◊ Le cinéma américan des années 90 selon la revue Cadrage : cliquer ici.
Petit rappel à propos des années 70 et 80
Aux États-Unis, les années 1970 ont été une période de profonde remise en cause des institutions. L'affaire du Watergate a jeté un discrédit radical sur la classe politique, et la révolte de la jeunesse est venue alimenter et amplifier la contestation sociale des minorités ethniques, sexuelles, etc. Hollywood reflète alors un sentiment de méfiance à l'égard des structures étatiques : c'est la grande époque des films "paranoïaques", de "Complot à Dallas" aux "Hommes du Président", en passant par "Conversation secrète" et "Les Trois Jours du Condor". Les forces de l'ordre y sont représentées comme corrompues ; les politiciens complotent avec les consortiums industriels pour assurer leur profit individuel contre l'intérêt des citoyens ; les journalistes cherchant à dévoiler les corruptions sont menacés.
Cette remise en cause du système, initialement marquée "à gauche", va paradoxalement accompagner, dans les années 1980, la montée en puissance du discours ultra-conservateur du président américain Ronald Reagan : le leader du parti républicain va en effet exploiter le sentiment de méfiance paranoïaque de la population américaine. Il en appellera à une critique du Big Government et du Big Business, au nom d'une Amérique bafouée qui devrait reprendre ses droits.
Sur les écrans, apparaît alors une race de surhommes. Seuls contre un monde corrompu, ils ont pour mission de rétablir l'ordre, redoublant d'une certaine manière l'image que Reagan cherchait à se donner dans l'arène politique. C'est l'époque de "Rambo" ou de "RoboCop", films dans lesquels le héros est incarné par un citoyen américain désabusé par les institutions et devant combattre un représentant corrompu.
Les années 90
Dans les années 1990, en revanche, les États-Unis semblent ragaillardis par le retour de la prospérité économique et leur victoire écrasante pendant la guerre du Golfe.
Le sentiment d'unité nationale rétabli, l'ennemi, au cinéma, n'est plus interne au système, mais extérieur à lui : il s'agit par exemple des extra-terrestres d'"Independence Day".
Ce n'est pas un héros isolé et persécuté, comme dans les années 1970 et 1980, qui se confronte à l'ennemi, mais bien l'ensemble de la nation.
On voit à l'écran des hommes et des femmes de toutes origines ethniques (WASP, blacks, latinos, etc.) et sociales (pauvres, riches, civils, militaires, hommes politiques) œuvrer collectivement - et même parfois se sacrifier - pour la grandeur et l'indépendance de leur pays.
Le paradoxe est que l'idéologie "humaniste" que peut véhiculer la solidarité entre les divers groupes culturels est ici le lieu d'expression d'un discours belliciste. Si l'Amérique doit s'unir, dans "Independence Day", c'est pour anéantir un peuple étranger ("alien"), maléfique et menaçant la nation. Tous les films d'actions de la période ne sont pas aussi catégoriques, mais bon nombre véhiculent l'image d'une nation parfaitement soudée face à l'adversité, voire idéalisée, comme dans "True Lies" ou "Le Pacificateur".
La toute fin des années 90, cependant, semble déjà annoncer le nouveau tournant que va marquer le début des années 2000 suite à une nouvelle division du pays autour de la première élection très contestée de George W. Bush, et suite également à la seconde intervention américaine dans le Golfe.
Dès lors, les blockbusters vont refléter dans leur majorité cette inquiétude : ce sera le grand retour du cinéma paranoïaque. Et déjà, donc, des films comme "Fight Club" et "Matrix", avant "Minority Report", "X-men 2" ou même "La Revanche des Sith", donnent l'image d'un système politique vénal, perverti par la soif du pouvoir.