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"La Cité des dangers"

If the body's hot...call her. If the body's cold...call him.

La cité des dangers - affiche

titre original "Hustle"
année de production 1975
réalisation Robert Aldrich
photographie Joseph F. Biroc
musique Frank De Vol
production Robert Aldrich
interprétation Burt Reynolds, Catherine Deneuve, Ben Johnson, Paul Winfield, Eddie Albert, Ernest Borgnine, Robert Englund, George Memmoli

La critique de Sébastien Miguel pour Plans Américains

Un flic sentimental et particulièrement peu efficace (Burt Reynolds, touchant) tente de résoudre la mort suspecte d'une stripteaseuse. Amoureux d'une call girl de luxe (Catherine Deneuve, sensuelle), le lieutenant Gaines ne rêve que de Rome, de ses places ensoleillées et de sa dolce vita

Plus gros échec commercial d'Aldrich. Dernier projet avec Burt Reynolds. La cité des dangers du titre, c'est Los Angeles, la ville du péché, de la corruption et des illusions perdues. C'est aussi un film magnifique. Des longueurs (comme souvent lorsque Aldrich se produit), des maladresses (flash-back discutables), mais un sentiment précieux fait de nostalgie et de résignation.

À travers une vaste galerie de personnages, Aldrich dépeint une humanité peu reluisante. Exploitation de la femme, corruption dans les hautes sphères, justice inefficace… Les monstres étouffent les rêves romantiques du beau couple que forment Burt Reynolds et Catherine Deneuve. La distribution (Paul Winfield, Ben Johnson, Ernest Borgnine, Eddy Albert, George Memmoli et même Robert Englund) est remarquable.

"La Cité des dangers" cite La Nouvelle vague, Truffaut, Lelouch ("Un homme et une femme") et même Aznavour. Entre deux explosions de violences étourdissantes (scènes de ménages, prise d'otage…), Aldrich affiche une mélancolie profonde et annonce, dans sa délicate peintures des rapports amoureux, son ultime film : "Deux filles au tapis".

La critique de Didier Koch pour Plans Américains

En 1974, Robert Aldrich a déjà fait tourner Burt Reynolds dans une comédie machiste centrée sur le football américain, sport national roi aux États-Unis : "Plein la gueule". Les deux compères ont raflé la mise avec cette comédie un peu lourdingue, en profitant de la popularité naissante de Reynolds depuis sa participation en 1972 à "Délivrance", le survival culte de John Boorman. Le tandem, qui fonde même une société de production, la RoBurt, pour l'occasion, adapte un roman de Steve Shagan. Aldrich emprunte le genre policier comme véhicule à son histoire de flic mal à l'aise dans son métier qui ne supporte plus la violence quotidienne et la corruption qui gangrène Los Angeles.

Très ouvert d'esprit, Phil Gaines vit une relation intense avec une call-girl française interprétée par Catherine Deneuve. Ensemble, ils vont voir les films de la Nouvelle Vague, écoutent les chansons d'Aznavour et rêvent de poursuivre leur histoire à Cannes ou à Rome. On est donc très loin du flic solitaire et brutal joué par Clint Eastwood dans "Dirty Harry", et Aldrich prend un malin plaisir à utiliser Burt Reynolds, l'archétype du macho yankee, à contre-emploi.

Comme souvent chez Aldrich, le héros est en proie à un système dont il conteste les valeurs et dont toutes ses tentatives pour en sortir ou le réformer seront vouées à l'échec. Le bras armé de Gaines contre tout ce qu'il rejette sera Marty Hollinger (Ben Johnson), ce père, vétéran de Corée, qui veut venger sa fille retrouvée morte sur la plage, dont il couvre les exactions à travers une démarche que l'on peut juger un peu lâche et non dénuée d'intérêt. C'est quand il comprendra qu'il est en train de franchir la ligne jaune que Gaines songera à changer de vie, mais comme beaucoup de héros aldrichiens, il ne pourra s'extraire de la nasse.

