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"Annie Hall"

"Presque" une histoire d'amour

titre original "Annie Hall"
année de production 1977
réalisation Woody Allen
scénario Woody Allen et Marshall Brickman
photographie Gordon Willis
interprétation Woody Allen, Diane Keaton, Tony Roberts, Shelley Duvall, Paul Simon, Christopher Walken, Laurie Bird, Jeff Goldblum, Sigourney Weaver, Truman Capote (non crédité)
   
récompenses • Oscar du meilleur film
• Oscar du meilleur réalisateur
• Oscar de la meilleure actrice pour Diane Keaton
• Oscar du meilleur scénario original

La critique de Didier Koch pour Plans Américains

Avec "Annie Hall", Woody Allen, encore jeune réalisateur, entame un nouveau cycle toujours aussi comique mais délibérément introspectif, le réalisateur faisant le point sur sa liaison passée avec celle qui fut sa première muse, Diane Keaton.

Jusqu'alors, Allen, qui venait du stand-up, avait développé un comique du non-sens hérité des Marx Brothers (il rend un hommage appuyé à Groucho dans l'ouverture du film) et du slapstick. C'est face à la caméra qu'il nous annonce presque officiellement son changement d'univers. Juif new-yorkais en perpétuel questionnement sur la sexualité, le sens de l'existence ou la mort, Allen va désormais développer ses thèmes de prédilection dans des comédies, sortes de chroniques sociales autour des relations sentimentales compliquées d'un personnage central récurrent qui ne sera bien sûr personne d'autre que lui-même.

Sur la forme, Woody Allen n'oublie pas ses débuts, et les petites innovations dont il parsème son film sont autant de clins d'œil à ses origines de show man. C'est ainsi qu'après avoir parlé directement au spectateur dans son incipit, il le prendra plusieurs fois à témoin comme s'il racontait à un vieux copain ses déboires sentimentaux. Plusieurs fois aussi, les personnages effectuent des sauts temporels pour juger eux-mêmes, présents à l'écran, leur comportement passé. Un court passage de l'intrigue amoureuse se déroulera même en dessins animés. Des petits gimmicks parfois naïfs et sans doute aujourd'hui passés de mode qui fondent la douce nostalgie d'une époque pas si lointaine où l'accomplissement par la relation avec autrui était le grand sujet.

Woody Allen  n'a pas encore révélé son hypocondrie, thème central de quelques-uns de ses meilleurs films ("Hannah et ses sœurs" en 1986), même s'il y fait furtivement allusion. Qu'est-ce qui fait que deux personnes tombent amoureuses et finissent par devenir étrangères une fois que leur passion s'est étiolée ?  C'est la grande question que se pose Woody Allen dans "Annie Hall", séparé depuis deux ans de Diane Keaton, montrant très bien la méprise qui parfois s'installe lors de la douce euphorie de la rencontre, suivie d'un long et douloureux cheminement pour se rendre compte que l'on s'est peut-être trompé. Alvy et Annie n'ont sans doute pas grand chose en commun et en premier lieu leurs origines si différentes, lui fils d'une famille d'émigrés juifs tenant commerce à Brooklyn, viscéralement attaché à New York, elle pur produit d'une éducation WASP qui ne rêve que du soleil de Los Angeles. Et pourtant, Alvy, qui le premier a tout fait pour modeler Annie à son image, lui daignant le droit à l'épanouissement, semble regretter une union qu'il n'a pas vraiment chercher à préserver. Les moments de bonheur que l'on a connu avec l'être aimé sont uniques, et Alvy aura beau tenter de revivre l'épisode de la soupe de homards (une des scènes mutines de ses débuts amoureux avec Annie) avec d'autres, ses tentatives seront vaines. Annie, son amour perdu, remplit bien sûr tout l'écran, et sans doute Diane Keaton, récompensée d'un Oscar, n'a jamais été aussi belle, mais Allen n'oublie pas au passage d'être féroce, moquant le monde de la télévision, et surtout Los Angeles qu'il juge le temple de  la superficialité.

Allen sera quelquefois plus virtuose par la suite, mais sans doute plus jamais aussi touchant que dans ce magnifique film que demeure "Annie Hall", qu'il faut voir et revoir pour conjurer la misanthropie qui guette.

Critique extraite du Guide des films de Jean Tulard

Le film le plus caractéristique de Woody Allen, celui où il s'est mis tout entier avec ses hantises et ses névroses. Superbe photo de Gordon Willis.

Critique extraite de 50 ans de cinéma américain de Bertrand Tavernier et Jean-Pierre Coursodon

Premier volet de la trilogie moderne semi-autobiographique de Woody Allen (dont les deux autres seront "Manhattan" et "Stardust Memories"). Cette première œuvre de la maturité du cinéaste mêle les habituels gags et traits d'esprit à des préoccupations plus sérieuses et se termine dans la mélancolie. Hollywood reconnaît ce New-Yorkais, contempteur de la Californie, en lui décernant trois Oscars personnels (meilleur film, mise en scène, scénario) qu'il ne vient pas chercher. La première comédie (mis à part les comédies musicales) qui ait remporté l'Oscar du meilleur film depuis 1960 ("La Garçonnière").

Gordon Willis et Woody Allen sur le tournage du film

Homarus americanus (affiche alternative © Graphic Nothing)
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La critique de Bertrand Mathieux