It took him 20 years to find out who he was and 2 laps to let the world know.
titre original | "The Last American Hero" |
année de production | 1973 |
réalisation | Lamont Johnson |
interprétation | Jeff Bridges, Valerie Perrine, Gary Busey, Ed Lauter, Ned Beatty, Hal Holbrook, William Smith |
La critique de Sébastien Miguel pour Plans Américains
Tourné dans l’économie d’une minuscule série B, "The Last American Hero" est l’un des films les plus significatifs du Nouvel Hollywood. Tout y est : mise en scène nerveuse et efficace de Lamont Johnson, découpage maîtrisé, caméra à l’épaule, montage énergique, plans de secondes équipes d’une énergie folle. Johnson marie remarquablement le tempo trépidant et le réalisme documenté.
Le superbe "I Got a Name" de Jim Croce, à la fois tendre et nostalgique, apporte un contrepoint bienvenu au courage et aux audaces du jeune champion qui tente, victoire après victoire, de trouver la rédemption.
Le casting, magnifiquement seventies, est ici exemplaire : Ned Beatty visqueux à souhait, l’indispensable Ed Lauter en grand manitou des circuits, Gary Busey idéalement ‘primitif’. On croise Hal Holbrook, et on a même droit aux muscles et à la moustache patibulaire de l’inénarrable William Smith. Jeff Bridges, après Huston ("Fat City") et juste avant Frankenheimer ("The Iceman Cometh"), dégage une jeunesse, une force et une rage stupéfiantes, sorte d’incarnation idéale de la colère des oubliés qui lutteront pour être reconnus et s’extraire de leur fange sociale. Valerine Perrine, starlette sensuelle et toujours marquée par le monde de l’enfance, incarne parfaitement la bimbo de circuit.
Sans y toucher, "The Last American Hero" s’impose aussi comme le film le plus juste et le plus vigoureux sur les courses automobiles, enterrant des productions plus dispendieuses comme "Grand Prix", "Le Mans" et autres immondes navets comme "Driven", "Jours de tonnerre"…
Culte, méconnu et difficilement trouvable, "The Last American Hero" est une merveille.
La critique de Didier Koch pour Plans Américains
En 1973, la carrière de Jeff Bridges en était encore à ses balbutiements, même si le fils de Lloyd Bridges avait été remarqué deux ans plus tôt dans "La Dernière Séance" de Peter Bogdanovich, film générationnel devenu culte dès sa sortie. "The Last American Hero" de Lamont Johnson, réalisateur de télévision un peu obscur, exploite de manière intelligente le chemin de la chronique sociale de l’Amérique profonde que venait juste de tracer Bogdanovich.
Ayant passé le stade de l’adolescence qui caractérisait son personnage de "La Dernière Séance", Jeff Bridges campe Elroy Johnson Jr., un jeune homme élevé avec son frère (Gary Busey) dans la tradition du trafic de whisky de contrebande que distille son père au fond de son jardin. Un père formidablement interprété par Art Lund qui, en dépit de sa vie en marge, n’oublie pas d’inculquer certains principes de rigueur morale et d’honneur à ses fils.
Pour se sortir de sa condition, Elroy ne songe qu’aux courses de stock-car (NASCAR), dont la naissance en 1948 découle directement de la période de la prohibition qui voyait les trafiquants doper les moteurs de leurs voitures pour fuir la police. Alors que son père effectue un énième séjour en prison, Elroy et son frère vont devoir subvenir aux besoins de leur mère (Geraldine Fitzgerald). La rencontre avec un organisateur de courses (Ned Beatty) va offrir à Elroy l’occasion de se réaliser.
Le décor très simplement mais efficacement planté de cette histoire inspirée de la vie de Junior Johnson (coureur NASCAR de 1953 à 1967), Lamont Johnson traîne sa caméra nonchalante pour offrir une description très juste de la vie sur les circuits à une époque où organisation rimait encore souvent avec improvisation. Le cinéma américain n’a assurément pas son pareil pour rendre l’humeur de son temps et celle de personnages qui puisent toute leur crédibilité dans la simplicité et l’humilité de la réalisation. Lamont Johnson ne déroge pas à la règle, faisant partie d’une école informelle qui n’a jamais porté de nom ronflant comme « La Nouvelle Vague », mais qui fait que des années 1960 à nos jours, des réalisateurs, venus parfois de nulle part, parviennent à nous émouvoir en montrant la vie telle qu’elle est, toute à la fois simple et complexe, mais aussi joyeuse et déprimante.
Jeff Bridges, alias Elroy Jr., rejoint la confrérie des pilotes qui, à cette époque, ont des allures de galériens bohèmes, exploités par des hommes d’affaires cherchant à se faire de la publicité sur leur dos ou fantasmant par pilote interposé à ce jeu de la mort qui se joue à fond de train sur les pistes rudimentaires du circuit NASCAR. Mais entre deux courses, il y a la belle Valérie Perrine (juste avant qu’elle ne tourne avec Dustin Hoffman sous la direction de Bob Fosse dans "Lenny", qui lui vaudra un Prix d’interprétation à Cannes en 1975), qui vient réconforter le dernier d’entre eux dont elle s’est amourachée.
Lamont Johnson, qui fait montre ici d’un talent prometteur qui lui vaudra les louanges de la pourtant très sévère critique du New Yorker Pauline Kael, ne confirmera malheureusement pas, retournant très vite aux téléfilms. Quant à Jeff Bridges, on connaît la suite.