titre original | "The Others" |
année de production | 2001 |
réalisation | Alejandro Amenábar |
scénario | Alejandro Amenábar |
photographie | Javier Aguirresarobe |
musique | Alejandro Amenábar |
interprétation | Nicole Kidman, Fionnula Flanagan, Christopher Eccleston |
La critique de Didier Koch pour Plans Américains
Remarqué pour ses deux premiers films qui le classe immédiatement comme le chef de file du renouveau du cinéma espagnol en compagnie de Jaume Balaguero, Alejandro Amenábar, dont "Ouvre les yeux" (1997) a fait l’objet d’un remake à Hollywood ("Vanilla Sky" de Cameron Crowe en 2001) produit et interprété par Tom Cruise, se voit confier par celui-ci une variation autour du "Tour d’écrou" d’Henry James. Le roman paru en 1898 a déjà été adapté au cinéma par Jack Clayton en 1961 avec "Les Innocents". Aux côtés de "La Maison du diable" de Robert Wise sorti en 1963, il constitue l’un des joyaux incontestés du film de maison hantée.
Amenábar écrit lui-même le scénario, comme il en a pris l’habitude depuis le début de sa carrière. C’est Nicole Kidman, alors la femme de Tom Cruise, qui tiendra le rôle principal. Celui d’une mère cherchant à protéger ses deux enfants contre une maladie qui leur interdit de voir la lumière, au sein d’une vaste demeure qu’elle occupe seule depuis que son époux est parti à la guerre (l’action se passe en 1945). Alors qu’elle cherche à recruter des domestiques, trois étranges personnes frappent à sa porte. Ce seront les nouveaux recrutés. L’extrême méticulosité, pour ne pas dire la maniaquerie de la maîtresse de maison, va fortement influer sur la survenue et le retentissement des événements qui vont suivre.
Alejandro Amenábar, qui a retenu toutes les leçons apprises à la vision des deux films précités, s’y entend à merveille pour les appliquer à ce cauchemar brumeux et claustrophobe, qui relève de l’exercice de style brillantissime. La photographie du chef-opérateur Javier Aguirresarobe, avec lequel il collabore pour la première fois, est somptueuse et contribue à faire de Nicole Kidman le point d’orgue de ce dérèglement des sens cohabitant avec le surnaturel. Jamais sans doute l’actrice n’avait été aussi belle et son jeu si bien mis en valeur. Sa blondeur platine et sa composition font penser bien sûr à Alfred Hitchcock dirigeant Kim Novak dans "Sueurs froides" ou Grace Kelly dans "Le crime était presque parfait". Un Oscar aurait peut-être pu récompenser cette prestation, qui voit Nicole Kidman combiner de manière très fluide une fermeté altière parfois dédaigneuse avec une fragilité extrême proche de l’abattement.
N’usant de presque aucun effet inhérent au genre, Amenábar en état de grâce plonge le spectateur dans les tréfonds d’une raison qui vacille. Les autres acteurs n’ont qu’à se mettre au diapason d’un réalisateur et d’une actrice en parfaite symbiose.
Véritable chef-d’œuvre esthétique souffrant toutefois de quelques faiblesses narratives, "Les Autres" pourra sans aucun doute être vu et revu sans jamais décevoir. Il prend donc place au panthéon des grands films fantastiques.