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"L'Année du dragon"

année du dragon - affiche

titre original "Year of the Dragon"
année de production 1985
réalisation Michael Cimino
scénario Oliver Stone et Michael Cimino, d'après le roman de Robert Daley
photographie Alex Thomson
musique David Mansfield
production Dino De Laurentiis
interprétation Mickey Rourke, John Lone

Critique extraite du Guide des films de Jean Tulard

Cimino a tellement de talent qu'il réussit à rendre Mickey Rourke supportable. Grand film, rituel et baroque. On n'oubliera pas la scène de la tête coupée, exhibée dans une discussion (faible mot) entre trafiquants de drogue. Une restriction : le happy end n'est pas dans la logique du film. Et de la vie non plus.

La critique de Didier Koch pour Plans Américains

En seulement six ans et trois films, Michael Cimino aura tutoyé les sommets et sombré dans les tréfonds d'Hollywood.  Après des débuts prometteurs grâce au "Canardeur" sous l'égide de Clint Eastwood comme producteur et acteur, qui avait repéré le jeune scénariste sur "Magnum Force", Cimino se lance, avec "Voyage au bout de l'enfer", dans le récit biographique de trois ouvriers métallurgistes partis faire la guerre du Vietnam qui, comme beaucoup d'appelés, connaîtront un retour au pays encombré des traumatismes subis dans le fin fond de la jungle. Le pari était risqué, le sujet étant encore tabou à l'époque. C'est le jackpot, le film, multi-récompensé dans les festivals, est nommé neuf fois aux Oscars et récolte cinq statuettes, dont celles du meilleur film et du meilleur réalisateur. Voilà Cimino devenu l'égal des Friedkin, Coppola, Scorcese, Ashby ou De Palma, qui ont tous un background supérieur au sien.

Dans la foulée, celui qui est devenu le chouchou d'Hollywood embarque United Artists dans la réalisation d'une immense fresque relatant de manière romancée l'épisode de la "guerre du comté de Johnson", conflit terrien empreint des relents racistes qui accompagnèrent la privatisation des grands espaces de l'Ouest américain. Trop ambitieux et sans doute pas assez immédiatement évocateur des enjeux qu'il entend exposer, le film sera un flop. Les montages successifs ne parvinrent pas à changer la donne, et la United Artists fut emportée par le fond. Dès lors, Cimino, qui avait entre temps acquis la réputation de réalisateur incontrôlable et mégalomane, dut en rabattre sous peine de passer rapidement au statut de paria. Autant dire que les enjeux sont très forts pour lui quand il se voit proposer "L'année du dragon" par Dino De Laurentiis, l'adaptation du roman éponyme de Robert Daley.

Faisant appel à Mickey Rourke, l'acteur qui monte et qu'il avait déjà dirigé pour un rôle très court dans "La porte du paradis", il se montre plus prudent en choisissant d'évoquer certaines des thématiques qui lui tiennent à cœur via le véhicule plus rassurant, et surtout plus vendeur, du film de genre. Ce qui connaissent bien l'œuvre de Francis Ford Coppola retrouveront, dans "L'année du dragon", comme dans "Voyage au bout de l'enfer" et "La porte du paradis", des emprunts à la démarche opératique du réalisateur italo-américain et plus particulièrement au "Parrain", dont Cimino reproduit la stylisation de la violence, en l'électrisant, de la fameuse scène du deuxième volet de la saga où Don Corleone (De Niro) exécute son premier contrat en suivant la longue procession d'une fête de voisinage dans les rues de New York.

Le capitaine Stanley White (Mickey Rourke), vétéran du Vietnam, est devenu un flic respecté ayant remis de l'ordre dans plusieurs quartiers au prix de méthodes parfois expéditives, signes d'un trauma encore présent et d'une volonté de trouver enfin un sens à une guerre ayant conduit à l'enlisement et dont les motivations ne sont jamais apparues très claires. Sa mutation à Chinatown ne pouvait qu'accroître la sensation pour White d'être à nouveau sur le terrain de la même guerre à la recherche, cette fois, d'un ennemi bien visible, un jeune mafieux ambitieux, Joey Tai (John Lone, très convaincant), qui s'est choisi un parcours à la Richard III pour atteindre les sommets de la triade familiale. C'est donc une lutte à mort qui s'engage, White ne reculant devant aucun dommage collatéral.

On peut compter sur Oliver Stone, scénariste aux côtés de Cimino et lui aussi ancien du Vietnam, pour faire de "L'année du dragon" un ballet sanglant, où les scènes choc s'entremêlent avec les moments introspectifs où White constate, dépité, les ravages de sa fuite en avant. C'est d'ailleurs un peu la faiblesse du film que de présenter un homme aussi bicéphale, capable de s'apitoyer sur le sort réservé par les États-Unis aux ouvriers chinois ayant construit le chemin de fer traversant le continent et, dans l'heure suivante, d'envoyer comme indicateur son jeune collègue descendant de ces mêmes ouvriers se faire massacrer dans la gueule de loup. Idem pour l'incohérence qui laisserait penser que la hiérarchie de White est à ce point laxiste face à un capitaine ayant visiblement perdu le sens de la mesure.

Le final, enfin, est tout à fait dans le style racoleur de Stone qui, juste après l'enterrement pathétique de la femme de White, victime du manque de discernement de ce dernier, nous le présente ragaillardi et peut-être même assagi dans les bras de la jolie journaliste (Ariane Koizumi), autre victime de sa quête purificatrice. Toutes ces faiblesses scénaristiques ajoutées à un manichéisme simplificateur ont valu au film d'être taxé d'un racisme primaire émanant de deux vétérans du Vietnam réglant leurs comptes par pellicule interposée.

Reste un exercice de style flamboyant à prendre au second degré, où Mickey Rourke et John Lone se renvoient la balle avec maestria.

Présentation de "L'Année du dragon" par Jean-Baptiste Thoret au Centre des arts d'Enghien-les-Bains
dans le cadre du cycle "Autour de John Ford" en 2015-2016

Bande-annonce modernisée de "L'Année du dragon" © Dan McBride

année du dragon - générique

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La critique de Bertrand Mathieux