Si "La Cité des dangers" reprend tous les thèmes chers à Aldrich dans une tentative originale et courageuse de sortir des canons du genre policier très en vogue à Hollywood dans ces années 70, il est souvent maladroit et filmé à la manière d'un Columbo. Rétrospectivement, la voiture de Reynolds fait immanquablement penser à la Gran Torino de "Starsky et Hutch", alors que la série n'est pas encore diffusée quand le film est en chantier. Ce relâchement dans la mise en scène n'est pas à la hauteur des ambitions du scénario et du casting réuni par Aldrich, ce qui altère la portée de son film, pourtant entamé de la meilleure des façons avec la scène virtuose de la découverte du cadavre par les enfants d'une colonie de vacances.

À noter le tout petit rôle de Robert Englund dans le climax final, et la ressemblance frappante d'Eddie Albert avec notre DSK national, sauce américaine, version Sofitel.

Critique extraite du Guide des films de Jean Tulard

« Je n'ai jamais pensé que le film pourrait marcher comme un film d'aventure et d'action, car l'histoire policière est trop mince... », explique Aldrich. « Mais j'ai pensé que cela pourrait être une merveilleuse histoire d'amour à condition que la femme soit une étrangère. » De là la présence inattendue de Catherine Deneuve dans le monde d'Aldrich et un Burt Reynolds qui cesse pour une fois de jouer les machos.

Extrait de la chronique de Bertrand Tavernier du 9 novembre 2005

Touchant et curieusement retenu, ce film a un ton, un rythme plutôt tranquille, presque méditatif. De très nombreuses scènes se déroulent dans des intérieurs, soit luxueux (l'appartement de Burt Reynolds), soit assez glauques (le bureau de Reynolds, la maison du couple Hollinger) auxquels Aldrich confère systématiquement un côté étouffant, claustrophobique. Ceci donne l’impression que le personnage de Reynolds se mure, se replie sur lui-même comme le Charlie Castle du "Grand Couteau" (1955) se réfugie dans ses souvenirs (« Je suis l'étudiant des années 30 »).
Par des moyens diamétralement opposés à ceux de "En quatrième vitesse" (1955), Aldrich fait voler en éclat les conventions du genre, les subvertit de manière moins explosive, plus insidieuse. On retrouve bien sûr toute la haine et le mépris qu’il éprouve pour les hommes de pouvoir même si le ton est moins exacerbé, plus retenu : Ernest Borgnine campe un responsable policier veule, lâche. Mais ce n’est rien à côté d’Eddie Albert, son acteur fétiche, qui est là incroyable de fourberie cauteleuse, de fausse bonhomie suintante, s’appuyant sur un fort sentiment d’impunité. "La Cité des dangers" est l'une de ses meilleures interprétations.
Ben Johnson, géniale idée de distribution, est absolument formidable tout comme Catherine Deneuve, radieuse, très vivante et extrêmement touchante. C’est l’une des call girl les moins déshabillées de l’histoire du cinéma.
Le scénario de Steve Shagan (qu’a-t-il écrit à part "Sauvez le tigre" ? ) très introspectif, contient des idées fortes, des répliques audacieuses ou cinglantes (« Ce pays, c’est le Guatemala avec la télévision en couleur » en phase avec la hargne aldrichienne) mais aussi une nostalgie passéiste qui ne colle pas toujours avec la rage d’Aldrich, lequel se définissait comme un homme légèrement à gauche du parti démocrate). Ce dernier dit s’être heurté plusieurs fois à Shagan qui ne voulait rien changer à son dialogue. Aldrich a réussi à imposer la nationalité européenne de la prostituée, la fin pessimiste et forte et la scène où Deneuve dit qu’elle est prête à tout arrêter si Reynolds lâche lui aussi son métier ou plus exactement la manière dont il l’exerce, ce qu’il ne fait pas. Il y a d’ailleurs des maladresses de construction, sans doute à cause de cette mésentente.
Détail amusant, Deneuve écoute Aznavour, entraîne Reynolds voir "Un homme et une femme", Reynolds regarde "Moby Dick" (allusion un peu appuyée).

La version anglaise de "Hier encore" entendue dans "La Cité des dangers"

La cité des dangers - affiche française
Affiche française de "La Cité des dangers" © Jouineau Bourduge

La cité des dangers - générique