Menu Fermer

"Sans retour"

Sans retour - affiche

titre original "Southern Comfort"
année de production 1981
réalisation Walter Hill
scénario Walter Hill
photographie Andrew Laszlo
interprétation Keith Carradine, Powers Boothe, Fred Ward, Peter Coyote

La critique de Didier Koch pour Plans Américains

Il faudra bien un jour rendre à Walter Hill la place qui lui revient au sein du cinéma américain. Un trop grand éclectisme et une capacité à porter toutes les casquettes, de celle de réalisateur à celle de scénariste en passant par celle de producteur ou d'écrivain de bandes dessinées, ont sans doute contribué à brouiller l'image de celui qui participa à l'écriture du "Guet-apens" de Sam Peckinpah et à celle du premier "Alien" de Ridley Scott. Ce que beaucoup ignorent sans doute.

En 1981, alors que le "Rambo" de Ted Kotcheff (mis en image par Andrew Laszlo, le chef-opérateur attitré de Walter Hill également présent sur "Sans retour") n'a pas encore déferlé sur les écrans, valorisant l'image du guerrier yankee indestructible, il propose une relecture militaire du fameux "Délivrance" de John Boorman sorti en 1972. Neuf militaires de réserve venus passer un week-end de manœuvre en Louisiane sont pris en chasse par des paysans cajuns après qu'ils leur aient subtilisé sans permission leurs canoës.

Cette similitude, jugée sans doute un peu trop voyante selon certains, n'a pas servi le film qui fut un échec commercial en Amérique, en partie parce que Hill, en plus de dénoncer en filigrane la présence des États-Unis au Vietnam, exposait, sous couvert d'un survival brutal et haletant, le racisme qui gangrène une société ne laissant guère de place aux minorités. C'est donc en Europe que "Sans retour" s'est bâti une solide réputation, qui confirma les talents déjà repérés dans "Le Bagarreur" (1975) et dans "Les Guerriers de la nuit" (1979).

La capacité de Hill à plonger rapidement le spectateur au cœur du sujet, sa faculté à faire monter la tension entre les personnages, son aptitude à utiliser l'espace (ici le bayou du lac Caddo en Louisiane) pour donner à cette chasse à l'homme une tonalité fantastique, compensent largement un goût que l'on peut juger contestable pour la sublimation de la violence emprunté à Sam Peckinpah. Le final, aussi paroxystique que celui d'"Apocalypse Now", est proprement saisissant, où les deux seuls survivants se trouvent confrontés brutalement aux rudes mœurs locales lors d'une réunion festive qui se transforme en piège. Le tout sur le rythme endiablé du "Parlez-nous à boire" interprété par Dewey Balfa, célèbre musicien "cadien" qui rompt avec la lancinante et inquiétante mélopée slide de Ry Cooder qui scandait la course-poursuite dans le bayou.

La fin ouverte laisse clairement entendre que s'aventurer en terre étrangère sans y être invité est une chose à éviter, notamment en politique étrangère. Un pavé jeté dans la mare que les très interventionnistes Ronald Reagan et George Bush ne prendront pas en compte avec le résultat que l'on connaît aujourd'hui.

Le tournage épuisant dura 55 jours, et Hill n'aura qu'à se féliciter de l'implication de ses acteurs qui, de Peter Coyote à Fred Ward, en passant par Keith Carradine ou Powers Boothe, contribuèrent au réalisme saisissant d'un film qui continuera de se bonifier avec le temps, car intemporel tant dans sa forme que sur le fond.

Sans retour - générique

Les critiques de films de Citizen Poulpe
La critique de Bertrand Mathieux