Le dernier film de Sidney Lumet
titre original | "Before the Devil Knows You're Dead" |
année de production | 2007 |
réalisation | Sidney Lumet |
photographie | Ron Fortunato |
musique | Carter Burwell |
interprétation | Philip Seymour Hoffman, Ethan Hawke, Albert Finney, Marisa Tomei, Rosemary Harris |
Le titre du film
"7h58 ce samedi-là", c'est l'heure et le jour où tout va basculer dans la vie des deux frères interprétés par Philip Seymour Hoffman et Ethan Hawke.
Le titre original, lui, est tiré de l'expression irlandaise utilisée pour porter un toast : « may you be in heaven half an hour… before the devil knows you're dead ».
Critique extraite du Guide des films de Jean Tulard
"Puisses-tu atteindre le paradis une demi-heure avant que le diable n'apprenne ta mort", telle est la morale de ce thriller signé par un Lumet en bonne forme.
La critique d'Antoine
L'histoire de deux frères qui imaginent un casse pour régler les problèmes de fric qui leur pourrissent la vie. Évidemment, rien ne va se passer comme prévu dans ce plan d'apparence archi simple. Ils vont tomber dans un puits sans fond.
Superbe tragédie shakespearienne, noire de noire de noire (attention, ça rigole pas une seconde) qui rappelle un peu une autre tragédie new-yorkaise, "La 25ème heure". Dans les deux films, on retrouve Philip Seymour Hoffman, immense, notamment dans une scène.
Le vieux Lumet fait preuve ici d'une remarquable modernité dans la conduite du récit en éclatant la chronologie et en racontant l'histoire du point de vue des protagonistes. C'est un peu l'école "Pulp Fiction", mais l'histoire s'y prête tout à fait. La mise en scène est très Lumet, sobre mais élégante, sans esbroufe sinon les transitions entre les "chapitres", très marquées, pas forcément ce qu'il y a de plus réussi d'ailleurs. Ce qu'il y a de plus réussi, comme souvent chez Lumet, c'est la direction d'acteurs. Ils sont tous géniaux. Seymour Hoffman, c'est pas vraiment une surprise, Albert Finney non plus, mais Ethan Hawke, bon casting pour le rôle du p'tit frère qui n'arrive pas à régler ses problèmes "comme un grand", trouve ici son meilleur rôle depuis "Bienvenue à Gattaca".
Un grand film.
La critique de Didier Koch pour Plans Américains
Au crépuscule de sa carrière, Lumet a derrière lui une longue et très riche filmographie émaillée de quelques chefs-d’œuvre comme "Le Verdict", "Un après-midi de chien", "Contre-enquête" ou "Le Prêteur sur gages" (1964). À 83 ans, on pensait qu’il avait bien le droit de se reposer comme le font la plupart de ses collègues de la même génération (Penn, Pollack…). Eh bien non ! Le bougre a choisi de revenir en force avec ce thriller familial de la plus haute tenue. Et pour bien nous montrer qu’il n’a rien perdu de son savoir faire, il emprunte à la nouvelle génération des Iñárritu le mode de narration déstructuré qui fait fureur dans les festivals du monde entier depuis les années 2000 ("Amours chiennes", "Babel").
Aidé par un casting de haut vol, il nous emmène dans une histoire a priori simple qui finit par tourner au cauchemar et plonger ses protagonistes dans des situations inextricables où le suicide peut paraître la solution la plus douce. Il faut dire que l’idée de départ est pour le moins tordue. Deux fils décident de cambrioler la bijouterie familiale, sûrs qu’ils sont que le casse se fera en douceur et que leurs parents toucheront la police d’assurance. Manque de chance, la mère est présente le jour J, et elle se rebiffe, tuant au passage le petit malfrat embauché pour l’occasion par Ethan Hawke trop émotif. Ayant pris une balle dans la poitrine, elle est touchée à mort.
À partir de là, tout s’effondre et les flashbacks nous montrent comment chacun en est venu à avoir ou à accepter cette idée saugrenue. Albert Finney, qui joue le père, découvre avec horreur la vérité et l’abîme dans lequel sont plongés ses deux fils, en particulier l’aîné avec lequel il a toujours eu des problèmes de communication. Tout ça finit dans le drame le plus absolu et le meurtre d'un Philip Seymour Hoffman grandiose par son père, qui décide de mettre fin à la cavale meurtrière de sa progéniture.
Au passage, Lumet égratigne le modèle de l’American way of life, qui peut parfois pousser les plus fragiles aux moyens les plus expéditifs pour rester dans la course.
Du grand art.