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"Choose Me"

Choose Me - affiche

titre original "Choose Me"
année de production 1984
réalisation Alan Rudolph
scénario Alan Rudolph
interprétation Geneviève Bujold, Keith Carradine, Lesley Ann Warren, Patrick Bauchau

Bienvenue dans les 80's "arty" ! (la critique de Pierre)

Alan Rudolph, c'est le fils spirituel de Robert Altman. Il est devenu célèbre dans les années 80, notamment en 1984 avec "Choose me", qui reprend le style de mise en scène d'Altman, mais pour en faire complètement autre chose. Ça faisait longtemps que j'avais envie de le voir, car il y a plusieurs films de Rudolph que j'adore, dont notamment l'extraordinaire "Wanda's Café" (film suivant de Rudolph réalisé en 1985 avec quasiment les mêmes acteurs). Que vaut donc "Choose me" ?

Le pitch : c'est une balade urbaine et nocturne, qui nous fait rencontrer plusieurs personnages qui veulent mettre fin à leur solitude : Eve (Leslie Ann Warren), un ancienne prostituée devenue tenancière d'un bar, Nancy (Geneviève Bujold), aka "Docteur Love", une présentatrice d'un talk show à la radio, et Mickey (Keith Carradine), un homme mystérieux au passé trouble...

On est à fond dans les années 80, mais d'une force que vous n'imaginez pas. Mais dans les années 80 avec une esthétique recherchée, que j'ai trouvé ici très belle : le générique, avec ses lettres au néon et sa splendide musique, est magnifique. Notons que tout le film diffuse une musique soul plutôt réussie signée Teddy Pendergrass ; la musique est presque utilisée comme un "chœur" qui exprime ce que disent les personnages. Le début, pour les non initiés à l'univers de Rudolph, n'est peut-être pas facile : on ne comprend pas tout ce que veulent dire les personnages, il n'y a pas d'"histoire" au sens strict du terme. Mais peu à peu, le charme opère et "Choose me" devient passionnant.

En fait, "Choose me" a autant à voir avec "Blue Velvet" qu'avec le cinéma d'Altman. Tout le film baigne dans le saxophone langoureux, les éclairages étranges et la fumée de cigarette ("On dirait un clip de Bryan Ferry", m'a dit ma copine).

Il faut noter que Geneviève Bujold est particulièrement bonne dans ce film : cette actrice est vraiment un cas singulier. Physiquement, elle est vraiment affreuse, elle a même quelque chose de repoussant. Mais désolé : en terme d'acting, elle déchire (elle a d'ailleurs une splendide filmographie, qui va d'"Obsession" à "Morts suspectes", en passant par "Faux-semblants"), elle est même assez émouvante dans ce film.

Au final, tout le monde n'aimera pas "Choose me", c'est clair. Mais moi, eh bien, j'ai aimé.

La critique de Didier Koch pour Plans Américains

Alan Rudolph possède un univers bien particulier qu’il a mené à son apothéose avec l’aide de ses deux acteurs fétiches (Keith Carradine et Geneviève Bujold) dans deux films très ancrés dans le style visuel de leur époque. Comme dans "Wanda’s Café", Rudolph nous décrit, avec une tendresse qui lui est propre, l’univers d’adultes au mitan de leur vie qui ont du mal à se situer, semblant un peu perdus sentimentalement. On ne reviendra pas sur le style "clipesque" très eighties du film auquel on peut être réfractaire pour son manque de réalisme, mais qui convient parfaitement au ton onirique et distancié voulu par Rudolph.

Par un amusant stratagème, les personnages de "Choose me" se choisissent sans vraiment se connaître et tissent entre eux des liens parallèles sans en avoir eux-mêmes connaissance. Cette figure de style scénaristique amène bien des quiproquos qui permettent à l’histoire de progresser et aux personnages de se révéler à eux-mêmes. Ainsi, des scènes assez drôles nous sont offertes entre Patrick Bauchau et Keith Carradine, qui se croisent trois fois de suite dans des situations cocasses, en concurrence pour des partenaires féminines identiques.

On sent, tout au long du film, que Rudolph a beaucoup de tendresse pour ses personnages et qu’au fond, rien de vraiment grave ne pourra leur arriver. Les méchants ne sont pas réellement mauvais, et tout finit par s’arranger grâce à l’amour et à la dérision.

La façon dont est filmée Geneviève Bujold dans les deux films précités montre la vision très particulière que pouvait avoir Rudolph de cette femme enfant qu’il a bien du mal à doter d’une véritable sexualité. Le passage à l’âge adulte se fait difficilement chez Rudolph, qui se complait à faire de ses trentenaires de grands adolescents attardés refusant l’entrée dans la maturité. Une maturité qui signifie peut-être pour Rudolph une stagnation, amorce du déclin. En tout cas, ce parti pris donne de très jolis films empreints de nostalgie et de poésie. Au spectateur de décider s’il se laisse emporter ou non.

À noter la présence de la magnifique et trop rare Lesley Ann Warren ("Victor/Victoria") qui, pour le coup, par son sex-appeal affirmé, tranche avec la diaphane Geneviève Bujold.