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"Rambo"

titre original "First Blood"
année de production 1982
réalisation Ted Kotcheff
scénario Sylvester Stallone
photographie Andrew Laszlo
musique Jerry Goldsmith
interprétation Sylvester Stallone, Richard Crenna, Brian Dennehy, Jack Starrett, David Caruso, Bruce Greenwood
suites • "Rambo II : la mission", George P. Cosmatos, 1985
• "Rambo III", Peter MacDonald, 1988
• "John Rambo", Sylvester Stallone, 2008
• "Rambo: Last Blood", Adrian Grunberg, 2019

Critique extraite du Guide des films de Jean Tulard

Un film violent sur la difficile adaptation des anciens combattants du Viêtnam à une vie normale. Mais Rambo a échappé à ce scénario pour devenir un mythe.

La critique de Sébastien Miguel pour Plans Américains

Transition historique : plus que toute autre production des années 80, "Rambo" représente idéalement le basculement entre le Nouvel Hollywood et les années Reagan.

Kotcheff rêvait de refaire le chef-d’œuvre de Trumbo-Lewis et Douglas, "Seuls sont les indomptés". Il demanda le même compositeur (Goldsmith) et réclama le héros légendaire de Hollywood, Kirk Douglas. Goldsmith composa la musique, et Douglas se transforma en colonel Trautman désabusé. Hélas, la star réalisa rapidement que la fin initiale (celle où Rambo se suicide) fut transformée par les producteurs sans son autorisation. Douglas abandonna brutalement le projet après seulement quelques jours de tournage. Cette fin fut pourtant tournée, mais ne sera utilisée par Stallone que 26 ans plus tard dans l’étonnante séquence de rêve de "John Rambo".

La mise scène purement fonctionnelle de Kotcheff capte avec grandeur la nature sauvage et la brutalité qui se dégage de cette histoire aux allures de mythe. On profite encore d’une utilisation classieuse du 2.35 juste avant l’ère du vidéo clip… Stallone n’a peut-être jamais été aussi charismatique en soldat déchu représentant, bien malgré lui, l’échec d’un pays amnésique et se refusant à reconnaître son passé.

À chaque nouvelle vision, on reste toujours surpris par le portrait à charge, dressé par les auteurs, de l’Amérique profonde ; une bande de brutes machistes totalement dénués de compassion, de sentiments et de raison (saisissantes incarnations de Brian Dennehy et Jack Starrett). On est ici à des années lumières de la glorification abusive des navets reaganiens à venir…

La dernière partie, annonçant les excès des années 80, voit soudain le héros se transformer en machine à détruire indestructible. Pourtant, la machine s’effondrera, et c’est dans un long monologue douloureux que Rambo exprimera pour la première (et dernière) fois ses blessures profondes et ses humiliations.

Très belle partition de Jerry Goldsmith, et belle photo aux teintes tristes d’Andrew Laszlo.

Au-delà des polémiques et des horribles suites, "Rambo" reste un grand film.

La critique de Didier Koch pour Plans Américains

Il est de bon ton de se moquer de Sylvester Stallone, symbole ringard, avec Arnold Schwarzenegger, des années Reagan triomphantes. Son jeu stéréotypé, basé sur une palette d'expressions réduite à portion congrue, a été largement amplifié par une doublure française (Alain Dorval) qui n'a rien fait pour nuancer les prestations de Sly. Après des débuts méritoires, ses biceps et ses pectoraux ont servi d'étendards à une filmographie essentiellement constituée de films de séries B à Z, pour la plupart décérébrés.

Les rares tentatives de Stallone pour sortir de ce carcan doré, financièrement s'entend, ont très vite tourné court, le renvoyant sans coup férir à son emploi premier. L'âge mûr venu, l'acteur, pourtant largement portraituré à coups de bistouri, assume complètement son statut d'acteur à biscoteaux, n'hésitant pas à s'auto-parodier dans la saga "Expendables" en compagnie de ses frères d'armes des années 80 à 90, les Van Damme, Lundgren et autres Bruce Willis. C'est sans doute la meilleure façon pour lui de se diriger doucement vers la sortie.

Quand l'heure de la retraite sonnera, et qu'il se retournera sur sa carrière, Stallone pourra compter sur les doigts d'une seule main les films dignes d'intérêt qui la composent. On pourra y placer deux ou trois "Rocky", le premier "Rambo", "La taverne de l'enfer", "F.I.S.T." et "Copland". Le premier "Rambo", "First Blood" en anglais, constitue le point d'orgue de la carrière de Stallone, mais aussi paradoxalement l'amorce de son déclin artistique, le personnage de John Rambo, repris dans deux suites ultra vitaminées sans aucun recul, ayant façonné pour les deux décennies à venir les rôles d'un acteur qui montrera, film après film, les limites de son jeu.

En 1982, c'est donc sous la houlette de Ted Kotcheff, réalisateur canadien relativement confidentiel, qu'il s'inscrit dans la veine des films traitant du conflit du Vietnam achevé sept ans plus tôt. L'adaptation du roman de David Morell va permettre à Stallone et Kotcheff de donner une vision héroïque du vétéran du Vietnam, qui était complètement absente de films désabusés comme "Le Retour" d'Hal Ashby, "Cutter's Way" d'Ivan Passer ou encore de "Voyage au bout de l'enfer" de Michael Cimino. Il est vrai que la présence au générique du héros hautement positif de "Rocky" ne laissait guère d'autre issue aux producteurs.

Il faut donc admettre les digressions du scénario avec la réalité pour prendre plaisir à ce film qui, tout en dénonçant le sort fait aux G.I.s de retour du conflit, se veut avant tout un divertissement destiné à rallier le plus grand nombre. Le mariage est formidablement réussi grâce à la maestria de Kotcheff et de son directeur de la photographie Andrew Laszlo qui, par la mise en valeur des paysages grandioses de la Colombie-Britannique, donnent un éclat tout particulier à cette chasse à l'homme. La progression du récit fait remarquablement monter la tension jusqu'à un final explosif, quoique un peu à la limite du ridicule, notamment lors des échanges sentencieux entre le G.I. prêt à se saborder, abruti par l'incompréhension de ses compatriotes, et le colonel Trautman qui invoque les valeurs guerrières qui ont permis à Rambo de porter haut les couleurs de l'Oncle Sam.

Le tout est porté aux côtés de Stallone par un casting de premier choix avec Brian Dennehy en shérif buté et obsessionnel, Jack Starrett en flic sadique et violent et enfin Richard Crenna en lieu et place de Kirk Douglas, d'abord pressenti dans le rôle du colonel Trautman, le mentor de Rambo.

Malheureusement, le succès commercial du film amènera les producteurs à concocter deux suites ineptes où Rambo se fera le chantre de l'anticommunisme, puis de l'interventionnisme américain au nom d'un bon ordre mondial conforme à ses propres intérêts, faisant de Stallone l'emblème des années Reagan, puis des années Bush.

Après une longue errance cinématographique entrecoupée par le seul respectable "Copland" de James Mangold en 1997, Stallone repassera derrière la caméra en 2006 ("Rocky Balboa") et 2008 ("John Rambo") pour faire revivre les deux héros séminaux de sa carrière, auxquels il donnera dans deux films honorables l'humanité acquise avec les ans.

En Blu-ray, le film est unique avec ses paysages grandioses.

Couverture du Première Classics no 9 de octobre-décembre 2019 consacré au film
© Dan Mumford
Affiche alternative © Gabz
Affiche alternative © Gabz (variante)
Affiche alternative © Ken Taylor
© Gabz

© Last Exit to Nowhere