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"Propriété privée"

Propriété privée - affiche

titre original "Private Property"
année de production 1960
réalisation Leslie Stevens
scénario Leslie Stevens
photographie Ted D. McCord
musique Pete Rugolo
interprétation Kate Manx, Corey Allen, Warren Oates, Robert Wark

Critique extraite du Guide des films de Jean Tulard

Une œuvre insolite qui parut annoncer "une nouvelle vague américaine" : érotisme et violence avec une spectaculaire bataille dans une piscine.

Critique extraite de 50 ans de cinéma américain de Bertrand Tavernier et Jean-Pierre Coursodon

Deux voyous séduisants et une femme mariée qui s'ennuie. Théâtral, mais visuellement efficace.

La critique de Didier Koch pour Plans Américains

"Propriété privée" de Leslie Stevens, considéré comme perdu pendant trente ans, est réapparu en 2016 quand une copie 35 mm a été découverte par l’Université de Californie à Los Angeles (UCLA). Après restauration, celle-ci a été exploitée en salle. Le film est un précieux témoignage concernant l’évolution d’Hollywood depuis le milieu des années 1950 alors que le système des studios dangereusement concurrencé par la télévision s’était lancé dans des innovations technologiques censées lui redonner un avantage à travers des productions prestigieuses telles "Ben-Hur", "Le Cid", "Le Pont de la rivière Kwaï", "La Grande Évasion" ou encore "Cléopâtre". Leslie Stevens qui est aussi scénariste et producteur s’était fait remarquer deux ans plus tôt avec "Le Gaucher" d’Arthur Penn, lui aussi artiste accompli et réalisateur très influencé par la Nouvelle Vague française.

Deux vagabonds (Corey Allen et Warren Oates), sortis de nulle part, errent sur le bord d’une autoroute. Dans une station-service, se faisant prendre en stop par un automobiliste, ils l’obligent ensuite à suivre une jeune femme (Kate Manx) se rendant sur les hauteurs de Los Angeles. Dans cette banlieue bourgeoise à partir d’une villa voisine abandonnée, permettant aux deux vagabonds dont on ne saura rien d’observer les allées et venues de la jeune femme entre sa piscine et son intérieur, se met en place un jeu de séduction tout à la fois candide, coupable et malsain. Candide par certains comportements d’Ann (Kate Manx) qui semble curieusement aborder sa rencontre avec Duke (Allen Corey) sur le mode encore innocent de l’adolescence. Coupable par la relation avec son mari exposant crûment une frustration sexuelle qui exsude par tous les pores de la peau d’Ann comme l’a presque immédiatement ressenti Duke. Malsain par les non-dits entre les trois personnages faisant comprendre que chacun d’eux est mû par des intentions différentes. Ce climat étouffant renforcé par un noir et blanc surexposé à travers lequel s’infiltre la lourde chaleur californienne fait de "Propriété privée" une expérience aussi fascinante que dérangeante dont le spectateur assez vite pressent que l’issue sera tragique.

Au passage, Leslie Stevens, qui filme Corey Allen en s’inspirant d’Elia Kazan filmant Marlon Brando, brosse un portrait peu flatteur du dogme de l’American way of life bâti autour de la propriété privée et de la famille WASP. Cette dernière s’avère pour le coup, complétement dénuée de son sens au cœur même des quartiers chics de LA. Quant à la femme au foyer attendant avec amour et dévotion le retour de son époux, le mythe est ici sérieusement écorné. Sur cet aspect, "Propriété privée" préfigure sans doute "Les Femmes de Stepford", thriller d’anticipation réalisé par Bryan Forbes en 1975 où en prévention de toute forme d’émancipation de leurs épouses, les hommes leur font subir un conditionnement chèrement tarifé destiné à tuer dans l’œuf récriminations ou rébellions.

On notera enfin la prestation particulièrement convaincante et émouvante de Kate Manx, alors épouse de Leslie Stevens, qui se suicidera quatre ans plus tard à seulement 34 ans.

Propriété privée - générique