titre original | "Get Out" |
année de production | 2017 |
réalisation | Jordan Peele |
scénario | Jordan Peele |
production | Blumhouse Productions |
interprétation | Daniel Kaluuya, Allison Williams, Catherine Keener, Bradley Whitford, Caleb Landry Jones |
récompense | Oscar du meilleur scénario original |
La critique de Didier Koch pour Plans Américains
"Get Out", petit film d'horreur de série B réalisé par Jordan Peele, jusqu'alors acteur plutôt orienté vers le comique, a fait un tabac aux États-Unis, mais aussi à travers le monde, récoltant 275 millions de dollars au box-office pour un budget de 4,5 millions de dollars. En France, par exemple, où il est extrêmement rare qu'un film d'horreur dépasse le million d'entrées, "Get Out" y est parvenu en seulement quatre semaines. Le sujet, pourtant maintes fois traité, de la haine raciale qui mine l'Amérique a fait cette fois-ci mouche via le film de genre.
Le jeune Jordan Peele, qui a écrit lui-même le scénario, nous propose une sorte de remake complètement déviant du fameux "Devine qui vient dîner..." de Stanley Kramer (dernier film de Spencer Tracy) sorti en 1967, qui fit monter la polémique tout autant pour avoir offert le rôle principal à un acteur noir (Sidney Poitier) que pour son sujet traitant du mariage inter racial. Jordan Peele exploite sensiblement la même toile de fond, mais en la détournant très vite de ses bases réalistes. Une jeune femme amoureuse d'un jeune homme noir le présente à ses parents en vue d'un mariage, sans les avoir prévenus de la situation. Comme dans le film de Stanley Kramer, les parents de la jeune WASP sont réputés être de vrais libéraux.
Les choses ont sans doute changé depuis les années soixante, quand les émeutes pour les droits des noirs battaient leur plein alors que le pasteur Martin Luther King allait se faire assassiner le 4 avril 1968. Mais Jordan Peele se pose tout de même la question lancinante de savoir si le racisme est un mal dont un pays anciennement esclavagiste ne guérit jamais vraiment. Pourtant, Barak Obama étant devenu président des États-Unis en 2009 , il a bien fallu que de nombreux blancs votent pour lui à deux reprises. Mais dans certains États du Sud comme l'Alabama, où se situe l'action du film, le poison est sans aucun doute toujours bien présent. Il peut prendre des formes surprenantes, comme nous le propose l'imagination fertile de Jordan Peele. La répulsion physique autrefois bien marquée dans les gènes du sentiment raciste est ici détournée pour faire apparaître la nouvelle expression d'un esclavage sophistiqué.
Jordan Peele file alors tout droit vers le fantastique traditionnel avec l'utilisation des corps de jeunes hommes au profit de seniors souhaitant échapper à leur déchéance. Le jeune réalisateur s'y entend à merveille pour diffuser une ambiance toxique dont on sent rapidement, avec le jeune héros (Daniel Kaluuya), qu'elle n'augure rien de bon. On pressent le pire, et il finit par arriver. Jordan Peele nous y conduit avec maestria, ménageant au spectateur un suspense tout autant haletant qu'étouffant.
C'est donc par le biais d'un film de genre bougrement réussi que l'horreur de la différenciation des hommes par leur couleur de peau nous est jetée en pleine face. Coup double pour un Jordan Peele dont il faudra retenir le nom.
À noter la présence au générique de Catherine Keener, égérie du cinéma indépendant, très convaincante dans un contre-emploi à glacer le sang.
La chronique de Julien Cassarino
La critique de Bertrand Mathieux