Bartok Science Industries, Toronto, Ontario, Canada
titre original | "The Fly" |
année de production | 1986 |
réalisation | David Cronenberg |
scénario | David Cronenberg et Charles Edward Pogue, d'après la nouvelle de George Langelaan |
photographie | Mark Irwin |
musique | Howard Shore |
maquillage | Chris Walas |
interprétation | Jeff Goldblum, Geena Davis, John Getz, Leslie Carlson, David Cronenberg |
récompenses | • Oscar du meilleur maquillage |
• Prix spécial du jury au festival international du film fantastique d'Avoriaz 1987 | |
version précédente | "La Mouche noire" ("The Fly") de Kurt Neumann, 1958, États-Unis |
suite | "La Mouche 2" de Chris Walas, 1989 |
Critique extraite du Guide des films de Jean Tulard
Intelligent remake du film de Neumann. L'œuvre est moins spectaculaire, mais plus vraisemblable, car plus psychologique.
La critique de Sébastien Miguel pour Plans Américains
Dégénérescence des cellules, déchéance physique, putréfaction des chairs : fable métaphysique où Cronenberg, à travers les oripeaux d'une série B de luxe, exhibe avec violence nos peurs ancestrales.
Perte de contrôle du corps et décrépitude inévitable.
Succès mondial pour ce cauchemar à la mécanique narrative implacable.
Interprétation remarquable.
La critique de Didier Koch pour Plans Américains
Lorsqu'il entame le tournage de "La Mouche" en 1985, le réalisateur canadien David Cronenberg a déjà une solide carrière derrière lui. En neuf longs métrages, il s’est affirmé comme un auteur dont les préoccupations sont essentiellement centrées sur l’observation des névroses humaines à travers le prisme des modifications monstrueuses que peut subir le corps humain, mélangées à l’influence néfaste des nouvelles technologies sur les rapports sociaux. Son cinéma sans concession choque, mais intrigue.
Quand il débarque à Hollywood pour réaliser "Dead Zone", on peut penser qu’il est attendu au tournant. Son film séduit la critique et s’avère être un joli succès au box-office. C’est donc tout naturellement qu’il accède à un budget plus important pour participer à la réactualisation de "La Mouche noire". Le film avec le génial Vincent Price au générique datant de 1958 a été réalisé par Kurt Neumann à partir d’une courte histoire écrite pour Playboy Magazine (1957) par l’écrivain-journaliste George Langelaan. Le scénario confié à Charles Edward Pogue reprend certes la nouvelle en question, mais centre cette fois-ci l’intrigue autour de la transformation progressive en mouche du jeune chercheur interprété par Jeff Goldblum, afin de jouer à plein des effets spéciaux dont les spectateurs sont très friands à l’époque en raison des énormes progrès réalisés depuis les années 1970 avec "L’Exorciste".
La lente et impressionnante mutation en insecte marque justement le point d’inflexion de l’intérêt que l’on peut porter au film. La longue et assez pesante introduction, aujourd’hui très marquée eighties, place de manière assez artificielle l’intrigue sous le sceau d’une passion torride qui enflamme les corps de la belle journaliste avide de scoops (Geena Davis) et du scientifique brillant, mais inadapté aux choses terrestres, avec, au milieu, le rédacteur en chef (John Getz) et ancien amant de la jeune femme qui joue les histrions pour faire capoter la jolie histoire qui commence. Les deux acteurs pourtant liés à l’époque ont bien du mal à nous faire croire à cette passion soudaine et, avec le recul, les limites du jeu de Jeff Goldblum apparaissent flagrantes.
Heureusement, Seth Brundle (Jeff Goldblum) a enfin la bonne idée de vouloir tenter en solo l’expérience humaine de la téléportation avec une mouche embarquée dans son télépode. Tout le monde y gagne. En premier, le pauvre Jeff Goldblum, qui retrouve une partition toute en muscles et en puissance plus conforme à son registre. David Cronenberg ensuite, qui quitte avec bonheur la romance nunuche pour réintégrer son biotope naturel. Le spectateur, enfin et surtout, qui commençait à regarder les mouches voler au plafond, désespérant de voir celle géante promise enfin prendre forme à l’écran.
"La Mouche", qui s’acheminait doucement vers le nanar luxueux, développe alors somptueusement ses ailes et tient miraculeusement toutes ses promesses. Les effets spéciaux saisissants n’ont pas pris une ride, et la souffrance de celui qui se sent petit à petit dépecé de son humanité est parfaitement transmise au spectateur par un David Cronenberg enfin maître de son sujet. Alors qu’elle semblait peu convaincue dans l’entame un peu paresseuse détaillée plus haut, Geena Davis est, dans l’embrasement final, particulièrement touchante face à un phénomène qu’elle ne peut contrôler et dont elle a vite compris l’issue fatale. La vibrante Thelma de Ridley Scott ("Thelma & Louise") était déjà en germe.
Malgré les réserves émises sur la mise en place de son intrigue qui en font un film un peu bancal, "La Mouche" version 1986 été un succès critique et commercial qui ne tournera pas la tête à David Cronenberg, qui ne lâchera rien de ses ambitions artistiques, enchaînant juste derrière avec le très introspectif et troublant "Faux-semblants".
♦ Fiche d'activités : Comprendre comment un humain peut acquérir des caractères de mouche
Discipline : SVT - Niveau : lycée/seconde
"The Fly" : original vs remake © Little White Lies
Deepfake © Ctrl Shift Face
Le deepfake, ou hypertrucage, est une technique de synthèse d'images basée sur l'intelligence artificielle. Elle sert à superposer des fichiers audio et vidéo existants sur d'autres vidéos (par exemple : le changement de visage et de voix d'une personne). Le terme est un mot-valise formé à partir de deep learning (« apprentissage profond ») et de fake (« faux »).
Ici, pour "La Mouche", le visage de Jeff Goldblum est remplacé par celui de Rami Malek. La voix entendue est celle d'un imitateur, qui rejoue les dialogues.
La chronique de Gilles Penso