souvent été dirigé par le metteur en scène apparaît dans "Auto Focus" : Ed Begley Jr., qui avait précédemment joué dans "Blue Collar" (1978), "Hardcore" (1979) et "La Féline" (1982).