Premier film de PT Anderson et coup de maître
titre original | "Hard Eight" aka "Sydney" |
année de production | 1996 |
réalisation | Paul Thomas Anderson |
scénario | Paul Thomas Anderson |
photographie | Robert Elswit |
interprétation | Philip Baker Hall, John C. Reilly, Gwyneth Paltrow, Samuel L. Jackson, Philip Seymour Hoffman |
La critique de Didier Koch pour Plans Américains
Si Paul Thomas Anderson a connu la popularité à partir de "Boogie Nights" en 1997, et encore plus avec son film choral "Magnolia" en 1999, l’affirmation de son style froid et distancié qui constitue sa marque de fabrique depuis "Punch-Drunk Love" remonte certainement à "Double mise", son premier métrage.
Inspiré de son court "Cigarettes & Coffee" (1993), le film offre une variation assez curieuse du genre noir bâtie à partir de la volonté de rédemption d’un homme rongé par le remords. L’univers du jeu, qui sert de toile de fond à une intrigue qui se permet quelques écarts temporels assez déroutants, est au final un peu laissé de côté par Anderson, qui se concentre sur la relation duale qui s’installe entre John (John C. Reilly : "Chicago"), le jeune paumé qui cherche de l’argent pour enterrer sa mère (!), et Sydney (Philip Baker Hall : "Secret Honor", "Magnolia"), le rat de casino, relation devenue triangulaire après l’arrivée de Clémentine (Gwyneth Paltrow), la jeune serveuse, prostituée occasionnelle.
L’exposition des personnages tristement monocorde emmène le film sur un faux rythme assez étrange mais aussi un peu vain, tant on se demande de quoi est fait le quotidien des deux hommes dont on apprend par un simple panneau incrusté qu’ils viennent de passer deux ans ensemble après que Sydney ait montré à John les moyens de survivre dans l’univers des casinos. Cette construction scénaristique quelque peu artificielle et ampoulée se déride avec un twist final où Anderson emballe enfin machine, mais là encore, le retournement de situation semble surfait et peu crédible.
On peut dès lors déceler le soupçon de prétention qu’une part de la critique a rapidement relevé chez PTA qui, à ses yeux, peinerait à donner une substance réelle à ses personnages au sein d'intrigues pas toujours lisibles. Déroutant plus que réellement fascinant, "Double mise" laisse, après sa vision, l’étrange sensation de ne pas bien savoir à quelle sauce le réalisateur a voulu nous manger.
On sait que PTA, dont le montage initial durait 2h30 (le film dure en réalité 1h41), a été en conflit avec ses producteurs, qui avaient sans doute détecté la tendance de l’auteur à enrouler sans fin ses scénarios autour d’un thème lancinant. Tendance bien visible et dommageable dans les réalisations les moins convaincantes de PTA ("Punch-Drunk Love", "Inherent Vice"). Le scénario de "Double mise" laissait bien d’autres possibilités à Anderson, s’il avait daigné se rapprocher davantage de ses personnages qu’il semble regarder derrière un miroir sans tain.
Il faut tout de même modérer le propos en rappelant qu'il s'agit d'une première réalisation qui laisse entrevoir un réel point de vue.
Les films de Paul Thomas Anderson © Faboolis
Les sons de Paul Thomas Anderson © Little White Lies