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"Go Go Tales"

Go Go Tales

titre original "Go Go Tales"
année de production 2007
réalisation Abel Ferrara
scénario Abel Ferrara et Scott Pardo
photographie Fabio Cianchetti
musique Francis Kuipers
interprétation Willem Dafoe, Bob Hoskins, Matthew Modine, Asia Argento, Burt Young

La critique de Didier Koch pour Plans Américains

"Go Go Tales" marque une pause dans la description des univers glauques et torturés qui jalonnent la filmographie d’Abel Ferrara. Cette description atypique de la faune d’une boîte de strip-tease tenue par un manager accro au loto, qui tente par tous les moyens de joindre les deux bouts malgré son addiction au jeu, semble vouloir être la synthèse entre deux films références de ce genre très marginal. On pense bien sûr en premier à "Meurtre d’un bookmaker chinois" de John Cassavetes, mais aussi au très réussi "Dancing at the Blue Iguana" de Michael Radford (2000).

Abel Ferrara, contrairement à Cassavetes ou Radford, s’attarde très peu sur la psychologie de ses personnages, préférant, par des flashs instantanés, inscrire leur plastique ou leurs attitudes dans une peinture d’ensemble destinée à rendre l’ambiance si particulière de ce cabaret coquin où les cadres viennent s’encanailler à la sortie du boulot en glissant des billets sous les dessous des filles, en attendant de prendre le train de 20h38 qui les ramènera dans leur banlieue cossue où ils retrouveront leurs épouses. Pendant que tout le monde s’agite dans les coulisses pour faire tourner la boutique, le boss, lui, ne pense qu’à valider ses tickets de loto, dont il pense qu’ils vont le tirer d’affaire des dettes qui s’accumulent face aux loyers et aux salaires impayés réclamés par ses filles. Entre deux grilles de loto, Ray, joué par le toujours aussi émacié William Dafoe, doit introduire les numéros et même pousser la chansonnette. Vraiment, ce n’est pas une vie pour ce pauvre tenancier amoureux de ses filles, qui trouve malgré tout le moyen de piquer un petit somme de temps à autre en écoutant l’opus 20 de Tchaïkovski, allongé sur le canapé de son bureau. Et si Dafoe, impeccable comme d’habitude, n'était au final que l’incarnation d’un Abel Ferrara ayant remplacé la cocaïne par le jeu ?

Le tout est rythmé par le ballet des seins et des fesses des effeuilleuses que Ferrara nous livre à profusion comme si nous étions, nous aussi, clients du cabaret. L’ambiance éthérée qui se dégage de la mise en scène et du jeu des acteurs peut tour à tour fasciner, surprendre ou agacer, comme toujours chez le réalisateur italo-américain dont le plus grand plaisir est de bousculer le spectateur. À chacun de voir s’il se trouve confortablement assis dans les fauteuils moelleux du Paradise.

À noter la présence, dans ce lieu unique, de figures illustres du passé comme l'ex-groupie des Rolling Stones, Anita Pallenberg, ou Romina, la fille de Tyrone Power, mais aussi celle d'acteurs un peu oubliés comme Matthew Modine, Burt Young ou Bob Hoskins. Cette distribution baroque renforce encore un peu plus l'aspect étrange de ce film pas désagréable, mais bien sûr très loin des plus belles réussites de Ferrara.