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"The Rider"

« You know, Lilly, I believe God gives each of us a purpose. – Very true.
– To the horse, it's to run across the prairie. For a cowboy, it's to ride. »

The Rider - affiche

titre original "The Rider"
année de production 2017
réalisation Chloé Zhao
scénario Chloé Zhao
photographie Joshua James Richards
musique Nathan Halpern
interprétation Brady Jandreau, Tim Jandreau, Lilly Jandreau
   
récompenses • Grand prix au festival du cinéma américain de Deauville 2017
• Prix Art Cinema du meilleur film de la Quinzaine des réalisateurs au festival de Cannes 2017

La critique de Didier Koch pour Plans Américains

Chloé Zhao a fait une entrée fracassante dans le cinéma américain en 2015 avec son premier long métrage "Les chansons que mes frères m’ont apprises", qui obtint un succès d’estime au festival de Sundance, où il effectua sa sortie le 27 janvier 2015. Deux films plus tard, la jeune femme remporte l’Oscar du meilleur réalisateur en 2021 avec "Nomadland". Elle devient ainsi la deuxième femme de l’histoire du cinéma à remporter cet Oscar convoité après Kathryn Bigelow en 2010 ("Démineurs"). Chloé Zhao est certes chinoise, mais dès l’âge de quinze ans, elle a suivi sa scolarité à Londres, puis à New York. Trois films réalisés avec des budgets très restreints, mariant harmonieusement approche documentaire et fiction. Cette dernière, jamais envahissante, étant au service de la vérité que la jeune réalisatrice veut exposer à l’écran.

Son premier film se déroulait dans la réserve des Indiens Lakota de Pine Ridge. C’est en retournant en 2014 dans cette réserve du Dakota du Sud qu’elle rencontre Brady Jandreau. Immédiatement fascinée par ce que dégage ce jeune homme d’origine sioux, Chloé Zhao se met en tête de lui confier le rôle principal de son prochain film, persuadée qu’il porte en lui les germes d’un futur grand acteur. Ne s’embarrassant pas de préjugés concernant la faisabilité d’un film ni de toutes les discussions qui entourent sa production, elle décide d’agir vite avec les moyens du bord. Il faut dire que la jeune réalisatrice est aussi scénariste, productrice et occasionnellement monteuse. Pour couronner le tout, son petit ami, Joshua James Richard, est son chef opérateur. En somme tout, pour être relativement autonome, si l’on sait où l’on veut aller et comment y aller sans trop tergiverser quant aux décisions rapides à prendre, évitant ainsi que trop de monde ne vienne mettre son nez dans vos affaires. Plus difficile en effet d’arrêter un film en plein tournage plutôt qu’à l’état de projet.

Du culot, Chloé Zhao derrière son allure très amène, n’en manque pas. Quoi de mieux dès lors pour tirer le maximum de Brady Jandreau que de le faire évoluer dans l’ambiance qu’il connaît le mieux. Celle des rodéos. Une passion dont il vient juste de payer le prix fort en se faisant piétiner le crâne par un cheval. Trois jours de coma artificiel, une opération à la suite et l’interdiction de pratiquer sa passion l’obligent à envisager une reconversion. Autant d’événements autour desquels construire une intrigue et créer un climat. Le sujet étant là devant elle, il ne restait plus qu’à s’en saisir pour demander au jeune Brady Jeandreau s’il accepterait de poser sa brisure intime sur la toile. Exposé de cette manière, tout cela paraît simple et évident. Sans doute, mais il faut une réelle maîtrise de son art et aussi une sacrée audace pour se lancer dans l’aventure. Soyons en sûrs, la jeune femme ira loin et n’en finira pas de surprendre. Espérons seulement qu’elle ne va pas se laisser aspirer par la machine hollywoodienne toujours prompte à recruter les jeunes talents prometteurs, mais avec l’objectif de les asservir à ses visées mercantiles. La mise en chantier d’un film de super-héros en 2020 juste après l’Oscar reçu pour "Nomadland" peut donc inspirer quelques craintes.

En attendant, "The Rider" sorti en 2017 en France s’avère être un post-western qui s’intéresse à la relation du cow-boy avec son cheval. Une thématique récurrente du genre qui a souvent donné d’excellents films. On pense bien sûr aux "Indomptables" (1952) de Nicholas Ray avec Robert Mitchum, à "Seuls sont les indomptés" (1962) de David Miller avec Kirk Douglas, à "Junior Bonner" (1972) de Sam Peckinpah avec Steve McQueen ou plus près de nous au "Cavalier électrique" (1979) de Sydney Pollack avec Robert Redford. L’imaginaire de l’Ouest ne peut bien sûr pas être le même pour une réalisatrice chinoise qui filme 40 à 70 ans après des réalisateurs qui avaient pour certains comme Sam Peckinpah ou Nicholas Ray la nostalgie d’un Ouest fantasmé où l’homme épris de liberté était encore intégré à la nature. Confrontés à l’effacement inéluctable de cet univers face au progrès technique qui emporte tout sur son passage, leurs héros préféraient le plus souvent mourir plutôt que de voir rognée leur liberté en même temps que disparaissait leur mode de vie. Toute cette évolution historique et sociologique a parfaitement été intégrée par Chloé Zhao dont le héros n’agit plus du tout selon les mêmes codes que ces vieux pionniers, déjà regardés à leur époque comme les dinosaures d’un monde finissant. Ce n’est pas un hasard si la fin de "The Rider" nous emmène tout d’abord sur cette piste sacrificielle pour finalement se rappeler que la vie vaut toujours la peine si l’on veut bien regarder devant soi.

Le jeune Brady Jandreau, beau et sauvage que ce soit devant son miroir dans sa posture de champion de rodéo déchu ou coiffé de son large chapeau quand il se livre au rituel de l’enfilage du costume de celui qui va aller jouer sa vie face au taureau ou au cheval est parfait dans les différents aspects de son jeu, notamment par son regard perçant, exprimant alternativement le désenchantement, l’ivresse du corps à corps avec l’animal ou la compassion sincère quand il rend visite à son ami Lane Scott, champion de rodéo comme lui et désormais cloué sur un fauteuil roulant auquel, par un jeu enfantin, il tente d’insuffler encore un peu des émotions qu’eux seuls peuvent ressentir. Le tout empreint d’une pudeur et d’un respect servis par un minimum de gestes et de dialogues. La grâce et le talent inné en quelques sorte. Chloé Zhao tout comme une chercheuse d’or a vraiment eu du flair et son film est tout simplement magnifique que l’on peut sans hésiter placer aux côtés de ceux cités plus haut. On saluera enfin l’émotion que la réalisatrice parvient à faire passer dans les scènes mettant en relation Brady Jandreau et les chevaux qu’ils montent ou tout simplement soignent. Que dire de plus, sinon qu’il faut voir "The Rider" d’urgence.

Dossier pédagogique du CNC consacré à "The Rider"
dossier enseignant et fiche élève
Brady Jandreau et Chloé Zhao sur le tournage de "The Rider"
Couverture du numéro de mai-juin 2018 du magazine américain Cowboys & Indians