titre original | "I Know This Much Is True" |
année de production | 2020 |
réalisation | Derek Cianfrance |
scénario | Derek Cianfrance, d'après le roman éponyme de Wally Lamb |
photographie | Jody Lee Lipes |
musique | Harold Budd |
interprétation | Mark Ruffalo, Melissa Leo, Bruce Greenwood, Juliette Lewis |
La critique de Didier Koch pour Plans Américains
"I Know This Much Is True", le roman de Wally Lamb, est paru en 1998. La 20th Century Fox envisage la même année d’en faire un film réalisé par Jonathan Demme. Deux ans plus tard, c’est Jim Sheridan qui est annoncé à la réalisation, avec Matt Damon dans le rôle principal (en réalité un double rôle, le roman narrant le parcours dramatique de deux frères jumeaux dont un est atteint de schizophrénie). L’affaire traîne en longueur, et les droits finissent par revenir à Wally Lamb, qui estime alors que la densité de son roman nécessite une adaptation en mini-série. Il envisage Mark Ruffalo pour le rôle principal. Les deux hommes finissent par tomber d’accord une fois que l’acteur a lu le livre. HBO entre alors dans le jeu, ainsi que Derek Cianfrance, le réalisateur/scénariste fétiche de Ryan Gosling ("Blue Valentine", "The Place Beyond the Pines"). Wally Lamb donne carte blanche pour l’adaptation de son œuvre.
Le résultat est largement convaincant, en grande partie grâce à l’interprétation particulièrement habitée de Mark Ruffalo. L’acteur, dont l’accès à la notoriété a été plutôt tardif suite à sa prestation dans "Zodiac" en 2007, est connu pour son éclectisme et son goût pour alterner grosses productions Marvel et films intimistes.
Dans l’Amérique des années 50, Dominick et Thomas, frères jumeaux nés à quelques minutes d’intervalle entre le 31 décembre 1949 et le 1er janvier 1950, grandissent entre une mère (Melissa Leo) traumatisée par son enfance et un beau-père protestant plutôt rigoriste. À l’adolescence, Thomas commence à révéler les premiers signes d’une schizophrénie. L’intrigue débute à la fin des années 1980, alors que devenus adultes, Dominick et Thomas ont suivi des trajectoires, certes très différentes, mais forcément teintées de l’impact de la maladie de Thomas, qui pèse sur les épaules de Dominick et influence ses choix de vie.
Derek Cianfrance examine tous les aspects d’une gémellité tortueuse, empreinte de sentiments aussi contradictoires que la culpabilité, la rancœur ou la jalousie quand l’un des deux jumeaux est gravement entravé dans son développement. Le droit au bonheur est-il accessible quand tant de handicaps affectifs assombrissent l’horizon ? C’est la question centrale à laquelle est confronté Dominick, qui doit trouver son chemin malgré les semelles de plomb qui lui donnent souvent l’impression de marche à rebours. Il a pourtant de nombreux alliés, qu’il ne sait pas toujours identifier, comme son ex-femme (Kathryn Hahn), son meilleur ami (Rob Huebel) ou encore l’assistance (Rosie O’Donnell) et la psychiatre (Archie Panjabi) de l’asile où est enfermé son frère.
À l’aide de flashbacks et de retournements de situation qui aident à mieux comprendre la construction psychologique des deux frères, Derek Cianfrance équilibre parfaitement intérêt narratif et questionnement sur la maîtrise possible des parcours individuels par-delà les traumas de l’enfance et les aléas de la vie. Seul petit bémol, on pourra peut-être trouver à certains moments que la barque du pauvre Dominick est un peu trop chargée, mais la remarquable performance de Mark Ruffalo parvient à faire oublier ce tropisme un peu trop visible du scénario.