titre original | "Man Trouble" |
année de production | 1992 |
réalisation | Bob Rafelson |
scénario | Carole Eastman |
photographie | Stephen H. Burum |
musique | Georges Delerue |
interprétation | Jack Nicholson, Ellen Barkin, Harry Dean Stanton, Beverly D'Angelo, Saul Rubinek, Veronica Cartwright, Paul Mazursky |
La critique de Didier Koch pour Plans Américains
Bob Rafelson et Jack Nicholson, ce sont cinq films en commun sur près de vingt-cinq ans. Rafelson en particulier dont la filmographie est très ramassée (dix films en trente-sept ans), qui a eu recours à son acteur fétiche sur la moitié de celle-ci. "Man Trouble", leur quatrième collaboration, n’est pas, il faut bien le reconnaître, leur plus grande réussite.
Quand le projet arrive dans les mains de Nicholson alors au sommet de sa gloire, Rafelson vient de subir un échec commercial injustifié avec "Aux sources du Nil", et la scénariste Carole Eastman, qui connaît les deux hommes pour avoir participé à "Cinq pièces faciles", trimbale le scénario de "Man Trouble" depuis le début des années 1980 sans avoir pu convaincre un seul producteur de le matérialiser. Il faut dire que la scénariste ne travaille plus depuis l’échec public de "La bonne fortune" (1975) de Mike Nichols, sorte de resucée en mode loufoque de "L’Arnaque" avec Jack Nicholson et Warren Beatty. À force de refus, le scénario d’Eastman finit par rejoindre la fameuse liste noire des « meilleurs scénarios non tournés par Hollywood » dressée de manière ironique par l’American Film. Cette distinction n’était sans doute pas de bon augure, mais la nostalgie, et sans doute des considérations plus matérielles, finirent par l’emporter.
Les rapports entre Rafelson et Eastman se tendirent assez vite, cette dernière refusant, après une si longue attente, que son intrigue soit remaniée pour plus de lisibilité. De son côté, Jack Nicholson, ayant obtenu un cachet conforme à son statut, s’est réfugié dans le cabotinage qu’il pratique avec une délectation non feinte dès qu’on lui en laisse l’occasion ou que sa motivation est en berne. Le désistement pour maternité de Meryl Streep, qui devait tenir le premier rôle féminin à ses côtés, n’a sans doute rien arrangé.
L’intrigue, plutôt improbable et confuse, mettant aux prises une cantatrice en rupture sentimentale (Ellen Barkin), sa sœur cherchant à récupérer l’affection de son ex-mari milliardaire (Harry Dean Stanton) au moyen d’un livre de souvenirs sulfureux (Beverly D’Angelo), et un dresseur de chiens professionnel fripon (Jack Nicholson), se déroule paresseusement devant la caméra d’un Bob Rafelson visiblement décontenancé.
Comédie policière jouant gentiment sur l’érotisme, mais ne parvenant pas à trouver son rythme, "Man Trouble" a été, comme c’était prévisible, essoré par la critique pour finir en bide commercial. Si trente ans plus tard, le film ne s’est pas transformé en chef-d’œuvre, loin s’en faut, il parvient à se rendre sympathique grâce à la désinvolture affichée d’un Jack Nicholson qui se livre sans retenue à ses facéties de pauvre bougre faussement assoupi à qui il ne faut pas en raconter, face à une Ellen Barkin qui se laisse aller, elle aussi sans trop de retenue, au baratin de ce dragueur invétéré aux pantalons trop larges et se parfumant avec des lotions de supermarché.
Il aurait été toutefois dommage que les deux complices du sublime et trop méconnu "The King of Marvin Gardens" terminent leur parcours commun sur cette farce un peu flemmarde. Quatre ans plus tard, dans la même veine mais cette fois-ci de manière beaucoup plus mordante et aboutie, ils ont invité le grand Michael Caine à les rejoindre pour "Blood & Wine", polar crasseux et sulfureux à souhait, que la très caliente Jennifer Lopez irradie de sa torride sensualité. L’honneur est sauf, les deux amis ont fini proprement le boulot.