titre original | "Mission: Impossible - Fallout" |
année de production | 2018 |
réalisation | Christopher McQuarrie |
scénario | Christopher McQuarrie |
interprétation | Tom Cruise, Henry Cavill, Simon Pegg, Ving Rhames, Alec Baldwin, Rebecca Ferguson, Sean Harris, Angela Bassett, Michelle Monaghan |
épisodes précédents | • "Mission : impossible" de Brian De Palma, 1996 |
• "Mission : impossible 2" de John Woo, 2000 | |
• "Mission : impossible 3" de J.J. Abrams, 2006 | |
• "Mission : impossible - Protocole fantôme" de Brad Bird, 2011 | |
• "Mission : impossible - Rogue Nation" de Christopher McQuarrie, 2015 | |
épisode suivant | "Mission : impossible - Dead Reckoning, partie 1" de Christopher McQuarrie, 2023 |
La critique de Didier Koch pour Plans Américains
Il est loin le temps où Tom Cruise tournait sous la direction d'Oliver Stone ("Né un 4 juillet"), Stanley Kubrick ("Eyes Wide Shut"), Cameron Crowe ("Vanilla Sky") ou encore Paul Thomas Anderson ("Magnolia"). On parle ici des années 1990 durant lesquelles l'acteur, après avoir essentiellement misé sur son physique tout à la fois juvénile et sexy, semblait vouloir prendre des risques. La démarche fructueuse avait montré sa capacité à bousculer assez fortement son image un peu lisse en insufflant une bonne dose de dérision à son jeu.
La parenthèse saluée à l'époque par la critique aura été relativement courte. Depuis 2001, l'essentiel de la filmographie de Tom Cruise est résolument orienté vers le film d'action musclé ou de science-fiction. Christopher McQuarrie, tout d'abord scénariste brillant d'"Usual Suspects", a fait la connaissance de Cruise en 2008 sur le tournage de "Walkyrie" du même Bryan Singer. C'est pour se mettre au service du nouveau plan de carrière rectiligne de l'acteur qu'il repasse à la réalisation en 2012 avec "Jack Reacher".
"Mission : impossible - Fallout", sixième épisode de la série et deuxième réalisé par McQuarrie, ne déroge en rien au cahier des charges désormais suivi film après film. Soit : une mise en avant des prouesses physiques de Tom Cruise qui tient à montrer que les ans n'ont aucune prise sur lui, un scénario qui enchaîne les scènes d'action à forte intensité, laissant un minimum de place au développement psychologique des personnages et aux dialogues avec, cerise sur le gâteau, une image léchée servant d'écrin aux effets spéciaux dont l'usage abonde pour en mettre plein les mirettes au spectateur.
Si Ving Rhames est présent depuis le premier épisode réalisé par Brian De Palma (1996), Simon Pegg est arrivé depuis "Mission : impossible - Protocole fantôme" (2011) pour apporter une touche d'humour pouvant contrebalancer la froideur qui a toujours habité le jeu de Tom Cruise.
Dans ce contexte très balisé, McQuarrie, qui déplace sa caméra avec une marge de manœuvre assez restreinte, s'en sort plutôt honorablement. Mais cet exercice trop corseté manque malheureusement de folie et de fantaisie, comme souvent dans les films dont l'acteur est aux commandes. L'exemple le plus frappant étant peut-être Simon Pegg qui, au bout de sa troisième apparition dans la saga, semble comme absent ou à côté de la plaque, la caméra ne devant pas s'attarder trop longtemps pour retrouver un Tom Cruise déjà parti relever un autre défi. Ne parlons pas de la pauvre Rebecca Fergusson, dont on se demande à la fin du film si elle était bien présente au générique.
La transposition de l'action à Paris abondamment commentée et marketée ne semble répondre malheureusement qu'à la volonté de combler la répétitivité narrative par un dépaysement géographique un peu à la manière de la saga "Da Vinci Code". Le subterfuge un peu trop voyant tombe donc rapidement à plat, même si l'agent Ethan Hunt débarque en parachute sur le toit du Grand Palais. S'ensuit une course-poursuite dans les différents quartiers de la capitale que l'on suit avec un intérêt relatif. Même le clou du film attendu de la poursuite à moto à contre sens sur l'avenue de l'Opéra fait pâle figure comparée à celle désormais indépassable de "French Connection", pourtant filmée en 1971, mais par un William Friedkin beaucoup plus frontal qui installe carrément le spectateur à côté de Gene Hackman dans un New York bien réel.
L'intrigue un peu filandreuse et pas suffisamment soutenue par des personnages hauts en couleur (hormis la troublante Vanessa Kirby) passe au second plan. En résumé, le film semble conçu par Tom Cruise pour Tom Cruise à destination de ses seuls fans. Mais l'acteur marquant pour la première fois les ans, il va devoir s'interroger assez rapidement sur la suite à donner à cette stratégie, dont on voit mal l'issue positive si elle ne subit aucune inflexion. Peut-être devrait-il se rappeler ce qu'il a pu et su faire durant une courte décennie d'avant la fin du siècle dernier ?
La chronique de Gilles Penso