Le dernier film de William Friedkin
titre original | "The Caine Mutiny Court-Martial" |
année de production | 2023 |
réalisation | William Friedkin |
scénario | William Friedkin, d'après la pièce "The Caine Mutiny Court-Martial" de Herman Wouk (1953) |
montage | Darrin Navarro |
photographie | Michael Grady |
production | Annabelle Dunne et Matthew Parker |
interprétation | Kiefer Sutherland, Jason Clarke, Jake Lacy, Monica Raymund, Lewis Pullman, Jay Duplass, Tom Riley, Lance Reddick |
La critique de Sébastien Miguel pour Plans Américains
Une œuvre hors du temps.
Angles prégnants, montage précis et absence totale de musique (hormis durant le générique), Friedkin refusant, bien évidemment, les pénibles flashbacks hollywoodiens *.
Ascèse drastique d'un cinéaste légendaire qui, aux portes de la mort, choisit de résumer l'humanité à quelques personnages dans une seule pièce, celle d'un tribunal militaire. **
Rigueur acérée d'une mise en scène auscultant, à travers d'intenses affrontements verbaux, les interrogations, machinations, perversités et effondrements de l'âme humaine.
Bénéficiant d'une remarquable direction, les comédiens sont tous admirables. Jason Clarke est d'une force surprenante, Monica Raymund est formidable en inquisitrice implacable. On admirera - une dernière fois, hélas - la présence majestueuse de Lance Reddick (à qui le film est dédié). Visage marqué par le temps et empruntant par instants les expressions de son père, Kiefer Sutherland est époustouflant en commandant névrosé et meurtri et trouve certainement le plus grand rôle de sa carrière.
L'ultime scène sonne comme une profession de foi.
Une épitaphe cinématographique glaciale et magistrale.
* Flash black minables souvent en noir et blanc que l'on trouve dans les très mauvais films américains. Comme "L'Enfer du devoir", par exemple...
** Le maître achève parfaitement sa carrière puisque son premier documentaire pour la télévision était "The People vs. Paul Crump" (1962), dont le retentissement finit par sauver un condamné à mort afro-américain. Par ailleurs, on retrouve aussi dans "Les Garçons de la bande" et "Le Sang du châtiment" des scènes de procès.
De la pièce à l'écran
"L'Affaire de la mutinerie Caine" n'est pas la deuxième adaptation américaine du roman "The Caine Mutiny" de l'écrivain américain Herman Wouk (1915-2019), mais la première adaptation américaine de la pièce de théâtre en deux actes tirée de ce roman (la deuxième si l'on compte le téléfilm réalisé en 1988 par Robert Altman). Kiefer Sutherland y reprend le rôle précédemment tenu par Humphrey Bogart dans l'adaptation du roman réalisée en 1954 par Edward Dmytryk ("Ouragan sur le Caine"), celui du lieutenant-commander Philip Francis Queeg. La distinction entre le roman et la pièce est importante dans la mesure où la pièce ne raconte pas, contrairement au roman, la mutinerie, mais ne met en scène que le procès militaire qui s'ensuit.
"L'Affaire de la mutinerie Caine" constitue la cinquième adaptation d'une pièce de théâtre réalisée pour le grand écran par William Friedkin, après "L'Anniversaire", "Les Garçons de la bande", "Bug" et "Killer Joe". Pour la première fois, Friedkin lui-même officie au scénario (peut-être parce que l'auteur de la pièce est décédé ?), pour lequel il a modifié la chronologie d'origine et intégré des éléments représentatifs de notre société contemporaine (la présence d'un personnage féminin parmi les gradés, par exemple).