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"Pig"

Pig - affiche

titre original "Pig"
année de production 2021
réalisation Michael Sarnoski
scénario Michael Sarnoski
photographie Patrick Scola
musique Alexis Grapsas et Philip Klein
interprétation Nicolas Cage, Alex Wolff, Adam Arkin

La critique de Didier Koch pour Plans Américains

Hirsute et solitaire, Robin vit au fond des bois de l’Oregon avec pour seule compagnie celle de sa truie qui le mène inlassablement vers les précieuses truffes enfouies dans le sol humide de l’épaisse forêt. Toutes les semaines, le jeune Amir (Alex Wolff) vient chercher la récolte pour alimenter son business, qui consiste à revendre les truffes à prix d’or aux restaurateurs huppés de Portland. Une nuit, la truie de Robin est sauvagement kidnappée. L’ermite sort alors de son antre pour s'en aller récupérer sa précieuse collaboratrice. Fatalement, le passé de Robin va ressurgir.

Nicolas Cage dans le rôle du chasseur de truffes, le spectateur fan de l’acteur (il faut vraiment l’être pour suivre encore après quinze ans de dérive, la carrière erratique du neveu de Francis Ford Coppola) se dit que le rasage de près ne va pas tarder pour laisser apparaître l’ancien agent secret, malfrat ou GI retiré des affaires et, avec lui, les gros calibres déterrés de leur planque pour régler enfin leur compte à ceux qui l’ont conduit dans cette bicoque insalubre où il n’a pas réussi à se trouver une compagnie plus bavarde que celle de cette truie maintenant disparue. Il faut dire que l’acteur est maintenant parfaitement rôdé à ce type de prestation calibrée et sans grande consistance autre que de lui permettre de payer ses arriérés tout en maintenant son niveau de vie fastueux.

Le bonhomme mal fagoté a l’air certes désemparé et buté, mais aussi très mal en point. Les deux ou trois gnons qu’il reçoit dès son retour en ville présagent mal en effet d’une vengeance efficacement assouvie. Cette entame en trompe l’œil est en réalité un leurre, sans doute voulu par l’acteur et son jeune réalisateur pour, sous forme de clin d’œil, rappeler cette période de sa carrière où Nicolas Cage s’est perdu dans les tréfonds de la série Z.

Si enquête il y a, celle-ci va prendre une autre tournure quand le passé de Robin va doucement se révéler. Celui d’un ancien très grand chef brisé par la mort de sa femme, mais aussi sans doute par d’autres considérations sur le sens de la vie que le scénario, intelligemment écrit par Michael Sarnoski lui-même, va mettre finement en perspective. Notamment le devenir de nos sociétés occidentales qui, pour se réinventer, ne semblent pas avoir trouvé mieux que de tout déconstruire, comme l’explique très bien la plus belle scène du film où Robin fait face à un chef nouvelle tendance qui ancien stagiaire dans son restaurant ne rêvait en réalité que d’ouvrir un snack-bar et qui tente maladroitement d'expliquer à celui qui fut son maître et dont il n’a rien retenu que son concept est la déconstruction des produits locaux afin que « le familier ait l’air étranger ». En quelques phrases bien senties, le faux-nez tombe et apparaît alors lumineuse et dévastatrice, la vérité de celui qui avait la passion et le talent chevillés au corps. Une déconstruction mise à toutes les sauces (sans jeu de mots !) qui n’est en réalité que la formule magique inventée pour mieux uniformiser les mœurs, les goûts et la culture. « Let’s business all over the world ! », tel semble bien être en réalité le credo qui sous-tend cette démarche. Nicolas Cage mutique comme il sait désormais si bien l’être, semble avoir lui aussi trouvé un nouveau concept : « le cabotinage sobre » dont seul aujourd’hui, il maîtrise aussi bien la recette. Excellent.

"Pig" comporte bien sûr quelques défauts comme la photographie de Patrick Scola, bien trop sombre sur toute la durée du film, mais aussi quelques raccourcis et scories narratives qu’il eût été facile d’éviter. Ne faisons toutefois pas la fine bouche, ce premier film original prenant la forme d’un « thriller culinaire » iconoclaste fait mouche, rappelant quelques évidences tout en montrant que la flamme qui animait autrefois Nicolas Cage n’est pas encore complétement éteinte. Comme Robin, retournera-t-il dans sa forêt plantée de productions incolores au sein desquelles il fera comme toujours de son mieux pour leur éviter le naufrage ? On peut le craindre.

Bestiaire hollywoodien

Le cochon du titre (pig en anglais) est interprété par Brandy, dont c'est le premier "rôle" au cinéma. Il rejoint, avec "Pig", la liste des animaux célèbres pour avoir figuré à l'affiche de films américains, comme Bart l'ours ("L'Ours", "Terrain miné", "Légendes d'automne", "L'Armée des 12 singes", "À couteaux tirés") ou le chien-loup Jed ("Natty Gann", "The Thing", "Croc-Blanc").