Kirsten Dunst is Marie-Antoinette d'Autriche
titre original | "Marie Antoinette" |
année de production | 2006 |
réalisation | Sofia Coppola |
scénario | Sofia Coppola |
photographie | Lance Acord |
costumes | Milena Canonero |
interprétation | Kirsten Dunst, Jason Schwartzman, Judy Davis, Rip Torn, Asia Argento, Marianne Faithfull, Tom Hardy, Mathieu Amalric |
récompense | Oscar de la meilleure création de costumes |
version précédente | "Marie-Antoinette", Woodbridge S. Van Dyke, 1938, États-Unis |
Marie Antoinette en ado lassante
Film sans doute le plus attendu du festival (auquel il a apporté son indispensable touche de glamour), "Marie Antoinette" de Sofia Coppola risque de provoquer une déception à la mesure des désirs qu’il avait suscités. Du point de vue historique, la question (que nous avions évoquée) est vite réglée : suivant les thèses ouvertement hagiographiques de la biographe Antonia Fraser, le film apparaît un peu comme l'anti-"Le vent se lève" de Ken Loach.
On pense aux phrases de Marc Ferro (in "Cinéma, vision de l'histoire", Ed. du Chène, 2003) sur un cinéma américain forcément contre-révolutionnaire : « tourner les fastes de l’aristocratie et de la cour offre un cadre merveilleux pour les "usines à rêve" ; ce qui n’est pas le cas de la misère paysanne ou de la collecte de la taille . (…) Aux États-Unis, où la révolution est globalement rejetée par la société depuis l’indépendance, celle-ci joue le rôle de catastrophe et elle anime le genre favori des cinéastes, le mélodrame. On y retrouve toujours un personnage de victime, une jolie femme de préférence, et là Marie-Antoinette ainsi que madame du Barry jouent les vedettes ; un traitement pathétique fait adopter au spectateur le point de vue de la victime. La Révolution, comme l’a bien montré l’historien du cinéma Jean-Louis Bourget, exerce la fonction de la catastrophe, ce qui, en profondeur, connote ces films d’une signification réactionnaire. »
À ceci près que le film de Sofia Coppola ne va pas jusqu'à la catastrophe : le film s'arrête au moment du départ pour Paris. Par ailleurs, sa vision du règne de "l'autrichienne" reste avant tout très superficielle : le film glisse tout autant sur la Prise de la Bastille que sur le soulèvement du peuple affamé (qui ramène le "boulanger, la boulangère et le petit mitron" sur Paris) ; il prend un malin plaisir à monter en épingle ses anachronismes (la fameuse paire de Converse) ; et on a vu mise en images plus percutante des cérémoniaux de la cour du lever et du coucher (le magistral Rossellini de La Prise du pouvoir par Louis XIV).
Du coup, c’est surtout du point de vue littéraire (étude d’un Mouvement littéraire et culturel et les Réécritures) que le film pouvait se révéler intéressant. Que nenni ! Le film ne s’embarrasse pas de philosophes, quand bien même on peut dénicher quelques perles (Marie-Antoinette lisant à sa petite cour quelques passages du "Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes", de Rousseau, étalée dans l’herbe ; ou alors le fait qu’on imprime les répliques du "Mariage de Figaro" de Beaumarchais, sur les éventails des dames de la cour ).
Quant aux Réécritures, au vu de la bande annonce, la figure historique de Marie-Antoinette pouvait s’apparenter à ces personnages d’adolescentes contemporaines qu’affectionne tant la réalisatrice depuis "Virgin Suicides". Le film s’ouvre sur un personnage digne de Sissi impératrice, se rebellant contre l’étiquette, puis Marie-Antoinette devient une sorte de fashion victim à la Paris Hilton ; la bande-son new-wave annoncée à grands fracas ne suscite pas d’élan particulier et même le thème de la fête "décadente" déçoit, tant il n’arrive pas à la cheville de ce qu’on pouvait voir dans "Barry Lyndon" de Kubrick.
En revanche les allusions appuyées à une certaine amitié franco-américaine, peuvent se lire comme une révérence de Sofia Coppola à une certaine idée de la culture française (Gilles Jacob, les groupes Air et Phoenix, les macarons Ladurée), et à son public qui l’avait jusqu’à présent plébiscitée. Cela ne suffit pas à imprimer un souffle et du rythme à un film qui rate le virage de la nostalgie désenchantée que sait d’habitude donner Sofia Coppola à ses œuvres.
Les films de Sofia Coppola © Faboolis