titre original | "Tin Men" |
année de production | 1987 |
réalisation | Barry Levinson |
scénario | Barry Levinson |
musique | Fine Young Cannibals |
interprétation | Richard Dreyfuss, Danny DeVito, Barbara Hershey, John Mahoney, Seymour Cassel |
Critique extraite de 50 ans de cinéma américain de Bertrand Tavernier et Jean-Pierre Coursodon
Plus satisfaisant et plus personnel que "Good Morning, Vietnam" (du même réalisateur et produit la même année). Barry Levinson retourne à Baltimore et évoque le monde étrange et pittoresque des représentants en revêtements d'aluminium pendant les années 60. Un sens remarquable du comique incongru, de l'absurdité quotidienne, de la richesse du langage populaire. Le conflit qui oppose Richard Dreyfuss à Danny DeVito, et son escalade, tient de la méthode Laurel et Hardy.
La critique de Didier Koch pour Plans Américains
Barry Levinson est né à Baltimore, ville populaire des États-Unis. Son premier film, "Diner" (1982), qui le fait connaître du grand public, se passe dans sa ville natale en 1959 et évoque sa propre jeunesse à travers le destin d’une bande d’amis dont l’un d’entre eux est sur le point de se marier. Nommé aux Oscars pour le meilleur scénario original, le film apporte immédiatement une réelle notoriété à Barry Levinson, ancien scénariste de Mel Brooks. Il enchaîne immédiatement avec deux projets plus importants, "Le Meilleur", où il dirige Robert Redford et Robert Duvall, suivi du "Secret de la pyramide" pour Amblin Entertainment, la société de production de Steven Spielberg.
Après ces deux films plus formatés, il retrouve sa veine intimiste en posant à nouveau sa caméra à Baltimore. C'est l'occasion d'un nouveau retour en arrière, cette fois-ci en 1963, pour décrire l'univers des vendeurs à domicile en charge d'apporter à un public encore très crédule, à coups de combines rocambolesques, les dernières innovations techniques au service d'un capitalisme triomphant. C'est une époque vue aujourd'hui comme lointaine et bénie, où les hommes et les femmes, quoique la plupart du temps mariés, vivaient quasiment séparés, ne faisant que prolonger les mœurs de leur vie d'écoliers puis d'étudiants.
En plus des journées en duo passées à écumer banlieues et campagnes pour vendre leurs produits dernier cri, tous ces vendeurs se retrouvent le soir dans les bars et clubs de la ville pour évacuer, devant un whisky, le stress en se racontant les bonnes histoires et les ventes homériques de la journée. Inutile d'expliquer qu'à ce jeu-là, les épouses sont reléguées au rôle subalterne de garantes de la bonne marche de l'intendance familiale dont les gentils coupables tentent de cacher la réalité "concentrationnaire" par une profusion d'appareils ménagers censés adoucir la vie au foyer.
C'est dans ce contexte très cerné historiquement que Levinson, qui officie au scénario, met en présence deux de ces vendeurs, Bill Babowsky et Ernest Tilley, interprétés magnifiquement par Richard Dreyfuss et Danny DeVito. Se télescopant à la sortie d'un parking alors que Bill Babowsky sort sa Cadillac flambant neuve du garage, signe de sa réussite de vendeur, les deux hommes vont, à partir de cet affrontement machiste, se mener une guerre impitoyable à coups de tôle froissée et de rodomontades grandiloquentes suivies par les collègues de chacun à la sortie des bars de nuit. La plaisanterie ira même jusqu'à la subtilisation de la femme de Tilley (Barbara Hershey) par Babowsky, réputé pour être le Rudolph Valentino du quartier.
En toile de fond, Levinson montre aussi la fin d'une époque, avec l'arrivée en ville des commissaires de l’État fédéral en charge de réglementer des méthodes commerciales proches de l'escroquerie pratiquées en toute bonne foi par des commerciaux nourris exclusivement au pourcentage. Ces commissions d'enquêtes, dans leur décorum, rappellent étrangement celle tristement célèbre de l'horrible sénateur Joseph McCarthy engagé dans sa lutte acharnée contre le communisme, crédo des années d'après- guerre.
Le tout est dirigé de main de maître par un Levinson certes nostalgique, mais aussi très au fait de son époque, qui fait appel au groupe Fine Young Cannibals dont la musique rythme avec entrain cette chronique douce-amère, qui s'avère une véritable réussite classant indéniablement et définitivement Barry Levinson dans la catégorie des auteurs.
Le deuxième film d'une tétralogie
"Les Filous" est le deuxième long métrage de ce qui constitue la série des « films Baltimore » du réalisateur, après "Diner". Suivront "Avalon" et "Liberty Heights".