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Les films post-11-septembre

Pour la sortie de "Green Zone" de Paul Greengrass, retour sur les films post-11 septembre...

Article de Stéphane Caillet du 8 avril 2010.

Si les attentats du 11 septembre 2001, suivis par la guerre d'Irak, ont entraîné d'immenses bouleversements géostratégiques, affectant notamment les États-Unis et « le reste » du monde occidental, ils ont eu aussi pour conséquence de créer de nouvelles thématiques au sein de l'une de nos plus fameuses machines à images : Hollywood. Le cinéma américain a très vite intégré des sujets liés à ces événements historiques, comme ce fut le cas lors de la guerre du Viêtnam. Il en résulte une forme de genre, avec diverses ramifications qui ne cessent de se multiplier : les films sur le 11 septembre, réalistes ou non ; les films sur la guerre d'Irak et d'Afghanistan, décrivant le conflit lui-même ou l'abordant de façon extérieure. On peut également évoquer les œuvres qui relèvent d'une certaine contamination : leur esthétique et leurs thèmes sont gangrénés de façon sous-jacente par notre histoire récente. Il s'agit, par exemple, des blockbusters catastrophes qui découlent des attentats. "Green Zone" de Paul Greengrass, qui est déjà l'auteur du très bon "Vol 93", fait partie des films de fiction qui attaquent frontalement l'administration Bush et ses diverses manipulations lors du conflit irakien. Un nouvel avatar d'une lignée de métrages passionnants, qui nous en apprend plus sur les interrogations que se pose une nation et sur ce qu'elle veut nous faire comprendre ou voir.

I - Les films abordant frontalement les attentats

Profondément touchés par le drame, certains cinéastes ont voulu transmettre rapidement leurs ressentis à travers leur art. Il s'agit notamment de Spike Lee avec son contemplatif "La 25ème Heure", où le trou béant créé par l'effondrement du World Trade Center se donne à contempler dans une ville peuplée par des personnages fantomatiques. Woody Allen, qui affectionne particulièrement New York, évoque la tragédie par le biais du personnage paranoïaque d'"Anything Else", comédie mineure de l'auteur, mais qui comprend quelques notes de noirceur propres à la période post-11 septembre.

L'international "11'09''01 - September 11" est un long-métrage collectif où des réalisateurs de diverses origines donnent un point de vue pertinent sur les faits.

Un peu plus proche dans le temps, "À cœur ouvert", avec Adam Sandler, parle du ressenti d'un Américain traumatisé par la perte de sa famille lors des attentats. "Le Terminal" de Steven Spielberg, avec son aéroport ultra-sécurisé et sa peur de l'Autre, exprime ce que tend à devenir un pays en état de guerre.

Oliver Stone, qui aime les sujets historiques et politiques, a également apporté sa pierre à l'édifice avec "World Trade Center" qui décrit le courage des policiers et pompiers américains lors de la chute des tours. "Vol 93" de Paul Greengrass, qui prend une forme docu-fiction, est l'une des œuvres les plus fortes sur le sujet, le cinéaste revenant sur la révolte des passagers du quatrième avion détourné le 11 septembre. Fondé sur les témoignages des familles des victimes, ce film est un véritable document historique qui développe des interrogations politiques essentielles.

II - Les films de genre métaphoriques

D'autres œuvres, apparemment neutres, sont bel et bien contaminées par les événements. Le "Spider-Man" de Sam Raimi montre la Grosse pomme assiégée par un Bouffon vert aérien et menaçant. Les drapeaux américains sont de sortie à la fin du film avec un message clair : grâce à leur héros, les New-yorkais et Américains ne se laisseront pas faire. "La Guerre des mondes" de Steven Spielberg métaphorise une attaque par des forces présentes depuis des lustres sur les terres des États-Unis. Elles se réveillent soudainement, prenant en traître un peuple qui les a laissé croître. Le spectre de Ben Laden, formé par la C.I.A., n'est pas loin. Le wonder-boy américain a également produit "L'Œil du mal" de D.J. Caruso, qui décrit, comme dans "Le Terminal", une nation ultra-sécuritaire, contrôlée par une machine toute puissante. Lors d'une séquence très symbolique, indiquant la part de responsabilité du pays de l'Oncle Sam, le réalisateur nous montre une bombe présente dans un instrument servant à jouer l'hymne américain.

