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"Le Cavalier électrique"

Le cavalier électrique - affiche

titre original "The Electric Horseman"
année de production 1979
réalisation Sydney Pollack
photographie Owen Roizman
musique Dave Grusin
interprétation Robert Redford, Jane Fonda, Valerie Perrine, John Saxon, Willie Nelson

Pour : la critique de Didier Koch pour Plans Américains

Quelquefois, un film doit sa naissance à la mort d'un autre, et c'est ce qui est arrivé au "Cavalier électrique" de Sydney Pollack. À la suite de l'échec cuisant de "Bobby Deerfield", mélodrame avec Al Pacino se déroulant dans le monde de la Formule 1, Pollack se dit que son association avec Robert Redford est sans doute celle qui fonctionne le mieux, tant les deux hommes sont en symbiose sur les thèmes à évoquer et quant à la façon de les aborder.

Le réalisateur s'est amouraché d'un énorme roman de Robert Penn Warren, double prix Pulitzer, dont il compte tirer un film intitulé "A Place to Come". Pollack a très rapidement recruté une équipe malgré les énormes difficultés rencontrées à l'écriture du scénario par Julian Barry, David Rayfiel et Thomas Hall Phillips, ajoutées aux impossibilités techniques qui se font jour concernant le vieillissement à prévoir de Robert Redford, l'intrigue se déroulant  sur plusieurs décennies. Quand il se rend à l'évidence qu'il doit renoncer, l'équipe en question lui reste sur les bras. Il lui faut donc trouver rapidement un sujet simple et facile à mettre en œuvre.

Ray Stark, producteur de la Columbia que Pollack connaît bien pour avoir travaillé avec lui sur "Nos plus belles années", qui fut un énorme succès malgré les relations difficiles entre les deux hommes, se trouve être le propriétaire des droits d'une idée de Shelly Burton tournant autour d'un cowboy qui vole un cheval de course célèbre pour se rebeller contre la compagnie qui l'emploie. Pollack, qui avait un temps été séduit par ce projet devenu arlésienne, sollicite Ray Stark, ravi d'une concrétisation enfin possible. Les différentes versions de scénario écrites par Walter Bernstein pour Stark ne conviennent pas à Pollack, qui demande à Paul Gaer et Robert Galland de recentrer le récit autour de l'idée que le vol du cheval n'aurait aucun but lucratif, mais servirait plutôt au cowboy devenu champion de rodéo à redonner un sens à sa vie en le faisant se dresser contre le système qui a fait de lui un homme sandwich. Le réalisateur n'a aucun mal à convaincre Jane Fonda de le rejoindre, l'actrice ayant déjà travaillé avec lui ("On achève bien les chevaux") et Redford ("Pieds nus dans le parc").

Pollack retrouve avec ce film modeste la veine élégiaque de "Jeremiah Johnson" tout en inscrivant son film dans la lignée de ceux de Peckinpah (la violence en moins), qui avaient pour thème commun la disparition progressive du libre choix individuel à travers la contemplation nostalgique des derniers vestiges en décomposition d'un Ouest finissant. Sonny Steele (Robert Redford) est le cavalier électrique, cinq fois champion du monde de rodéo, parvenu au stade ultime de la légende de l'Ouest déjà récupérée par le capitalisme à la fin du XIXe siècle quand le Wild West Show de Buffalo Bill sillonnait le continent puis l'Europe. On pense alors à des films comme "Junior Bonner" de Sam Peckinpah, mais aussi au trop mésestimé "Buffalo Bill et les Indiens" de Robert Altman.

Très inspiré, tout comme Robert Redford dans l'une de ses prestations les plus marquantes, Pollack réussit parfaitement à montrer comment les souffrances infligées au cheval devenu comme lui bête de foire, font prendre conscience à Sonny Steele du vide de son existence. Des scènes très émouvantes scandent le récit, comme celle où, après la fuite de la salle de congrès en compagnie du cheval, Steele traverse Las Vegas, les guirlandes de son costume s'éteignant aux frontières du désert. Une autre, plus mouvementée, montre comment Steele et le pur-sang en quête de leur liberté font corps pour fuir les barrages de police. Le personnage de Jane Fonda, journaliste avide de scoop qui finit par prendre fait et cause pour ce rapt salutaire, désigne peut-être le spectateur que Pollack prend à témoin pour lui signifier que le refus de suivre la route toute tracée par la société est à la portée de chacun.

Il faut noter la musique très en phase avec l'esprit du film de Willie Nelson, qui fait une apparition dans le film.

Un accident heureux donc que ce "Cavalier électrique", qui fut d'ailleurs bien accueilli en son temps et dont on parle trop peu aujourd'hui. Il est donc urgent de le voir ou le revoir à l'occasion d'une ressortie DVD toute récente.

Contre : critique extraite du Guide des films de Jean Tulard

Critique de la publicité aliénante et éloge de la liberté et de l'individualisme. C'est terriblement conventionnel et Jane Fonda n'arrange pas toujours les choses à force de clichés alors que Redford tire mieux son épingle du jeu. Nous sommes loin des grands films de Pollack.

Le cavalier électrique - générique

Couverture d'octobre 1979 du magazine American Cinematographer