Déjà-vu
titre original | "Obsession" |
année de production | 1976 |
réalisation | Brian De Palma |
scénario | Paul Schrader |
photographie | Vilmos Zsigmond |
musique | Bernard Herrmann |
montage | Paul Hirsch |
interprétation | Cliff Robertson, Geneviève Bujold, John Lithgow, William Finley |
Critique extraite de 50 ans de cinéma américain de Bertrand Tavernier et Jean-Pierre Coursodon
Disciple magistral, Brian De Palma réussit un hommage à Alfred Hitchcock qui dépasse les notions d'imitation ou de plagiat en créant une atmosphère véritablement hitchcockienne très efficace.
Critique extraite du Guide des films de Jean Tulard
Superbe scénario, fin admirable, bouleversante, direction d'acteurs remarquable (dans les yeux de Robertson, on lit le souvenir de l'amour disparu) : avec ce film, le jeune, talentueux et prometteur Brian De Palma accède à la classe des grands, ou monte en première division si l'on préfère.
La critique de Didier Koch pour Plans Américains
De Palma a passé sa vie de cinéaste à rendre compte et à se défendre de sa parenté stylistique et narrative avec Alfred Hitchcock, qui a parfois été assimilée à un pur plagiat preuve d'un manque d'inspiration. Rapidement qualifié de petit maître, De Palma a été classé pour toujours un cran en-dessous de ses frères d'armes Martin Scorsese, Steven Spielberg ou Francis Ford Coppola. Le fait de s'être maladroitement défendu lui a sans doute été préjudiciable.
Il suffit de regarder "Obsession" pour se rendre compte qu'il fait partie des quatre films hommages à Hitchcock avec "Pulsions", "Body Double" et "Blow Out". Ici, pas d'équivoque possible, c'est à "Sueurs froides" ("Vertigo") que De Palma et Paul Schrader dédient leur film. Les allusions au chef-d'œuvre du maître sont nombreuses, comme celle où Geneviève Bujold fait face au portrait en pied de la femme défunte de Michael Courtland (Cliff Robertson), rappelant la naissance de l'obsession de John Ferguson (James Stewart) quand il découvre le portrait de Carlotta (Kim Novak) dans le musée jouxtant une chapelle où l'a mené sa filature. Si on s’en tient à la comparaison entre les deux films, il est certain que la partition de De Palma un peu too much fait pâle figure.
Tout d'abord, Cliff Robertson, un peu mécanique, n'est pas James Stewart qui rendait à merveille le trouble causé par la dualité de la femme dont il devait assurer la filature et qui ravivait jusqu'à l'obsession, dans son esprit encombré, le souvenir d'un amour disparu. De son côté, Geneviève Bujold, encore relativement méconnue, s’accommode parfaitement des deux rôles comme autrefois Kim Novak. Femme enfant, elle fait merveille dans la scène phare du film où elle est tout à la fois la mère et sa fille de neuf ans au moment du kidnapping à l’origine de toute la dramaturgie du film. La photographie de Vilmos Zsigmond, très marquée de son époque avec son aspect brumeux ("Ne vous retournez pas", "Les Duellistes"), paraît aujourd’hui un peu désuète, alors que la luminosité de "Vertigo", remplie de tons chatoyants, lui donne une intemporalité propre à son statut de chef-d’œuvre du septième art. La musique de Bernard Hermann, dont c’est la deuxième collaboration avec De Palma ("Sœurs de sang") renforce encore une parenté affirmée.
Mais c’est surtout dans le déroulement de l’intrigue que l’exercice de style montre ses limites. Le nœud de celle-ci, facilement décelable selon une volonté manifeste de Schrader, qui donne des indices immédiats orientant clairement le spectateur, nuit gravement à la fluidité du récit. Si De Palma et Schrader avaient été déçus par la conclusion de "Vertigo", jugée peu crédible à leur yeux, au moins Hitchcock avait-il pris le soin de dérouter son spectateur jusqu’au bout. Ce parti pris trop évident montre sans doute la volonté des auteurs de faire pencher le film sur son versant romantique. De ce strict point de vue, on peut dire que De Palma a réussi la relecture d’une des œuvres majeures du maître du suspense en misant sur un romantisme et une sensualité plus affirmés. Geneviève Bujold, dont la beauté gracile inonde l’écran, est sans aucun doute le meilleur atout de De Palma dans cette entreprise. On sait qu’Hitchcock avait un conflit intérieur avec les choses du sexe qui l’empêchait peut-être, outre la censure, d’aller au bout de ses intentions cinématographiques. Avec sa manière quelque fois outrancière, De Palma, icône du nouvel Hollywood décomplexée ayant connu le flower power, approfondit, dans ses quatre films dédiés au maître, cette face inaboutie des œuvres originales.
Photos de tournage
Article de Romain Desbiens sur son site consacré à Brian De Palma (http://briandepalma.online.fr)
L'église de San Miniato al Monte est située à Florence (Toscane, Italie), dans le quartier de l'Oltrarno. Elle a été érigée vers le XIe siècle en hommage au premier martyr de la ville, saint Minias, qui fut décapité sur les bords de l'Arno et qui aurait marché jusqu'au sommet, sa tête sous le bras, jusqu'en haut du mont Fiorentinus - aujourd'hui le Monte alle Croci. C'est une église romane à plan basilical, avec une façade en marbre blanc de Carrare et en serpentine verte, à laquelle s'est rajoutée au XIIe siècle une mosaïque sur fond d'or et dans laquelle sont rassemblés la Vierge, le Christ et San Miniato. L'aigle d'or de la corporation florentine Calimala trône au sommet.
Si Brian De Palma a pu y tourner plusieurs importantes scènes d'extérieur dans "Obsession", les intérieurs ont dû être tournés dans une autre église, faute d'autorisations, d'où le faux raccord de la porte d'entrée.
La chronique de Gilles Penso