Le symbolique "Le Village" de M. Night Shyamalan présente également une communauté repliée sur elle-même, ayant peur de ce qui se cache aux abords de son territoire. Le très bon "Cloverfield" de Matt Reeves est un cas particulier : il s'inspire directement des attentats par le biais du film de monstre. Tourné dans un style documentaire, caméra au poing, nous assistons à une attaque en direct de New York par une force mystérieuse, qui se dévoile peu à peu. Le visionnaire "Avatar" de James Cameron s'inscrit également dans cette veine de métrages métaphoriques : sa guerre d'occupation, qui se transforme en véritable bourbier pour l'armée, rappelle évidemment l'Irak et l'Afghanistan. Ce blockbuster a d'ailleurs été vivement critiqué par les Républicains. D'autres fictions s'inscrivent dans cette idée du film post-11 septembre type comme "Die Hard 4 - Retour en enfer", qui se déroule dans un monde anxiogène, apeuré par des forces terroristes incontrôlables.

De nombreuses productions hollywoodiennes des années 2000 ont une tonalité apocalyptique avec une vision noire de notre destinée. De "2012" à "Prédictions", en passant par "La Route" et "Je suis une légende", les blockbusters se veulent davantage pessimistes sur notre avenir, comme si, dans l'imaginaire américain, le monde semblait s'effondrer peu à peu depuis 2001. Si ce type de métrages est solidement ancré dans la tradition US, il tend à devenir la norme actuellement avec, à chaque fois, des visions provenant directement des images marquantes du 11 septembre. Ce phénomène est également lié à l'évolution de nos sociétés, qui s'inquiètent de nos dérives consuméristes. Cela donne naissance à de nouveaux genres comme le film commercial hypocritement environnemental. Nous pouvons citer "Le jour où la Terre s'arrêta", qui est aussi, malgré ses défauts, l'une des premières œuvres sur l'ère Obama, le sort de l'humanité reposant entre les mains d'un jeune métis. Mais, sans aucun doute, les attentats ont été l'élément déclencheur de cette vague de désenchantement.

III - Les films sur la guerre d'Irak et d'Afghanistan : la critique de l'administration Bush

Les guerres qui ont suivi les attentats sont un sujet essentiel du cinéma américain des années 2000. On trouve notamment des œuvres pamphlétaires, qui attaquent frontalement l'administration Bush et le nationalisme.

C'est bien sûr le controversé "Fahrenheit 9/11" de Michael Moore, qui est gangréné par de nombreuses contre-vérités. L'auteur, très manipulateur, arrive à faire passer l'Irak d'avant l'intervention US pour une terre semblable à Disneyland. Très discutable, voire malhonnête dans son procédé, mais le but de Moore était de ternir davantage la crédibilité de W. avant les élections.

Le récent "The Soldier's Tale" de Penny Allen, produit par Gus Van Sant, se montre très critique envers l'engagement militaire américain, qui peut virer à l'addiction et détruire psychologiquement des humains à qui l'on vend du patriotisme comme du savon.

L'addiction est d'ailleurs l'un des sujets de "Démineurs" de Kathryn Bigelow, film centré sur l'individu qui capte avec talent les ressentis des soldats sur le terrain.

