« You are the law »
titre original | "The Verdict" |
année de production | 1982 |
réalisation | Sidney Lumet |
scénario | David Mamet, d'après le roman de Barry Reed |
photographie | Andrzej Bartkowiak |
musique | Johnny Mandel |
production | Richard D. Zanuck et David Brown |
interprétation | Paul Newman, Charlotte Rampling, Jack Warden, James Mason, Lindsay Crouse, Milo O'Shea, Edward Binns, Tobin Bell (non crédité), Bruce Willis (non crédité) |
Critique extraite du Guide des films de Jean Tulard
Du cinéma en béton, à l'armature métallique signée Mamet, à la dynamique irrésistible. On ne peut que suivre son héros, avocat déchu (Newman, prodigieux dans le registre de la détermination angoissée), dans sa double quête du rétablissement de la justice et de l'auto-réhabilitation. On ne peut que hurler avec Sidney Lumet son horreur des groupes de pression qui placent l'intérêt avant l'équité (ici, l’Église catholique, un puissant cabinet d'avocats, la pression d'une partie de la magistrature). On ne peut qu'admirer la photographie de Bartkowiak qui exprime par ses jeux d'ombres et de lumière l'antagonisme des forces en présence. On ne peut que...
La critique de Didier Koch pour Plans Américains
Paul Newman et Sidney Lumet auraient pu se rencontrer bien avant cette collaboration tardive. Lumet avait travaillé en 1960 avec Marlon Brando pour une adaptation de Tennessee Williams ("L'Homme à la peau de serpent") et Newman, lui aussi issu de l'Actors Studio, était accoutumé aux adaptations théâtrales dont Lumet était devenu le spécialiste depuis le succès de "Douze hommes en colère". Mais la rencontre ne s'est pas faite avant cette année 1982 où Lumet se voit confier un scénario original rédigé par David Mamet, qui sera d’abord rejeté pour permettre à Robert Redford de tenir le rôle de l'avocat, avant que Lumet n'en revienne à Mamet une fois Newman entré dans la danse.
Paul Newman est alors définitivement dans l'âge mur, et les rôles de beau gosse ne sont plus pour lui. Il lui aura fallu un long apprentissage et une forte détermination pour tout d'abord se débarrasser du maniérisme appris chez Lee Strasberg (directeur de l'Actors Studio), puis se sortir des rôles de playboy imposés par son physique de dieu grec. En 1982, à 56 ans, il est au sommet de son art, ayant donné le meilleur de lui-même depuis une quinzaine d'années. Paradoxalement, il ne tournera plus beaucoup durant les 26 ans qu'il lui reste à vivre (9 films). Peut-être a-t-il senti qu’était venu pour lui le moment de livrer, avec un réalisateur lui aussi au sommet, une de ses meilleures prestations. Peut-être aussi sentait-il intuitivement que d'autres occasions ne lui seraient plus données, les réalisateurs du Nouvel Hollywood faisant désormais la part belle aux De Niro, Pacino ou Hoffman.
C'est donc fort de tous ces enjeux qu'il s'abandonne à la caméra de Lumet, qui lui offre ce rôle d'avocat revenu de tout, alcoolique honteux qui reste figé dans le passé après un brillant début de carrière brisé par une sombre affaire de corruption. Newman, qui traîne avec lui la douleur de la perte d'un fils (Scott, mort en 1978 d'une overdose), n'a sans doute pas eu beaucoup de difficulté pour exprimer la souffrance indicible de cet homme au bord de l'abîme. Les premières images du film presque muettes sont remarquables pour présenter ce vieux beau, qui traîne son désarroi dans les pubs de Boston à jouer au flipper tout en sirotant son gin avant d'aller vendre ses services frelatés dans les salles funéraires dont il se fait régulièrement expulser manu militari.
Mais il est dit que tout homme peut un jour rebondir s'il s'en donne les moyens et que la chance veut bien frapper à sa porte. Celle-ci se présente avec une affaire médicale opposant un riche hôpital de la ville dirigé par une institution religieuse à la famille d'une jeune femme plongée dans le coma depuis quatre ans. C'est devant le lit de la malade que Frank Galvin (Paul Newman) va avoir la révélation que sa vie peut à nouveau avoir un sens s'il consent à se mettre au service d'une noble cause, en redonnant sa dignité à cette jeune femme que la société a abandonnée sur un lit d'hôpital. C'est un Newman magistral qui, en vingt minutes, a donné vie à cet homme avec une économie de moyens marque de sa longue expérience.
Lumet doit désormais parachever le travail en faisant monter crescendo, comme il sait si bien le faire, le suspense judiciaire. Rien ne manque des rebondissements nécessaires pour captiver le spectateur, et Lumet, qui pianote en virtuose sur la partition que lui a écrit David Mamet, sort de son chapeau les premiers violons que sont les James Mason, Jack Warden, Milo O'Shea ou Ed Binns, dont il a déjà dirigé certains, notamment dans "Douze hommes en colère" (Jack Warden et Ed Binns). Tout ce gratin des seconds rôles hollywoodiens accompagne un Newman en apesanteur qui donne le la. Pour parachever le tout et donner une touche sulfureuse à un film qui diffuse déjà une odeur de tubéreuse entêtante, Lumet fait entrer en jeu Charlotte Rampling qui apporte la touche définitive de classe sulfureuse à ce joyau de film judiciaire.
Les critiques ne s'y sont pas trompés nommant le film cinq fois aux Oscars, sans toutefois qu'il ne remporte aucune statuette. Pour ce qui est de Paul Newman, il devra s'effacer devant Ben Kingsley récompensé pour son rôle "Gandhi". Certainement repentante, l'Académie récompensera l'acteur quatre ans plus tard pour sa performance dans "La Couleur de l'argent" de Martin Scorsese, réalisateur plus dans l'air du temps.
Que tous ceux qui ont la chance de ne pas avoir encore vu "Le Verdict" se précipitent sur le magnifique Blu-ray édité avec des bonus originaux sur la genèse du film.