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"Dans l'ombre de Manhattan"

Dans l'ombre de Manhattan - affiche

titre original "Night Falls on Manhattan"
année de production 1996
réalisation Sidney Lumet
scénario Sidney Lumet, d'après le roman de Robert Daley
photographie David Watkin
musique Mark Isham
interprétation Andy Garcia, Richard Dreyfuss, Lena Olin, Ian Holm, James Gandolfini

La critique de Pierre

Ben mon cochon, ça avait tout pour être bien ce truc ! Un grand réalisateur, déclinant son thème de prédilection (la corruption policière), avec plein d'acteurs de balle. Mais on se méfie de l'année...

Le générique arrive : musique de Mark Isham (le spécialiste de la BOF jazzy atmosphérique, souvent utilisé par Robert Altman), belle trompette, sur un dessin d'un Manhattan nocturne qui se révèle en bleu et noir. On se dit : "Don't screw it, Sid!"

L'histoire est bien : ça se passe dans les coulisses du milieu des procureurs (ça change des avocats) et ça suit l'ascension du personnage d'Andy Garcia, qui devient célèbre en étant substitut dans une affaire impliquant un gros dealer. L'originalité, c'est que le dealer, pendant son arrestation, a blessé grièvement un vieux flic, qui n'est autre que le père de Garcia (joué par Ian Holm)... Une histoire qui, par bien des aspects, rappelle "City Hall".

Tout ça est plein de seconds couteaux sympas, parmi lesquels Richard Dreyfuss et James Gandolfini, mais aussi l'affreux bras droit du Président Palmer dans "24 heures chrono" (qui est en fait sympa).

Au final : c'est bien, Sidney n'a pas merdé. Le film est bon, bien rythmé, bien joué, le cahier des charges est assuré. Reste bien sur un petit goût de déception, parce que tout ces talents réunis, ça aurait pu (dû ?) donner quelque chose de grandiose. Et ce film n'est pas grandiose, juste réussi.

L'acteur qui s'en sort le mieux ? Clairement Ian Holm, peut-être mal casté ces dernières années en gentil vieux, alors qu'il est plutôt bon pour susciter l'effroi (dans "From Hell", par exemple).

Ceci dit, vous pouvez le mater sans risque.

La critique de Didier Koch pour Plans Américains

En 1996, Lumet aborde le dernier versant de sa foisonnante carrière. Il est désormais reconnu comme le spécialiste des films de prétoire, et il n’est donc pas étonnant de le voir se livrer une fois encore à cet exercice qu’il affectionne tant : démonter les mécanismes complexes et parfois contradictoires de la justice de son pays où les hauts magistrats sont obligés de faire campagne pour exercer le droit de dire le droit.

Lumet a rédigé lui-même le scénario, ce qui n’est pas une habitude chez lui, et l’on pourra constater que les quelques raccourcis pris pour mieux arriver à ses fins lui donnent raison d’avoir le plus souvent laissé à d’autres le soin de la narration pour mieux se consacrer à la direction d’acteurs qui reste son point fort. On a en effet un peu de mal à croire à la très rapide ascension du jeune juge Casey (Andy Garcia) jusqu’au poste de procureur, même si l’on sait que tout va plus vite au pays de l’oncle Sam.

Au fur et à mesure de sa progression, le jeune homme va découvrir les liens étroits qui unissent souvent la police avec le milieu, et Lumet, en vieux briscard, confronte, pour pimenter le tout, celui-ci au dilemme de voir son propre père, policier proche de la retraite, mêlé à un trafic de grande ampleur ayant conduit à l'exécution programmée d'un redoutable caïd. Il ne manquait plus qu'une affaire d'amour, que Lumet se fait un plaisir de nous offrir avec, en cadeau au héros et au spectateur ravi, la sublime Lena Olin ("L'Insoutenable Légèreté de l'être"), qui fait fi de son appartenance au camp adverse pour épouser la cause du bel Andy.

Chose rare et paradoxale, Lumet fait beaucoup de concessions à l'entertainment pour ce film qui, bien sûr, n'a pas la force de ses plus grandes réussites comme "Douze hommes en colère" ou "Le Verdict", les ficelles étant souvent un peu grosses. Reste des acteurs convaincants qui parviennent à faire un peu oublier les trop nombreuses outrances du scénario. Nous ne sommes pas, vous l'aurez compris, devant un des chefs-d'œuvre de cet immense réalisateur. Ne pouvant conclure sa carrière de cette manière, il donnera en testament à ses fans le sublime "7h58 ce samedi-là" avec le trop tôt regretté Philip Seymour Hoffman.

Dans l'ombre de Manhattan - générique