titre original | "WUSA" |
année de production | 1970 |
réalisation | Stuart Rosenberg |
scénario | Robert Stone, d'après son propre roman |
musique | Lalo Schifrin |
interprétation | Paul Newman, Joanne Woodward, Anthony Perkins, Pat Hingle, Bruce Cabot, Cloris Leachman, Moses Gunn |
Critique extraite du Guide des films de Jean Tulard
Un témoignage passionnant sur la politique américaine. Peut-être le trait est-il forcé, mais la mise en scène est efficace.
La critique de Didier Koch pour Plans Américains
Paul Newman avait une relation toute particulière avec le réalisateur Stuart Rosenberg, avec lequel il fera quatre films. Leur première collaboration pour "Luke la main froide" en 1967 avait permis à Newman d'exprimer pleinement son talent en s'extirpant des tics hérités de l'Actor's Studio et de ne plus être assimilé à une simple émule de James Dean ou de Marlon Brando. Enchaînant avec "Butch Cassidy et le Kid" de George Roy Hill en 1969, il devient une icône et se hisse sur la première marche du podium des acteurs qui comptent à Hollywood. Mais Newman, devenu producteur avec son ami John Foreman, est aussi passé à la réalisation en 1968 avec "Rachel, Rachel" pour exprimer ses convictions politiques et sociales.
Il retrouve donc Stuart Rosenberg pour l'adaptation du premier roman de Robert Stone ("A Hall of Mirrors"), qui confronte la contre-culture américaine née du mouvement hippie avec les secousses réactionnaires qui s'expriment à travers l'élection de Richard Nixon en 1969. Le sujet intéresse les deux hommes, qui demandent à Robert Stone d'écrire le scénario de ce qui deviendra "WUSA", comme l'acronyme d'une radio qui, sous une façade grand public, cache un mouvement qui ambitionne d'embrigader les déclassés derrière des slogans prônant un retour à l'ordre sous toutes ses formes.
Rheinhardt (Paul Newman) est une sorte de vagabond au passé incertain qui atterrit à La Nouvelle-Orléans avec le maigre espoir de se relancer. Ayant déjà travaillé dans une radio locale, il parvient à décrocher un poste d'animateur chez WUSA, radio de propagande rigoriste aux relents suprématistes tenue par Bingamon (Pat Hingle), un chef de parti charismatique aux ambitions démesurées. Logé dans un motel d'un quartier populaire où se côtoient musiciens junkies, une prostituée en déshérence (Joanne Woodward) dont il s'amourache un temps et un étrange enquêteur social bègue (Anthony Perkins), Reinhardt est vite confronté à ses contradictions et à l'intransigeance de son nihilisme qu'il tente d'enfouir dans l'alcool.
Si les enjeux du film sont plus que louables et complètement d'actualité près de cinquante plus tard, il faut bien reconnaître que la mise en scène un peu relâchée de Rosenberg, notamment sa direction d'acteurs, ne parvient pas toujours à les rendre palpables. Les critiques jugeront le film raté, mais seront malgré tout globalement indulgents pour la démarche des deux hommes.
Visionné en 2018, le constat est toujours le même devant ce casting de choix assez mal utilisé avec, à sa tête, un Paul Newman qui semble faire un fâcheux bon en arrière, reprenant le jeu maniéré appris chez Lee Strasberg dont il avait eu le plus grand mal à se défaire. Face à lui, Joanne Woodward, pourtant formée à la même école, est parfaite, sans doute galvanisée par la présence à ses côtés de celui pour lequel elle a mis sa carrière un peu retrait. Anthony Perkins, quant à lui, particulièrement touchant, dégage toujours la même gaucherie qui en avait fait un psychopathe pathétique chez le grand Hitchcock ("Psychose" en 1960).
Malgré tous ses défauts, "WUSA", resté confidentiel en France, mérite le détour pour l'étrange parfum qu'il dégage d'une société en déliquescence prête à basculer dans l'inconnu.
À noter enfin, pour les cinéphiles, la dernière et courte apparition à l'écran de Bruce Cabot, acteur dans le "King Kong" de 1933 et ancien compagnon de virée d'Errol Flynn.