On peut remarquer que certains métrages français se sont également attaqués à George W. Bush, comme l'excellent "Le monde selon Bush" de William Karel ou encore l'anecdotique "Being W." de Karl Zéro, qui utilise des méthodes semblables à celles du Texan : approximation ; supputation incertaine ; désinvolture face aux faits. Le biopic convenu "W., l'improbable président" d'Oliver Stone survole aussi les traits négatifs du président dans une série de clichés et de vérités maintes fois affirmées. Le cinéaste américain est décidément très fatigué. On attend une production davantage maîtrisée sur l'ultraconservateur pathétique, qui a déjà eu droit à de nombreuses œuvres décryptant sa personnalité.

Dans le genre fiction-documentaire, "Redacted" de Brian De Palma, qui est tiré de faits réels, s'intéresse à la folie de jeunes soldats, prêts à commettre des actes irréversibles et innommables, loin de la belle image patriotique défendue par l'Oncle Sam. Le drapeau américain est souillé avec force.

Des films d'action comme "Mensonges d’État" de Ridley Scott construisent des intrigues pertinentes sur le conflit irakien. D'autres, comme l'affligeant "Le Royaume", nous proposent une vision tristement occidentalo-centriste, en représentant des populations musulmanes souvent dangereuses et patibulaires. Un traitement de l'Autre très réducteur. Sur ce point, la série B "Trahison" de Jeffrey Nachmanoff est beaucoup plus nuancée grâce au personnage interprété par Don Cheadle, un musulman qui présente enfin un visage humain. Un fait assez rare pour être remarqué.

Lorsque l'on parle de guerre, c'est aussi les films sur le retour, comme "Dans la vallée d'Elah" de Paul Haggis, qui disserte sur la désertion et les failles qui brisent une Amérique s'interrogeant sur son patriotisme exacerbé. "Brothers" de Jim Sheridan nous montre un soldat incarcéré en Afghanistan, qui revient au pays profondément marqué et transformé par la torture. Lorsque l'on parle de torture, on ne peut que citer "The Road to Guantanamo" de Michael Winterbottom et Mat Whitecross, qui dénonce l'horreur de la célèbre prison.

D'autres métrages prennent un caractère plus politique comme le mitigé "Lions et Agneaux" de Robert Redford, qui traite de l'engagement d'individus de professions diverses dans la guerre contre le terrorisme. L'intéressant "Syriana", quant à lui, dénonce les liens pétroliers entre l'Amérique et les pays du Moyen-Orient, ce qui avait déjà été mis en exergue par Michael Moore. Le léger "Les Chèvres du Pentagone", une sorte de "M*A*S*H" aseptisé, se moque ouvertement de la gestion américaine d'un conflit. Enfin, "Green Zone" de Paul Greengrass, s'en prend violemment au fameux mensonge des armes de destruction massive. L'auteur, toujours aussi intéressé par les thématiques politiques, livre une œuvre qui analyse cet épisode avec un certain recul.

Signe du temps, même des blockbusters aussi fun que le très bon "Iron Man" ou que le faiblard "G.I. Joe" prennent comme toile de fond les territoires attaqués par les États-Unis et la lutte contre le terrorisme. Nous sommes passés peu à peu d'une certaine retenue dans le traitement des faits, à une accumulation d'images, parfois abrutissantes.

Une grande partie des films traitant des conflits irakien et afghan que nous avons évoqués, ont eu pour principal dessin de critiquer l'administration Bush. Les cinéastes américains, souvent Démocrates, ont réalisé des tracts cinématographiques virulents afin d'empêcher les réélections des Républicains (on pense surtout à "Fahrenheit 9/11") Les films anti-W. se sont alors multipliés dans l'urgence avant chacune des présidentielles, ce qui peut parfois expliquer leur caractère imparfait.

Si dans l'ère obamienne, les œuvres parlant des conflits continuent à être produites, elles ont un aspect plus posé, le pathétique texan n'ayant pas été reconduit. Il s'agit plutôt de films constat, analysant avec recul une période noire pour les États-Unis. Mais il est certain qu'au premier faux-pas du nouveau président, les réalisateurs n'hésiteront pas à le critiquer sévèrement. Sa gestion de l'Afghanistan étant particulièrement en ligne de mire.