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titre original | "The Post" |
année de production | 2017 |
réalisation | Steven Spielberg |
scénario | Liz Hannah et Josh Singer |
photographie | Janusz Kaminski |
musique | John Williams |
interprétation | Meryl Streep, Tom Hanks, Sarah Paulson, Bruce Greenwood, Matthew Rhys, Michael Stuhlbarg |
♦ Article (critique) : L'hommage de Steven Spielberg au journalisme
Disciplines : histoire, anglais, EMC, histoire des arts - Niveau : lycée
La critique de Didier Koch pour Plans Américains
Hollywood a beau être taxée d'un conformisme bon teint depuis ses origines, symbolisé désormais par la domination tyrannique des blockbusters, la Mecque du cinéma n'en n'omet pas pour autant de se pencher régulièrement sur les dysfonctionnements des institutions de la plus grande démocratie du monde. Des réalisateurs comme Sidney Lumet, Sydney Pollack, Alan J. Pakula, Oliver Stone ou Spike Lee, pour parler des plus célèbres, n'ont cessé de dénoncer la corruption et les turpitudes qui gangrènent les grands corps régaliens dans leurs relations avec la politique ou le monde de l'argent.
Steven Spielberg a, lui, tout d'abord tiré sa gloire du film de genre, qui lui a permis d'exprimer pleinement sa formidable capacité à raconter une histoire en y intégrant, à dose variable suivant le sujet, sa maitrise technique, son sens du rythme et du suspense, son goût du merveilleux ainsi que la justesse de sa direction d'acteurs. Le tout associé à une candeur assumée, provenant de sa proximité avec le monde de l'enfance. Hormis pour "La Couleur pourpre" et jusqu'à "La Liste de Schindler" qui lui tenait à cœur pour des raisons personnelles, il n'avait jamais montré un intérêt marqué dans son travail pour les sujets à connotation historique, sociale ou politique. Ce n'est réellement qu'à partir de "Munich" en 2005 qu'il commence à orienter résolument sa filmographie vers des sujets plus profonds, en s'emparant de faits ou de biographies historiques qu'il cherche à vulgariser au maximum en usant de sa science unique du récit sur grand écran. Depuis le début des années 2010 et l'arrivée de la grande maturité pour le réalisateur, sont sortis "Cheval de guerre", "Lincoln", "Le Pont des espions" et "Pentagon Papers", qui démontrent une envie de s'impliquer davantage sans rien renier de son goût pour le divertissement. Malgré ce changement de cap, il ne faut donc pas s'attendre à retrouver chez Spielberg la noirceur et la radicalité des grands films de Lumet ou de Pakula.
"Pentagon Papers", qui réunit Tom Hanks que Spielberg connait désormais parfaitement, et Meryl Streep, éclaire doctement le spectateur sur une affaire soulevée par le Washington Post, peu de temps avant que n'éclate le fameux scandale du Watergate qui obligera le président Richard Nixon à démissionner de ses fonctions sous la pression d'une investigation menée par Bob Woodward et Carl Bernstein, deux autres journalistes du Washington Post. L'histoire a déjà été portée à l'écran par Alan J. Pakula dans "Les Hommes du président".
Ici, un haut fonctionnaire, chargé par le Secrétaire d’État à la Défense Robert McNamara d'évaluer l'avancement des troupes au Vietnam, laisse fuiter des documents confidentiels du Pentagone prouvant la duplicité des autorités politiques américaines, depuis longtemps conscientes de l'issue défavorable d'un conflit armé dans cette région du monde. Quand le New York Times, qui détient le scoop et le révèle, est empêché par une décision de justice d'aller plus loin dans ses révélations, se pose à Katharine Graham (Meryl Streep), la nouvelle patronne du Post, la question de publier ou non l'ensemble du rapport tombé entre les mains de Benjamin Bradlee (Tom Hanks), son rédacteur en chef. C'est tout à la fois le combat de Bradlee pour récupérer les copies du rapport et le questionnement déontologique de Graham qui vertèbrent un film parfaitement calibré par Spielberg et habité par ses deux acteurs vedette qui connaissent la musique, notamment une Meryl Streep toute en nuance.
Hormis les quelques réserves émises plus haut concernant une forme de sagesse qui ne quittera vraisemblablement jamais Steven Spielberg, "Pentagon Papers" est à classer dans les très bons films parvenant à distraire tout en poussant à la réflexion sur la marche du monde.
La publication des papiers du Pentagone à la une des magazines
Daniel Ellsberg, ancien analyste militaire américain de la RAND Corporation qui fournit ces documents aux deux journaux ci-dessous, fut poursuivi pour vol, conspiration et espionnage. Dans le film de Spielberg, il est interprété par l'acteur Matthew Rhys, connu pour son rôle dans la série télévisée américaine "The Americans".