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"The Irishman"

The Irishman - affiche

titre original "The Irishman"
année de production 2019
réalisation Martin Scorsese
scénario Steven Zaillian
photographie Rodrigo Prieto
musique Robbie Robertson
montage Thelma Schoonmaker
interprétation Robert De Niro, Al Pacino, Joe Pesci, Harvey Keitel, Anna Paquin

La critique de Sébastien Miguel pour Plans Américains

Élégie funèbre. Des stars légendaires s’agitent aux portes de la mort. Le temps vieillit et décompose.

Dans cette production miraculée, Scorsese se répète (de nombreuses scènes se trouvaient déjà dans "Les Affranchis" et "Casino"), et l'aspect pataud de De Niro (qui a tout de même de grands moments...) nous rappelle qu'il n'a plus du tout l'âge pour un tel rôle.

La photo est nette, parfaitement standard, et le film est lent, sans flamboyance. L'essentiel de la rhétorique scorsesienne ne se résume ici qu'à des champs-contre champs classieux.

Le cinéaste canonisé s'inspire évidemment du "Parrain, 2ème partie" et d'"Il était une fois en Amérique".

Mais l'intérêt est certainement ailleurs.

Dans cette reconstitution sans frénésie de l'Amérique des années 60 et 70 (ses traumas, ses tragédies nationales...), le cinéaste met en scène le passage inexorable du temps et disserte sur l'aspect éphémère des existences humaines.

Pacino, histrion déclinant, est superbe, Harvey Keitel (trois scènes), impressionnant, mais c'est finalement Joe Pesci (qui refusa longtemps de sortir de sa retraite avant finalement d'accepter) qui marque le plus la mémoire. Marmoréen, froid et sans pitié, il y trouve le rôle de sa vie.*

* Ce contre-emploi n'en est pourtant pas un, puisque l'acteur incarnait déjà dans "Il était une fois en Amérique" et dans "Il était une fois dans le Bronx" un rôle tout à fait similaire.

La critique de Didier Koch pour Plans Américains

Cinquante-deux ans après ses débuts comme réalisateur avec "Who's That Knocking at My Door" (1967), Martin Scorsese réalise, avec "The Irishman", son 25e long métrage, dans lequel il peut lui aussi réunir Robert De Niro et Al Pacino, performance que seuls avant lui avaient réussi Francis Ford Coppola dans "Le Parrain 2" (1974) (les deux acteurs n’avaient aucune scène commune), Michael Mann dans "Heat" (1995) et Jon Avnet dans l’anecdotique "La Loi et l’Ordre" (2008).

Le projet est dans les cartons depuis 2007 après que De Niro ait lu le livre de Charles Brandt "I heard you paint houses" paru en 2004, relatant le parcours de Frank Sheeran, syndicaliste au profil mafieux qui à la fin de sa vie (2003) avoua avoir assassiné Jimmy Hoffa dont la mort en 1975 était restée jusque-là inexpliquée. Cette nouvelle version n’a pas forcément convaincu. Après quelques atermoiements de production, c’est Netflix qui emporte la mise, imposant une diffusion en salle restreinte, réservée au Canada, aux États-Unis et au Royaume-Uni.

Robert De Niro incarne Frank Sheeran, et c’est Al Pacino qui rejoint le projet pour le rôle de Jimmy Hoffa, l’intraitable patron du syndicat des chauffeurs routiers dont il se disait qu’il était aussi puissant que le président des États-Unis. Joe Pesci, quant à lui en quasi-retraite, revient pour la quatrième fois derrière la caméra de Scorsese pour y interpréter Russell Bufalino, mafieux italien qui mettra Frank Sheeran, devenu son homme de main, au service de Jimmy Hoffa.

Sur 3h30, le réalisateur de tant de grands films décrivant les milieux mafieux, retrace avec brio l’époque de la Guerre Froide, notamment celle de la présidence Kennedy marquée par les liens étroits qu’avait noué Joseph Kennedy avec la mafia pour faire accéder son fils John au poste suprême et qui auront une influence majeure sur les dix années qui vont suivre. À la suite de l’assassinat du président à Dallas le 22 novembre 1963, Robert Kennedy, Jimmy Hoffa, Russel Bufalino, Santo Trafficante Junior et Sam Giancana se sont opposés dans une lutte de pouvoir dont les conséquences intérieures et extérieures ont failli être catastrophiques pour la plus grande démocratie du monde qui, à cette époque, en avait renié une grande partie des principes.

À l’aide d’un flash-back retraçant d’un côté, l’ascension dans les années 1950 de Frank Sheeran, ancien vétéran de la Seconde Guerre mondiale au sein de la mafia, et de l’autre, la chute programmée de Jimmy Hoffa au mitan des années 1970, le spectateur peut suivre, grâce à l’architecture brillante du scénario de Steven Zaillian, à la dextérité retrouvée de Martin Scorsese depuis "Le Loup de Wall Street" (2013), mais aussi et surtout grâce à l’émotion que fait passer le trio vedette, un formidable suspense, qui tente de lever une part du mystère de cette période trouble à laquelle de nombreux réalisateurs se sont frottés, comme Francis Ford Coppola ("Conversation secrète" en 1974) Brian de Palma ("Blow Out" en 1981), Oliver Stone ("JFK" en 1991) ou encore Danny DeVito ("Hoffa" en 1992).

Les quelques craintes initiales suscitées par la découverte des trois acteurs rajeunis numériquement de manière un peu robotique et désincarnée est vite surmontée grâce aux nombreuses qualités que recèle ce film, qui offre à Al Pacino et Robert De Niro, devenus bientôt octogénaires, les scènes que l’on aurait aimées les voir jouer bien plus tôt. Mais on ne refait pas l’histoire, même celle du cinéma. Néanmoins, les deux géants et leur complice montrent que, les concernant, la valeur peut aussi perdurer avec les années.

Références au cinéma américain

"The Three Faces of Eve" (titre français : "Les Trois Visages d'Eve") de Nunnally Johnson, 1957
"Party Girl" (titre français : "Traquenard") de Nicholas Ray, 1958
"The Shootist" (titre français : "Le Dernier des géants") de Don Siegel, 1976
The Irishman - Tony Stella
Affiche alternative de "The Irishman" © Tony Stella
Affiche alternative de "The Irishman" © Matt Needle
The Irishman - The Criterion Collection
Blu-ray et DVD The Criterion Collection de "The Irishman"
The Irishman - La Septième Obsession
Couverture du numéro de novembre-décembre 2019 du magazine La Septième Obsession
The Irishman - Sight & Sound
Couverture du numéro de novembre 2019 du magazine Sight & Sound
Couverture du numéro d'octobre 2019 du magazine Empire
Photographie : Brigitte Lacombe