titre original | "Garbo Talks" |
année de production | 1984 |
réalisation | Sidney Lumet |
photographie | Andrzej Bartkowiak |
musique | Cy Coleman |
montage | Andrew Mondshein |
interprétation | Anne Bancroft, Ron Silver, Carrie Fisher |
La critique de Didier Koch pour Plans Américains
En 1984, Sidney Lumet a tout juste 60 ans et il vient de terminer sa décennie la plus prolifique comportant une demi-douzaine de très grands films pénétrant les arcanes des institutions américaines pour en dénoncer la corruption qui les gangrène au point d'être quelquefois érigée en système.
Après "Le Verdict" (1982), il entame avec "Daniel" (1983) une trilogie qui observe de très près les rapports entre parents et enfants, qu'il aborde sous l'angle de l'inévitable émancipation de la progéniture qui, selon les circonstances, peut prendre les allures d'un parcours semé de chausse-trappes. "À la recherche de Garbo", ou "Garbo Talks" comme le slogan qui accompagna le premier film parlant de la Divine, est certainement celui où Lumet dévoile le plus sa part de sensibilité en même temps que son amour du cinéma à travers cet hommage rendu à l'une de ses plus grands icônes.
Estelle, interprétée par Anne Bancroft dont on oublie trop souvent la très grande actrice qu'elle fut, est une rebelle qui, depuis dix ans que son mari l'a quittée, vit dans une solitude affective qu'elle affronte en jouant les Don Quichotte dans son quartier où elle passe pour une excentrique. Quand elle apprend qu'une tumeur incurable est en train de lui ronger le cerveau, elle demande à son fils unique, nommé Gilbert en hommage à l'acteur John Gilbert un temps partenaire et grand amour de Garbo, de lui faire rencontrer celle qui a éclairé toute sa vie par l'indépendance qu'elle incarnait, tant sur l'écran que dans sa vie privée. Cette quête dans les rues de New York va rapprocher le fils et sa mère.
À partir de la thématique plutôt classique des rapports filiaux et de ce qui reste au moment de l'ultime bilan, Sidney Lumet a l'intelligence de ne pas appuyer ses effets en recourant aux scènes larmoyantes qui lui tendaient les bras. Difficile pourtant de ne pas être ému quand Estelle, redevenue petite fille face à la grande actrice ayant consenti à donner un peu de son temps, raconte tous les moments importants de sa vie où, à chaque fois, elle a cherché à se grandir en prenant pour modèle les personnages incarnés par celle qui lui traçait sa route.
"À la recherche de Garbo", de par le dénuement de son intrigue, n'atteint certes pas la force des plus grands films de Lumet, mais il confirme que décidément, les grands réalisateurs américains possèdent la recette de toucher au cœur par l'exposition des sentiments humains sans excès d'artifices et d'explications. La vie tout simplement, avec ce qu'elle comporte de joie, de tragique et de dérisoire.