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"Cry Macho"

Cry Macho - affiche

titre original "Cry Macho"
année de production 2021
réalisation Clint Eastwood
scénario Nick Schenk et N. Richard Nash, d'après le propre roman de ce dernier (1975)
photographie Ben Davis
interprétation Clint Eastwood, Dwight Yoakam, Fernanda Urrejola

La critique de Didier Koch pour Plans Américains

"Cry Macho", le dernier film de Clint Eastwood, est inspiré du roman éponyme de N. Richard Nash paru en 1975. Le romancier, plus connu pour l’écriture de spectacles montés à Broadway, avait écrit lui-même un scénario à partir de son œuvre qu’il avait tenté, en vain, de vendre aux studios. Depuis 40 ans, Roy Scheider, Burt Lancaster ou encore Arnold Schwarzenegger ont été envisagés pour tenir le rôle principal de ce film devenu avec le temps plus qu’hypothétique. C’est en 1988 que Clint Eastwood est pressenti mais il doit abandonner pour livrer une ultime aventure de l’inspecteur Callahan. En 1991, le tournage d’une adaptation avec Roy Scheider est entamée sans toutefois aller à son terme. Ce n’est finalement qu’en 2020, alors qu’Eastwood est âgé de 90 ans que le scénario de N. Richard Nash voit enfin sa concrétisation sur grand écran.

Ancien champion de rodéo reconverti dans l’élevage suite à une grave blessure, Mike Milo (Clint Eastwood) est à la retraite quand son ancien patron le contacte pour qu’il lui ramène du Mexique son jeune fils (Eduardo Minett) de treize ans qui vit avec sa mère alcoolique (Fernanda Urrejola). Le scénario de Nash a été logiquement retouché par Nick Schenk ("Gran Torino" en 2009, "La Mule" en 2019) pour tenir compte de l’âge très avancé de l’acteur/réalisateur. Pas question en effet de demander à Eastwood de faire le coup de poing ou même de tenir fermement entre ses mains un quelconque Magnum ou toute autre arme de poing. Ce temps est désormais révolu. Cette lourde contrainte oblige donc le spectateur à accepter quelques invraisemblances dont la plus voyante est bien sûr la surprenante facilité avec laquelle Milo retrouve le jeune délinquant puis le convainc de le suivre jusqu’au Texas. Sans parler de l’exfiltration expresse des griffes particulièrement acérées de sa mère et de ses sbires. L’accent sera donc mis sur la relation quasi filiale qui se noue entre le vieux cow-boy soucieux de s’acquitter d’une dette et le jeune garçon en demande de repères.

La construction narrative, on l’aura compris, est plutôt bancale et exige une bonne dose d’indulgence pour pouvoir prendre plaisir à la vision de ce film qui est consubstantiellement destiné aux admirateurs d’un Clint Eastwood qui livre ici peut-être sa dernière bataille tout en cherchant à démontrer que, même parvenu au bout du chemin, un être humain peut encore s’autoriser à regarder devant lui, même si l’horizon offert est très limité. On sera touché de voir celui qui a été l’homme sans nom des films de Leone et le héros de tant d’autres réalisés par son maître Don Siegel puis par lui-même, s’évertuer à tenir droite sa grande carcasse amaigrie pour donner encore un peu de lui-même à ce métier qu’il a passionnément aimé et servi tout au long des 40 films réalisés par ses soins.

Si l’on est d'humeur grincheuse, on pourra sans aucun doute reprocher à Clint Eastwood de vouloir se montrer encore à son avantage à l’écran, notamment dans certaines postures qui ne sont plus dans ses moyens comme danser et entamer un flirt pourtant bien inoffensif avec une femme de 40 ans sa cadette. Sans doute les rôles de grands-pères déambulant en fauteuil roulant dans les couloirs d’un hospice sont dans l’inconscient formaté de la plupart, les seuls qui lui sont désormais autorisés. La tolérance est devenue avec ce nouveau siècle très sélective.

Pourtant, un peu d’indulgence accordée à celui qui a tant donné au cinéma et dont il faut rappeler que la très grande majorité des films qu’il a réalisés ont été largement bénéficiaires (seuls six films, dont "Bird", "Chasseur blanc, cœur noir", "Minuit dans le jardin du bien et du mal", ne sont pas rentrés dans leurs frais) lui donnerait le droit bien mérité de partir en laissant un souvenir conforme à l’image qu’il a toujours véhiculée, même si l’exercice était forcément périlleux comme chacun pourra le constater à l’écran. Au sein de l’industrie du cinéma français, des réalisateurs portés aux nues, dont certains pas très loin de l’âge d’Eastwood, continuent à tourner des films alors que le bilan financier global de leur production est largement négatif.

Si cet état de fait paradoxal n’émeut pas grand monde, on peut, sans trop se renier, accorder à celui qui a réalisé tant de films excellents et quelques chefs-d'œuvre, le droit de sortir par la porte qu’il s’est choisie. Soit entrer dans la toute dernière ligne droite la tête haute tout en se rêvant encore un homme jeune, et devenu Mick Milo, l'exprimer ainsi au jeune Rafo admiratif : « Autrefois, j’ai été plein de choses ». C’est le lot possible de tous ceux qui atteindront ces âges canoniques désormais plus si exceptionnels. On retiendra donc de "Cry Macho", qui n’est bien sûr pas le meilleur film de son auteur, quelques scènes touchantes et maladroites sur un passage de témoin et la transmission des valeurs.

La critique de Sébastien Miguel pour Plans Américains

Tous ceux qui, de par le monde, ont un jour aimé le cinéma américain, ont aimé Clint Eastwood. Faut-il pour autant ne jamais enfreindre l'immunité critique ?

Un scénario rempli de clichés, une pseudo réflexion sur l'inutilité du machisme, une vision touristique du Mexique, une reconstitution historique invisible à l'écran...

Si on y ajoute une mise en scène purement fonctionnelle et un casting particulièrement médiocre, on se dit qu'il reste quand même le monument Eastwood.

Et bien non ! Courbé, difficilement mobile, l'icône légendaire de 91 ans n'est jamais convaincante en cow boy déchu. Ce qui semble, au vue de la mythologie de l'artiste, une aberration. Les scènes de bagarre, les scènes de séduction (avec des femmes de 40 ans de moins que lui) et, surtout, une (très) gênante scène de dressage parachèvent le désastre.

Un échec profondément attristant.