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"No Country for Old Men - Non, ce pays n'est pas pour le vieil homme"

« You don't have to do this. – People always say the same thing. »

No Country for Old Men - affiche

titre original "No Country for Old Men"
année de production 2007
réalisation Joel Coen et Ethan Coen
scénario Joel Coen et Ethan Coen, d'après le roman homonyme de Cormac McCarthy
photographie Roger Deakins
musique Carter Burwell
interprétation Josh Brolin, Javier Bardem, Tommy Lee Jones, Woody Harrelson, Kelly Macdonald
 
récompenses • Oscar du meilleur film
• Oscar du meilleur réalisateur
• Oscar du meilleur scénario adapté
• Oscar du meilleur acteur dans un second rôle pour Javier Bardem

Critique extraite du Guide des films de Jean Tulard

Retour des frères Coen au film noir avec cette adaptation d'un roman de Cormac McCarthy. Violences et humour sont au rendez-vous. Superbe composition de Javier Bardem en tueur fou.

La critique de Didier Koch pour Plans Américains

Après une parenthèse fantaisiste roborative de trois films ("O’ Brother" en 2000, "Intolérable cruauté" en 2003 et "Ladykillers" en 2004) de moins en moins convaincants, le retour des frères Coen à un registre où leur sens de la dérision et leur humour sarcastique s’insèrent dans une narration davantage inspirée par le genre noir, était attendu par les fans de la première heure qui vouent un culte à "Sang pour sang" ou à "Miller’s Crossing". "No Country for Old Men" marque un net progrès de ce point de vue, même s'il n’atteint pas le niveau de folie de "The Big Lebowski" ou la noirceur de "Sang pour sang" et de "The Barber".

Après la comédie loufoque et le road movie déjanté, Ethan et Joel proposent donc un polar à résonance psychologique. On suit trois personnages principaux : Llwelyn Moss (Josh Broslin), un pauvre type qui, mettant la main sur un magot tombé du ciel, tente de le conserver face à un tueur implacable (Javier Bardem) dont on ne comprend à aucun moment les motivations, si ce n’est un hypothétique code de conduite qui lui est propre et dont il n’admet à aucun moment la remise en cause. Tel une créature sortie de l’enfer, il semble s’être attribué le droit de jouer avec la vie d’autrui à sa guise. Ainsi, à plusieurs reprises, il proposera à des quidams qui auront eu le malheur de se trouver sur sa route de jouer avec lui leur vie à pile ou face. Un psychopathe comme seuls les frères Coen peuvent en concocter un. Enfin, le flic (Tommy Lee Jones) blanchi sous le harnais qui, arrivé à la fin de son parcours, ne sait plus très bien où il habite et semble dépassé par les méthodes actuelles des brigands. Il essaiera en vain de sauver le pauvre hère, dont il a compris très vite qu’il s'était embarqué dans une affaire trop grosse pour lui. Après avoir échoué, il ne lui restera plus qu’à raccrocher les gants.

Les trois personnages semblent enfermés dans leurs schémas mentaux respectifs et incapables de communiquer d’une quelconque manière. Cette vision du monde fait froid dans le dos et se révèle être un constat désabusé sur l'avenir de l’humanité, ce qui n’étonnera guère qui connait bien le cinéma des deux frères. Chacun agit selon ses propres valeurs et impulsions, que rien ne peut entraver en dehors de circonstances matérielles accidentelles. Le cinéma des frères Coen n’a jamais été empreint d’un optimisme béat, mais ici, on touche le fond de la désespérance humaine. Que nous restera-t-il quand les hommes n’auront plus rien à se dire ? Telle est la question lancinante posée par le film qui, quinze ans plus tard, semble prendre toute sa signification de ce côté de l’océan Atlantique.

La fin du film renforce encore le sentiment de malaise qui étreint le spectateur scotché par ce déferlement de violence gratuite. L’action s’étiole peu à peu pour se conclure dans une sorte de déliquescence, un peu à la manière du personnage d’Aguirre (Klaus Kinski) terminant après un massacre, son rêve fou d’Eldorado en Amazonie, sur un radeau abandonné avec pour seuls compagnons des petits singes affolés dans le dantesque "Aguirre la colère de dieu" (1972) de Werner Herzog. Sur certains aspects, le film rappelle "Sang pour sang", notamment dans le traitement de l’intrigue et dans les comportements paranoïaques des protagonistes face à l’adversité. Notamment dans la scène où Josh Brolin tente de cacher le magot dans une bouche d’aération pour le récupérer dans une autre chambre.

Le film remarquablement interprété est surtout marqué par la présence hypnotique de Javier Bardem en tueur cauchemardesque. Tout droit sorti de l’enfer avec son pistolet à oxygène, il semble ne pouvoir jamais s’arrêter de tuer. Josh Brolin est quant à lui parfait en pauvre looser entêté, qui entend affronter seul une cohorte de tueurs bien décidés à récupérer la valise de billets qu’il a ramassée par hasard après une partie de chasse infructueuse.

Le film, qui a été un succès commercial indéniable, a bénéficié d’une critique dithyrambique et d’une pluie de récompenses, qui ne le classe tout de même pas au sommet de la filmographie des Coen où il est précédé par "The Big Lebowski", "Miller’s Crossing", "Fargo", "Sang pour sang" et "Barton Fink". Mais désormais, Joel et Ethan bénéficient d’un tel crédit aussi bien populaire que critique que tout ce qu’ils touchent se transforme en argent, quand ce n’est pas en or.

© Ken Taylor
Hommage à "No Country for Old Men" : Kelly Macdonald et Javier Bardem © Finlay Mackay

Deepfake © Ctrl Shift Face

Le deepfake, ou hypertrucage, est une technique de synthèse d'images basée sur l'intelligence artificielle. Elle sert à superposer des fichiers audio et vidéo existants sur d'autres vidéos (par exemple : le changement de visage et de voix d'une personne). Le terme est un mot-valise formé à partir de deep learning (« apprentissage profond ») et de fake (« faux »).
Ici, pour "No Country for Old Men", le visage de Javier Bardem a été remplacé tour à tour par ceux de Willem Dafoe, Leonardo DiCaprio et Arnold Schwarzenegger, dont les voix sont en réalité celles d'imitateurs qui rejouent les dialogues de la scène.

No Country for Old Men - Il faut sauver le soldat Ryan
Doppelgänger : "No Country for Old Men" vs "Il faut sauver le soldat Ryan"
No Country for Old Men - Cahiers du cinéma
Couverture du numéro de janvier 2008 des Cahiers du Cinéma
Couverture du numéro de septembre 2019 du magazine Empire
No Country for Old Men No Country for Old Men No Country for Old Men

No Country for Old Men - générique