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"The Card Counter"

The Card Counter - affiche

titre original "The Card Counter"
année de production 2021
réalisation Paul Schrader
scénario Paul Schrader
photographie Alexander Dynan
musique Robert Levon Been et Giancarlo Vulcano
interprétation Oscar Isaac, Tiffany Haddish, Tye Sheridan, Willem Dafoe

La critique de Didier Koch pour Plans Américains

À l’heure où nombre de vétérans ont rejoint les étoiles ou sont rangés des voitures, Paul Schrader devenu réalisateur après avoir connu la célébrité comme scénariste ("Taxi Driver" de Martin Scorsese en 1976, "Obsession" de Brian De Palma en 1976, "Raging Bull" de Martin Scorsese en 1980 ou encore "Mosquito Coast" de Peter Weir en 1986) en a encore sous le pied comme le démontre "The Card Counter", qui le voit nager certes dans des eaux connues de lui, mais avec toujours autant de force et de créativité esthétique pour illustrer son propos.

William Tell (Oscar Isaac) est à n’en pas douter un lointain cousin de Travis Bickle (Robert De Niro dans "Taxi Driver"), vétéran comme lui de l’une des sales guerres menées par l’oncle Sam très loin de ses bases. Travis Bickle, revenu brisé de l’enfer vietnamien, tentait en vain de contrôler ses obsessions et ses cauchemars en enchaînant les courses à bord de son taxi dans les rues malfamées du New York crasseux des années 1970. William Tell, lui, est un rescapé de l’infamie de la prison d’Abou Ghraib, qui lui a valu, en qualité de lampiste zélé, huit ans de prison ferme. Ayant appris durant son séjour à maîtriser ses émotions et à compter les cartes, il écume désormais tel un fantôme les casinos pour tenter d’effacer de ses nuits, la réminiscence des horreurs auxquelles il a participé. La routine minutieuse est sans aucun doute l’un des moyens les plus sûrs de parvenir à l’oubli. On se dit alors que la culpabilité et la possible rédemption qui l’accompagne, demeureront sans aucun doute jusqu’au bout les thèmes centraux de l’œuvre de Paul Schrader qui, comme à son habitude, écrit lui-même l’histoire qu’il va filmer. Le New York bouillonnant au sein duquel évoluait Bickle laisse place ici à l’uniformité et à la froideur des salles de jeux sans âme que Tell traverse sans même les regarder.

Quand il rencontre un jeune homme dont le père s’est suicidé après avoir exercé en Irak sous les ordres du commandant John Gordo (Willem Dafoe), celui à qui l’armée américaine a sous-traité « la question » au sein de la prison d’Abou Ghraib, Tell jusqu’alors sans attache, entrevoit une issue salvatrice à ses angoisses. Il va donc tenter de détourner le jeune Cirk (Tye Sheridan) de son projet vengeur en lui faisant rependre ses études et retrouver sa mère. Si, en plus, l’amour se mêle de la partie en la personne de La Linda (Tiffany Haddish), une autre estropiée de la vie, qui recrute les bons joueurs de poker pour des investisseurs, alors la seconde chance si chère aux Américains semble peut-être au bout de la route. Le mutique William Tell a d’ailleurs commencé à esquisser quelques expressions qui dérident un peu son visage marmoréen. On se dit alors que sur le tard Paul Schrader, le calviniste, a possiblement recouvré quelque optimisme. C’est mal le connaître !

On saluera la performance « bressonienne » d'Oscar Isaac qui, depuis "A Most Violent Year" (J.C. Chandor, 2014), n'en finit pas d'étonner.

The Card Counter - Cahiers du Cinéma
Couverture du numéro de décembre 2021 des Cahiers du Cinéma
The Card Counter - affiche française
Affiche française du film

The Card Counter - générique

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